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Billet de blog 17 octobre 2009

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Débat avec Mathilde Mathieu sur certains lieux communs implicites des journalistes

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce débat a eu lieu à la suite de la publication de l’article « Circonscriptions électorales : sept exemples de charcutage politique » (http://www.mediapart.fr/journal/france/131009/circonscriptions-electorales-sept-exemples-de-charcutage-politique#comment-406934).

René Lorient. - Voici un article fondé sur le cliché journalistico-politique, cher au modem comme à quelques groupes hostiles à l'exercice des responsabilités gouvernementales : le PS et l'UMP s'entendent sur le dos des autres.

Dans l'affaire, Martine Aubry, en tant que première dirigeant de son parti, serait bien gênée aux entournures pour rejeter le projet Marleix-UMP. Puisque les députés de son parti seraient tout contents de garder leur mandat. Enfin un certain nombre...

Je m'étonne que l'on puisse ainsi estomper la dimension politique de la question.

Pourtant, il est signalé, comme ça, par hasard (zut alors !), qu'à figer la représentation des uns et des autres, cela donne l'avantage à ...la majorité actuelle.

Le PS et les autres partis de gauche ont bien compris le sens de la "réforme" demandée non sans raison par le Conseil constitutionnel. Dans un système où l'élection présidentielle commande l'élection législative qui suit, l'UMP se donne tous les moyens de contrarier une victoire de la gauche au cas où elle perdrait la présidence de la République.

Car contrairement à ce que certains ne cessent de répéter, l'UMP n'a pas vraiment confiance en l'avenir proche, et 2012 appartient à un avenir relativement proche désormais.

Comme le PS montre qu'il a décidé de prendre le taureau de la rénovation politique par les cornes, même si l'on ignore encore s'il parviendra à se rendre complètement crédible dans les deux ans et demi qui s'annoncent, l'UMP prend ses précautions, s'attaque prioritairement aux circonscriptions des élus de gauche qui ne sont pas (encore pour une part) les références de la vie politique française, favorise le cas échéant certains partenaires du PS dans l'espoir (qui sera déçu) de provoquer des querelles intestines comme la droite les aime pour la gauche.

Le géographe de la vie électorale invité montre très bien en quoi il y a tripatouillage, charcutage, trucage, truandage ou tout autre terme que chacun préférera. En tout cas, il n'y a pas de morale politique.

Pasqua avait fait fort en 1986, mais les deux années peu glorieuses de Chirac comme premier ministre avaient largement amoindri les effets attendus dans l'immédiat. Avec le temps et l'évolution de la démographie, cela s'était confirmé.

Il apparaît désormais qu'il faut refondre complètement le découpage électoral et lui administrer une bonne dose de proportionnelle pour que des courants d'opinion stratégies très personnelles" (que des dirigeants du PS eux-mêmes m'ont signalées), ont trouvé comment tirer bénéfice de l'opération! Ne me faites pas dire, s'il vous plaît, ce que je n'ai pas dit...

Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi j'aurais passé ces cas sous silence -pour épargner tout le PS, de haut en bas, et de gauche à droite?

C'est Bruno Le Roux, le "Monsieur Elections" du PS, qui me l'annonçait dans un précédent papier (de novembre 2008): "Ma crainte, en réalité, ça n'est pas que Marleix charcute à outrance et casse nos circonscriptions. Au contraire, il peut travailler pour l'UMP tout en faisant plaisir aux députés socialistes actuels... Dans chaque département, nos élus peuvent très bien accepter des redécoupages qui renforcent à la fois les circonscriptions de l'UMP et les leurs. (...) Ça figerait le rapport de forces actuel avec l'UMP; or je rappelle qu'il nous est défavorable, la gauche détenant 230 sièges et la droite 350 ! Ce qui se joue, c'est donc la possibilité, ou plutôt la facilité, de l'alternance.»

Et Bruno Le Roux disait fin 2008 qu'il tenterait de mettre au point une stratégie collective, qui ne soit pas l'accumulation d'intérêts particuliers...

Ce risque de figer le rapport de forces actuel, je le signale dans mon papier du jour (comme vous le reconnaissez). Et non, ce n'est pas un hasard: figurez-vous que je l'ai fait exprès....;-)

Bien à vous,

M.M.

