"Certes les nombreux talents du Club, connus ou inconnus, compensent, gratuitement, la minceur du journal et Mediapart a tendance, c'est vrai, à "exploiter systématiquement" (avec leur consentement) certains membres du Club", écrit E. Chaminade en commentaire d'un article.
Je me permets de ne pas partager sa façon de voir les choses. Il n'est pas question de travail gratuit, ni d'appropriation indue du travail d'autrui, d'exploitation, même si vous utilisez des guillemets (les guillemets n'ont jamais changé le sens des mots). Il s'agit d'écrits bénévoles. Ce qui implique la libre volonté et tout en même temps la bienveillance envers le journal.
D'emblée, Mdp a été créé pour être un journal numérique fondé sur l'association d'une partie rédactionnelle professionnelle et d'une partie interactive, nommée Club. La richesse de Mdp tient à cette association. Je paie pour cette association. Je fais connaître Mdp pour cette association. Par exemple, il est une richesse insoupçonnée : les commentaires. Un universitaire pourrait trouver une mine de sujets de mémoires dans l'ensemble des commentaires qui ont suivi l'affaire Siné, ou les articles sur la laïcité, sur le pape, sur Ségolène Royal... Ces discussions à rallonge révèlent des nœuds de notre civilisation.
Mais elle écrit, avec d'autres, que Mdp est plutôt mince. Est-ce si sûr ? Certains articles seraient délayés. Ce n'est pas mon impression, même si je pars du principe qu'un texte est souvent trop long par ce qu'on n'a pas eu le temps de le faire court (et tout journaliste est pris par le temps de même que les commentateurs n'ont guère le temps de peaufiner, moi le premier).
Les articles de Mdp sont longs, comparés à ceux de la presse écrite : 5 feuillets représentent certainement plus d'une page d'un quotidien. Depuis des années, on rabâche qu'il faut écrire des articles courts, très courts. Moyennant quoi, il n'est plus possible d'établir des données, d'argumenter sérieusement. "On n'est pas une revue !" Le problème c'est que les revues ne sont lues que d'un tout petit nombre, en France en tout cas. Mdp, c'est une autre manière de remplir un journal. Elle est sans doute liée au petit nombre de ses effectifs appelés à grandir au fur et à mesure de l'accroissement de son audience, mais elle part avec la volonté de faire réfléchir et de "donner des biscuits" à des lecteurs à qui on en a fait perdre le goût. Il suffit de lire certains commentaires qui sont la répétition de petites phrases toutes faites. Mais la presse, depuis trente ans, n'a-t-elle pas trop souvent voulu faire entrer dans les têtes ces petites phrases pour servir de philosophie (politique) à bon compte ?
Mdp nous réapprend à lire. Et c'est difficile. Il nous donne sans doute moins d'articles chaque jour (si l'on ne prend pas en compte Economico et les autres -o, les liens avec d'autres sites web de France, de Navarre et d'ailleurs). Mais il donne des articles de fonds, et il est à la pointe de l'information. Cette dernière semaine, de grands débats ont eu lieu sur Edvige et sur Tapie : qui a évoqué ces questions très tôt ? Mdp, avant la "grande presse". Il est désormais un acteur décisif de la vie nationale, même si nous ne nous en rendons pas compte toujours. Mais d'autres commencent à s'en apercevoir. Il s'agit donc de faire le cordon sanitaire autour de lui. La concurrence lui emprunte ses révélations sans le citer, tente de le discréditer sur les ondes radio...
C'est là une question qui concerne tous les lecteurs. La rédaction de Mdp a raison d'y porter la plus grande attention. Un autre billet montre que des secteurs de l'opinion voient Mdp comme un journal controversé. (- M. Verschove, par exemple, vous devez vous rendre compte rétrospectivement des suites calamiteuses de votre billet. Je n'ai rien contre ceux qui débusquent l'info qui fait mal. Mais de grâce, avant de publier sur un sujet aussi grave que le VIH, discutez au moins avec votre médecin ou avec les médecins et scientifiques de vos amis !) - Il s'agit de semer le doute : "dans le doute, abstiens-toi" de t'abonner... Vincent Truffy a donc reçu une tâche ingrate mais nécessaire. Il prendra peut-être parfois des initiatives qui ne plairont pas à tel ou tel, blessé dans son droit d'auteur. Mais ne brandissons pas en permanence l'arme qui se veut fatale : je me désabonne. Surtout quand c'est au moment où il semble que se manifeste un flux d'abonnements. Cela veut dire qu'on préfère se séparer de tous ceux qui sont en train de rejoindre le journal et qui, à 90%, liront les articles pour leur qualité et celle de l'équipe journalistique, - et qui ne participeront presque jamais à la bulle des commentaires.
Je voulais répondre sur un point précis à Emmanuelle Chaminade, mais je me suis laissé entraîner et voilà que je me retrouve d'accord avec elle pour la conclusion : Mdp nous enrichit bel et bien.
Billet de blog 14 septembre 2008
Médiapart, ce qu'il est, son avenir
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