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Billet de blog 16 décembre 2015

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5 ans de Sarkozie, 45 mois de Hollandie, et quoi au bout du chemin ?

Le changement aujourd’hui, pour la France et l’Europe, a un goût amer. La construction européenne est en panne. Elle s’est pour l’essentiel coupée des sources de la vie...En cette fin d’année 2015 qui a commencé et fini avec des massacres, la République des profondeurs s’est exprimée. Celle qu’il ne faut pas décevoir.

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Chères lectrices et lecteurs de Mediapart,

Quelques-uns se souviennent encore de mes billets. Un petit nombre les regrette.

Je suis un citoyen de gauche qui a milité sa vie durant : dans son syndicat (et y a exercé jusqu’à des responsabilités nationales), dans la vie politique où, à plusieurs reprises,  il a rempli des fonctions départementales de parti), dans la vie professionnelle où il a représenté ses collègues universitaires dans un certain nombre d’instances différentes pendant quarante ans. Je ne regrette rien de cette vie que j’ai choisie. Sauf d’avoir un sentiment d’insatisfaction  pénible lorsque je prends la mesure de la société qui est la nôtre aujourd’hui.  

Le monde a changé, bien sûr. Et même dans le bon sens. La décolonisation, pour la France, est achevée depuis plus de cinquante ans. Dix ans plus tard, les dictatures ont disparu du continent européen en à peine plus de 15 ans : d’abord celles qui tentaient de maintenir un passé portant la marque d’un autre âge ; puis celles qui s’étaient donné la mission grisante de fonder des sociétés nouvelles où la démocratie et le peuple seraient maîtres de leur destin à partir de théories  potentiellement fécondes mais progressivement sclérosées par des esprits sans envergure. Et comment trouver de ces esprits de valeur si l’on se refuse le grand levier de la liberté de penser, sans lequel les sociétés entretiennent le conformisme?

Le changement aujourd’hui, pour la France et l’Europe, a un goût amer. La construction européenne est en panne. Elle s’est pour l’essentiel coupée des sources de la vie. Une Union européenne conçue comme une machine à financer, à produire, à consommer au moindre coût est une Europe sans âme.

Ce qui sauve aujourd’hui son avenir, sans doute, ce sont les échanges scolaires et universitaires qui ouvrent l’esprit d’une partie de sa jeunesse à la découverte de l’autre,  effacent bien des préjugés (pas tous !) et consolident l’amitié des nations européennes. Ce sont les échanges culturels de haute tenue révélant les sources diverses, chacune avec son éclat particulier, qui alimentent le développement culturel  européen depuis la Renaissance – enrichi depuis le XXe siècle par de grands artistes ouverts au monde entier et par l’apport du monde entier au grand creuset universel de l’art universel.  

Ce moyen du salut (il en est d’autres) reste encore trop confiné. Pour l’essentiel, ce sont des frontières sociales qui empêchent ou freinent l’épanouissement des esprits, et ouvrent le champ à des manifestations de fanatisme.  

En cette fin d’année 2015 qui a commencé et fini avec des massacres, la France semble désorientée. La France des Lumières et de la tolérance a été frappée en janvier, la France de la liberté et de la fraternité a été grièvement touchée par un vaste crime contre l’humanité en novembre. En novembre comme en janvier, elle s’est levée massivement pour pleurer ses morts. C’est peut-être pour pleurer notre grand principe républicain d’égalité en déshérence.

En ce début de semaine, la France, la République en tout cas, s’est une nouvelle fois levée. Huit jours après un scrutin qui plaçait le Front (dit) national  en tête des grandes forces politiques de la France, les Français, sortant pour certains de l’abstention, ont fait savoir que devant le péril menaçant, il était pour eux un choix qui l’emportait sur le choix d’un parti ou d’une coalition de partis : celui de la République. Vive la République ! ont-ils  dit.

Et ils n’ont pas eu besoin de dire et répéter « Vive la République française ! » comme Marine Le Pen s’applique à le faire depuis quelques temps pour dissimuler son repli nationaliste et sectaire. La République n’a pas de nationalité même si tous les états de type démocratique ne sont pas des républiques. La République a un visage, celui d’une Marianne libératrice, venue de loin, allant loin s’il le faut – et coiffée du bonnet phrygien, le bonnet des esclaves, le symbole de tout peuple serf à émanciper.

Dimanche dernier, la République des profondeurs s’est exprimée. Celle qu’il ne faut pas décevoir. Sans elle, la République s’écroule, – faute de défenseurs : comme en 1848, comme en 1940. Le vote du 13 décembre 2015 est un Appel à la France, y compris à ses enfants qui se trompent de chemin. Mais ceux-ci doivent savoir qu’ils seront combattus sans faiblesse par tous ceux qui tiennent à l’héritage républicain de 1944-45.

16 décembre 2015 (à suivre)

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