R.L. - Merci de ces précisions essentielles. Mais relisez votre article avec l'œil du lecteur commun, et vous constaterez que les détails, ceux qui donnent vie à la démonstration, convergent toujours vers l'intérêt personnel de tel ou tel élu socialiste ou de gauche en place.

L'accumulation de ces exemples crée inévitablement l'impression qu'au fond "ils sont copains comme cochons".

Entre écrire et lire, il y a toujours une distance où s'inscrit l'horizon du lieu commun du jour ou de l'époque.

Bien cordialement,

R.L.

M.M. - Bon, je vais relire....

Mais si je me souviens bien, aucun élu PS n'a le mauvais rôle dans l'exemple 1 (Saône-et-Loire), encore moins dans le 2 (la Somme et le PC), pas plus quand j'aborde les Français de l'étranger, ni dans les Hautes-Pyrénées.... Et le terme socialiste n'est même pas employé quand je parle du Val-de-Marne...Bref, dans 71,42% des cas....

Entre mes écrits, et votre réception, n'y aurait-il pas votre a priori que les journalistes de Mediapart tapent trop souvent sur le PS?

Bien à vous,

M.M.

R.L. - Chère Mathilde Mathieu,

Je ne découvre votre deuxième réponse qu'aujourd'hui.

Rassurez-vous, je ne reproche pas à Mediapart de trop taper sur le PS. Mais trop souvent de taper à partir du ou des lieux communs du moment, y compris quand ils commencent à prendre du retard sur la réalité, sur ses évolutions. Et ce n'est pas Mediapart seul qui est en cause.

Les écoles du journalisme apprennent, à partir de l'idée qui imprègne le lectorat le plus large, à rechercher ce qui est caché derrière telle ou telle expression publique. En soi, cela se comprend. Dans les faits, le résultat est souvent critiquable.

Vous écrivez, par exemple, sous votre responsabilité à vous :

Alain Marleix a pris soin de ménager, voire épauler, certains ténors socialistes, telle Ségolène Royal dans les Deux-Sèvres (épargnant son ancienne circonscription) ou Laurent Fabius en Seine-Maritime, espérant sans doute brider leurs critiques. Imaginez-vous un seul instant que Laurent Fabius, qui s'est toujours fait élire plus que confortablement, ait besoin d'être épaulé et puisse brider ses critiques ? Pensez-vous A. Marleix suffisamment benet pour avoir une telle illusion ?

Vous en rajoutez une couche avec F. Hollande :

L'exemple criant? Le coup de pouce donné à François Hollande, ancien premier secrétaire du PS, sur ses terres de Corrèze.

Alain Marleix réussit là un joli doublé: retirer un siège aux socialistes, sans fâcher celui qui fut, pendant onze ans, le premier d'entre eux...

Etes-vous assez naïve pour croire que F. Hollande, qui fut onze ans Premier secrétaire (quel que soit le jugement qu'on porte sur son action) puisse accepter, sans se fâcher, que dans le département qu'il a contribué de façon décisive à faire passer à gauche, soit pratiquée une telle manipulation, et se taise sur elle ? F. Hollande n'a pas besoin de coup de pouce, il l'a encore montré en 2008.

Le fond de votre démarche en cet article, c'est qu'il faut montrer que tous les socialistes ne sont pas mécontents de cette réforme. Moins parce que vous le pensez vraiment que parce qu'un article, pour avoir la plus large audience, doit s'appuyer sur quelques lieux communs en vogue depuis un certain temps :

1° UMP et PS se font des fleurs comme si c'était leur marque de fabrique. Le problème, c'est qu'avec les exemples que je cite, cela ne tient pas.

2° Ils sont toujours divisés et ont des difficultés à s'entendre.

3° Ce qui compte pour eux c'est de se faire élire et tant pis pour les petits copains. Ce qui, entre parenthèses, entre en contradiction, pour le coup, avec l'idée que le PS ne serait qu'une machine électorale dont le seul but est de gagner à tout prix les élections.

Excusez-moi, mais mon métier est d'analyser les textes.

Bien à vous,

René Lorient

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