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Billet de blog 16 avril 2008

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Réflexions au lendemain des élections italiennes

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(Commentaire à l’article de François Bonnet du 15 avril 2008)

La France et l’Italie avaient à gauche les deux plus puissants Parti communistes de l’Europe occidentale. En France, celui de Maurice Thorez, Waldeck Rochet (avec Jacques Duclos) et Georges Marchais. L’Italie celui, entre autres, de Togliatti, Berlinguer. L’un ancré sur une stratégie de Front populaire et d’union de la gauche, l’autre sur la recherche d’une entente plus large avec la démocratie chrétienne.

L’un qui se replie sur les « fondamentaux » traditionnels du communisme : classe ouvrière et paysannerie familiale (au moment de leur déclin historique), socialisme à construire dans un cadre national, internationalisme unissant les pays du socialisme réel (malgré leurs tares) et les pays non alignés pour une bonne part issus de la domination coloniale.

L’autre choisissant la voie de l’eurocommunisme et du « compromis historique » et réussissant à garder une influence forte ; rappelons-nous Guy Bedos : Berlinguer mort fait trois fois mieux que Marchais vivant !

En France, le déclin communiste laisse la place à un PS qui s’approprie progressivement l’union de la gauche et l’élargit aux Verts.

En Italie, Le PCI, après l’échec de Gorbatchev, veut éviter le sort du PCF et décide de devenir le parti social-démocrate dominant, le PDS qui adhère à l’Internationale socialiste. D’échec en échec, il finit par devenir ce Parti démocrate qui n’est plus même à l’Internationale socialiste et qui réalise, trente ans après l’assassinat d’Aldo Moro, un curieux compromis historique : la fusion de deux anciens partis qui ont perdu leur identité propre et qui n’ont plus à se poser la question de savoir quel type d’alliance peut rassembler la société italienne.

En Italie, ce ne sont pas les socialistes qui ont viré à droite, ce sont les anciens communistes, ceux qui possédaient l’héritage de Gramsci et de sa pensée originale. Aujourd’hui l’échec est patent. On dira, le PD est trop récent, il n’a pas eu le temps de convaincre les électeurs. Mais depuis la fin du PCI, toutes les élections ont montré le déclin constant de ses avatars. De quoi faire perdre à notre Ségolène et à quelques autres leurs illusions ! Et je suis assez d’accord avec cet article : Prodi, qui était un centre-gauche, n’était sans doute pas le meilleur cheval à la tête de l’attelage. Et pourtant son mode de désignation à la tête de la coalition n'a-t-il pas été vanté par certains de ce côté ci des Alpes.

L’exemple de la droite le démontre. Aujourd’hui, pour l’emporter, il faut un parti ou une coalition unie sur des « fondamentaux » identitaires et réinvestis à la lumière du monde contemporain. Le meneur de jeu n’est pas nécessairement un génie mais il incarne une orientation claire. Les élections se gagnent peut-être au centre, mais certainement pas en affadissant son programme. Bush en 2000 et 2004, Sarkozy, Berlusconi en ont fait la démonstration.

La question qui se pose à gauche est grave. Il faut bien comprendre en France (je laisse aux Italiens le soin de réfléchir pour leur gauche) que la vision du gaullisme au dessus des partis, fondatrice de la Ve République est depuis longtemps morte : la droite a compris progressivement (et lentement) après 1981 qu’il fallait se revendiquer ouvertement de la droite. Le 1er à le faire a été …Le Pen.

Avril 2002 a ouvert les yeux de la droite française, de Chirac à Juppé et Sarkozy. Ils ont créé l’UMP pour fonder la droite bien à droite et refouler une extrême droite électoralement mortifère. Certes, ils ont voulu un parti unique de la droite et n’ont pas réussi. Mais Sarkozy qui a pu s’emparer de l’UMP après la déchéance civique de Juppé, était de ce point de vue sur la même longueur d’onde que Chirac. Et c’est pourquoi 1) il a rassemblé laborieusement mais avec succès tous les courants de l’UMP, 2) il combat sans complaisance le Modem qui reste sur une ligne refusant l’affrontement des identités qui fondent les repères dans un système politique bipolarisé, 3) il draine, lui qui n’a jamais fricoté dans sa jeunesse avec Occident, le GUD ou quelque extrême droite que ce soit, les voix d’une l’extrême droite qu’il s’agit pour lui de contraindre à la respectabilité comme ce fut le cas avec Berlusconi pour Fini et l’ex MSI.

La gauche ne sera donc crédible qu’à gauche, certes pas dans les incantations, les formules anciennes, - encore que certaines renvoient encore et toujours à l’expérience vivante de nombreux citoyens, - les rêves de grand soir survenant de manifestations générales et centrales : même 68 n’a amené de changements importants qu’à terme. Il faut élaborer plus qu’un programme, un projet à quinze vingt ans : définir des objectifs ambitieux s’inscrivant dans une perspective indiscutablement à gauche, et il faudra discuter et vérifier que les acteurs de la politique les plus divers en sont d’accord (quitte à progresser vers cet accord si ce n’est pas immédiatement atteint).

Tout programme de législature dans cette perspective devrait apparaître comme une étape vers ces objectifs, ce qui peut permettre de faire comprendre que tout n’est pas toujours possible en même temps, que certaines mesures se heurtent parfois à des rapports de force momentanément défavorables mais que d’autres peuvent être accélérés.

Au travail donc ! C’est sur une vision à assez long terme et sur du contenu que la gauche peut gagner. Pas sur de simples mots, même si parfois ils ont une valeur de symbole, pas sur de simples postures, mais sur des propositions discutées à l’avance avec toutes les organisations qui se sentent concernées par la gauche, et plus encore avec tous ceux qui veulent prendre la parole ou la plume.

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