Voilà un article qui fait réagir et écrire… Je me garderai d’intervenir sur le fonds de « l’affaire Royal » qui me semble effectivement complexe, - et je laisse le lobbie « Ségo » aller au charbon.
En revanche, la discussion qui s’est engagée sur les moyens financiers et humains mis à la disposition de parlementaires nationaux ou européens m’interpelle.
C’est au début de la IIe République que le principe d’une indemnité parlementaire a été adopté pour permettre à tous les Représentants du peuple d’assister aux séances de la Chambre sans que leur présence puisse nuire à leur capacité de gagner leur vie. Ce fut l’époque où le premier ouvrier entra dans un gouvernement en France : « l’ouvrier Albert ». Les républicains jugeaient qu’il convenait d’éviter que les seuls rentiers ou fonctionnaires soient dans les faits éligibles, et par conséquent d’établir dans la vie parlementaire le principe d’égalité : un décret de mars fixa le montant de l’indemnité à 25 francs par jour !
Déjà on discutait ferme pour savoir s’il fallait entretenir « la politicaillerie » qui allait massacrer le peuple en juin et voter une sévère amputation du suffrage universel à l’encontre du monde ouvrier en 1850.
K. Marx a présenté comme une moralisation de la vie politique la décision de la Commune de Paris de donner à ses élus une indemnité qui correspondait au salaire d’un ouvrier parisien. Les historiens, depuis, ont montré que c’était sensiblement – mais non excessivement - supérieur à ce montant.
Dans toutes les démocraties l’indemnité parlementaire est l’un des fondements de l’indépendance du député par rapport à l’exécutif et à tous les cercles de pression. Elle doit donc être suffisante pour l’activité du parlementaire sous toutes ses formes. D’autant plus qu’en France, certains métiers sont incompatibles avec le mandat de député : l’indemnité parlementaire est donc de rigueur.
Le financement spécifique d’attachés, de collaborateurs, n’est que la codification relativement récente d’une réalité déjà ancienne. Le parlementaire, en même temps, se voit garantir la possibilité de se séparer d’un collaborateur qui ne serait plus en phase avec lui : c’est son indépendance qui est en jeu.
Evidemment, ce sont les principes. Il reste à en examiner l’application.
Selon les pays, les indemnités sont d’un niveau différent. Dans un ordre d’idées proche, c’est en s’appuyant sur la disparité des indemnités de président de la République dans l’UE que N. Sarkozy "a accepté" l’augmentation de la sienne.
Selon les pays, les indemnités sont versées en fonction de l’assiduité… C’est le cas au Parlement européen où l’ensemble des indemnités est appréciable.
Un parlementaire est libre de la disposition de son indemnité dans le cadre de la loi. Il peut la rétrocéder à son parti : c’est le cas du PCF qui a toujours affiché que le député communiste reçoit un salaire de permanent équivalent à celui d’un ouvrier qualifié de la région parisienne. Dans l’entre-deux guerres, la droite avait traité avec mépris ces « députés salariés ». Un député socialiste verse une cotisation spécifique (et importante) à son parti, de même que chaque élu pour le mandat qu’il détient (en cas de cumul, il faut verser l’ensemble des cotisations. Pour la droite, je ne sais pas.
On peut toujours dire : mais ont-ils besoin de tout cet argent ? Que font-ils de ce qu’ils ne dépensent pas ?
Ils le dépensent. Ils ont un secrétariat qui assure le lien avec tous ceux qui s’adressent au député, qui demandent de l’aide (la fonction tribunicienne !), qui sollicitent son soutien à telle ou telle cause, tel ou tel projet… Les députés publient régulièrement leur journal d’information, dont la régularité est le critère pour le distinguer du journal électoral qui entre, lui, dans les comptes de campagne.
Ils en économisent aussi. Souvent, un parlementaire met de côté, pour lui ou pour le candidat qui prendra la suite, une somme qui lui permet de mener sa campagne sans trop recourir aux emprunts bancaires (légaux).
Contrairement à ce que pensent quelques-uns, la démocratie a un prix : celui de la liberté. On parle d’américanisation de la vie politique et, je le pense, il faut veiller à ne pas sombrer dans des mœurs où c’est la capacité financière du candidat qui décide le plus souvent de sa candidature et de son succès. En France, le plafond des dépenses électorales est plutôt bas, soyons-en conscients.
Loin de me joindre au chœur de ceux qui jugent leurs parlementaires pourris par l’argent de leurs indemnités (quand ils le sont, c’est par exemple par l’argent des lobbies), je suis de ceux qui pensent que l’accès aux mandats électifs des citoyens aux revenus modestes suppose l’adoption d’un statut de l’élu : recevoir une indemnité qui compense les absences au travail ou le temps partiel imposé par le mandat ; interdire le licenciement d’un élu, avoir l’assurance de retrouver son travail en cas de congé total…
Sortons des clichés !