L’héritage républicain de 1944-1945 est à l’origine de la France d’aujourd’hui. Le général de Gaulle en est l’initiateur. Il a su prendre ses responsabilités en 1940, s’imposer très vite comme le chef militaire, et progressivement comme chef politique, de la France libre. Il a assuré la continuité républicaine de la France. En une époque où les coups d’Etat, les coups de force ou autres pronunciamientos ne sont pas rares, il respecte le suffrage universel et sait se démettre de ses fonctions, quitte à se lancer dans l’action politique. Quand la IVe République est dans l’impasse ; il tient à respecter les formes et les procédures républicaines – ce qui ne l’empêche pas de se montrer un politique rusé. La Ve République se fonde sur le refus d’un régime des partis. Elle conserve toutefois – ce n’est pas rien – le préambule de la constitution de 1946.
La France doit actuellement « gérer » un héritage devenu problématique. La Ve République, 45 ans après la mort de De Gaulle, connaît à son tour un rejet des partis, y compris de ceux qui se réclament de son fondateur. Deux présidents de la République ont précipité la crise de régime : Nicolas Sarkozy et François Hollande. Le premier en faussant l’esprit des institutions par son goût de l’ « hyperprésidence » et son mépris pour la dignité de la fonction présidentielle ; le second par sa prétention à une « normalité » qui entre très vite en conflit avec les aspirations populaires profondes et un désir de citoyenneté modernisée.
Or pour la première fois un président en exercice et son prédécesseur sont en lice pour le mandat à venir : ce sont ces deux hommes politiques à l’action présente ou passée fort contestées. L’un a été élu par rejet de l’autre ; l’autre espère bénéficier du rejet du président en exercice. Chacun est prêt à tout pour être candidat. Le président en exercice a déjà décidé d’enterrer le principe des primaires, auquel il a toujours été hostile, qui l’a remarquablement servi en 2011-2012 et qu’il redoute aujourd’hui. L’ancien président a dû se rallier à ce même principe, auquel il était tout aussi hostile, et manœuvre dans la crainte qu’une affaire judiciaire ne surgisse avant le vote attendu ou simplement que, le temps passant, n’apparaisse trop clairement son incapacité à être autre que celui qu’il a été durant le mandat précédent.
L’un et l’autre se considèrent comme irremplaçables. Le président Hollande s’est laissé une porte de sortie, pour le cas où il constaterait son échec. En fait, son échec prévisible dans le domaine du chômage n’aura nulle conséquence sur sa décision. Il veut s’appuyer sur son action comme chef des armées et sur la lutte contre le terrorisme. Il remplacera l’actuel ministre de la Défense nationale, récemment élu président de la région Bretagne. On parle discrètement mais avec insistance de Ségolène Royal pour prendre la relève.
Imaginons que le couple Hollande-Sarkozy soit candidat en 2017. Le thème « On prend les mêmes et on recommence » s’en va refleurir. Il n’est pas sûr que le pire en résulte pour 2017. Mais la campagne de Marine Le Pen et l’ancrage du Front National en seront facilités ; les nuages continueront à s’amonceler.
Pour la gauche - comme pour la droite - le salut républicain passe par une marche en avant et non par un piétinement sur place. La gauche se doit de renouer avec celles et ceux qu’elle ne connaît plus. C’est valable pour toute la gauche : il suffit de constater l’incapacité de toutes ses composantes à capter le vote populaire.
19 décembre 2015 (A suivre)