Certes on peut parler de Lang, qui a voté pour. Il a donné ainsi une voix de plus que la majorité requise. Mais pour arriver à la majorité, il y a tous ces radicaux de gauche (pas tous, heureusement) qui ont renoué avec le vieux radicalisme d’antan, et ont vendu leur droit d’aînesse contre un plat de lentilles (en termes bibliques : ils se sont fait acheter pour trois fois rien, ce qui fait rien).
Il y a aussi ces abstentionnistes de gauche qui ont aidé eux aussi à faire baisser la majorité requise : personne n’a remarqué, semble-t-il, que c’est le cas du sénateur Michel Charasse, ancien ministre et conseiller personnel de Mitterrand, qui s’accommode fort bien du mode actuel d’élection du Sénat (il en fait partie et a su se constituer depuis longtemps une clientèle avec des méthodes de bon radical, ce qu’il est officiellement devenu depuis son exclusion du PS – ouf !).
On se crispe sur des noms. N’oublions pas les votes des uns et des autres. Mais tant qu'on parlera seulement de personnes, on ne parlera de rien. Chacun connaît la technique politique qui ne date pas d’aujourd’hui ni d'hier : peu importe qu'on dise du mal de moi, pourvu qu'on parle de moi. Et si l'on parle de ma personne et non pas de mes idées, je garde toutes mes chances de rester sur le devant de la scène. La conséquence, parfois, trop souvent, c'est que lorsque l'on en vient trop tard aux idées, ou bien on se fait élire grâce à des illusions, ou bien on se fait battre parce que la bulle s’est trop vite dégonflée.
Pourquoi certains partis ne veulent-ils désigner leur candidat qu'à la dernière minute, alors que tout le monde sait qui sera candidat ? La presse s'empresse de poser toujours la même question : « Enfin, serez-vous candidat ? » Ce qui évite de demander : « Quel programme défendrez-vous puisque vous allez être candidat ? »
Ou bien on part faire de longs voyages à l'étranger pour faire connaître ses positions (que l'électeur national n'a pas encore le droit de connaître).
D'autres annoncent qu'ils ont bien l'intention d'être candidats quatre ou cinq ans à l'avance. Et l'essentiel est de montrer pendant tout ce temps-là qu'ils sont victimes d'attaques insupportables : du ou des parti-s d'à côté, de l'adversaire en place, des vilains hommes, tous sexistes au fond, et l'on oublie de parler précisément de leurs projets... Ils trouvent toujours de braves gens pour les plaindre et voler à leur secours, comme s’ils avaient besoin de secours ! En plus, cela permet de faire oublier leurs choix récents, qui, en principe, engagent un avenir proche. On n'a pas à s'expliquer sur ses évolutions (parfois tout à fait légitimes, encore faut-il se donner le temps de convaincre).
Les cristallisations sur les noms sont la conséquence de la personnalisation de la politique, liée au présidentialisme qui va croissant, de notre constitution. Et Sarkozy va en rajouter une couche avec la nouvelle version de la Ve République.
Il suffit de lire les commentaires de beaucoup de lecteurs de Mediapart pour constater qu’eux-mêmes, trop souvent, ne se posent pas prioritairement des questions de programme. Ils se demandent qui pourrait être un bon candidat…
Et la « bonne » presse a pensé trouver un argument imparable pour les encourager dans cette réaction, qui a tendance à devenir spontanée et dont il convient de se défaire : c’est une personnalité qui porte un programme ! Donc il faut d’abord trouver la personnalité. Et la même presse est toute prête à la chercher, toute seule, comme une grande : elle s’appuie sur une pensée standard, présentée comme le fin du fin de la modernité, pour mettre en œuvre un subtil mélange de médiatisation orientée et de sondages insidieusement donnés pour des prédictions. Tout cela relève du « mépris du peuple ».
Or la personnalité qui s’impose, c’est celle qui, avec des forces rassemblées autour d’elle, a émergé des débats, et a réussi à convaincre de la façon la plus solide, d’abord à l’intérieur de son organisation politique, de la pertinence et de la cohérence vraies ou supposées d’un ensemble de propositions. Tony Blair ou Sarkozy (comme Mitterrand ou Jospin en leur temps) n’ont pas procédé autrement.
Il en reste du travail à faire !