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Billet de blog 24 novembre 2008

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Le nouveau Parti socialiste est en train de naître…

L’enfant naît toujours dans les douleurs, disait-on avant la péridurale. En politique, il n’est pas de péridurale. Mais les enfantements se produisent régulièrement dans l’histoire. Le neuf naît de l’ancien, il a besoin de grandir, de s’affirmer et de prendre son indépendance. Le cycle d’Epinay est arrivé à son terme. Un nouveau cycle commence.

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L’enfant naît toujours dans les douleurs, disait-on avant la péridurale. En politique, il n’est pas de péridurale. Mais les enfantements se produisent régulièrement dans l’histoire. Le neuf naît de l’ancien, il a besoin de grandir, de s’affirmer et de prendre son indépendance. Le cycle d’Epinay est arrivé à son terme. Un nouveau cycle commence.

Comme au congrès d’Epinay, le résultat sera acquis de justesse. Comme au congrès d’Epinay, il suivra de peu un échec cuisant aux présidentielles : une élimination avec 5% pour Defferre ; une élimination, pour Jospin, et une défaite, pour Ségolène Royal, qui était impensable compte tenu du bilan politique de Chirac et …des sondages flatteurs.

Dans un cas, la nouvelle équipe, celle de Mitterrand, est progressivement rajeunie sous la houlette d’un vieux routier de la IVe République de 56 ans ; dans l’autre, la nouvelle équipe mettra au premier plan, sous la direction d’une quinquagénaire qui n’est pas née de la dernière pluie, des têtes qui n’ont pas couru tous les plateaux de la télévision. Le PS y est contraint. De la nécessité naît la vertu politique.

La vertu politique ne va pas sans la sagesse politique, et la sagesse comme la vertu demandent beaucoup d’efforts – et de modestie ; beaucoup de compréhension, d’intelligence – et de diplomatie, ce que certains appellent non sans raison la fraternité.

C’est vraisemblablement Martine Aubry qui va prendre les rênes de la « vieille maison ». On lui reproche ici et là d’avoir prononcé un discours de Première secrétaire ce samedi. Le contenu de son discours, en revanche, a été bien reçu. Ce n’est pas un hasard si les sympathisants de gauche, dans une large proportion, montrent leur souhait d’entendre le PS proclamer les résultats du dernier scrutin dans les plus brefs délais et de le voir s’affirmer comme un opposant décidé et crédible de Nicolas Sarkozy, de son gouvernement et de l’UMP. Ce n’est pas par hasard non plus si quelques responsables de la même UMP se prononcent pour un nouveau vote des socialistes. Le temps gagné est toujours bon à prendre pour un pouvoir en difficulté.

La grande presse, dont Médiapart a montré dès ses débuts les liens nouveaux ou renforcés avec la grande finance, la grande presse écrite et audiovisuelle sous influence, voire sous surveillance sarkozyste, a monté en épingle une crise du PS. Crise il y a, mais crise de naissance, de renaissance, ce qui ne va jamais sans cris, sans criailleries. Crise il y aura : crise de croissance ; les jeunes ados ne sont jamais faciles, mais ils sont l’avenir. Habituons-nous aux crises du PS : elles seront la garantie que le PS est bien sorti de la torpeur où l’ont plongé le 21 avril 2002, le non au référendum de 2005, la gifle de 2007…

Le nouveau PS est en train de naître : c’est l’aboutissement d’une gestation qui ne date pas d’hier. Le 21 avril 2002 a commencé par montrer une impasse et a rappelé que la gauche doit être rassemblée sur un programme socialiste pour l’emporter. Le retrait de la vie politique de Jospin fut vécu comme un drame par bien des socialistes : ce fut un symbole. Jospin appartenait définitivement au passé malgré un passage au pouvoir qui ne fut pas calamiteux.

Le référendum de 2005 fut la deuxième épreuve. Alors que le vote militant proposait le oui, le non l’emportait. Des traîtres Fabius, Mélanchon, Emmanuelli, Hamon, Lienemann, Peillon… ? Une telle réponse, d’un simplisme inégalable, a rassuré ceux qui voulaient rester au chaud, bien tranquilles, dans la « vieille maison », et surtout ne pas ouvrir les fenêtres. Les plus perspicaces se sont bien rendu compte que l’électorat ne se contentait plus des discours « pour » ou « contre ». Il réfléchissait à partir de sa propre expérience de l’Europe, pas nécessairement exacte mais vécue non plus comme un espoir d’émancipation mais comme une perspective de soumission aux intérêts marchands. Beaucoup s’emparaient d’Internet et du texte du traité constitutionnel, pour se faire une opinion par eux-mêmes. Hélas ! pour les socialistes, ce ne fut pas celle de leur parti.

La troisième épreuve fut celle de 2007 : on ne gagne pas une élection présidentielle et les législatives qui suivent sans s’appuyer sur un parti en phase avec le ou la candidate, avec un programme auquel on ne croit pas tout à fait.

C’est à partir de là que les comportements ont évolué dans le PS. Jusque là, la majeure partie suivait les suggestions, les consignes des dirigeants en qui ils avaient confiance puisqu’ils les avaient élus à la direction du Parti, au Parlement ou dans les collectivités territoriales. C’est ce qui explique ce phénomène étonnant pour qui n’était pas socialiste : on pouvait donner les résultats d’un congrès ou d’une consultation interne avant même que le vote soit acquis. Il suffisait de faire les comptes à partir de la connaissance des prises de positions des cadres. C’est à partir de 2005 qu’il n’en est plus de même. En 2006, bien des dirigeants soutiennent Ségolène Royal parce que les militants ont déjà fait leur choix (sur la base des sondages).

Le changement se fait pour le meilleur et le pire. Le pire : les réticences de la base à accepter des circonscriptions réservées aux femmes parfois, aux « minorités » trop souvent… Sur le thème : C’est nous qui devons choisir librement ; on est assez grands, on n’a pas besoin de Paris… Les dissidences pour ces raisons se sont multipliées à l’occasion des législatives de 2007. S’y sont ajoutées d’autres pour les raisons inverses…

Le meilleur, le présent congrès l’a montré. La diversité des motions, le reclassement des responsables politiques, a obligé les militants à faire un choix personnel. Dans bien des cas, ils n’ont pas suivi leurs « grands élus » ou leurs cadres. D’autant plus que certains étaient d’une ancienneté respectable et avaient montré des comportements qui l’étaient parfois beaucoup moins. Deux exemples : le Tarn et le Puy-de-Dôme. Deux fédérations où un Premier fédéral a été élu contre l’avis de l’ensemble des parlementaires et des « grands élus ». Le premier, Gérard Poujade, élu (motion Delanoë) contre une candidate (motion Hamon) avec 9 voix d’avance (elle n’a pas demandé un nouveau vote) ; un seul conseiller général l’a soutenu, ce sont les militants qui l’ont propulsé à ses nouvelles fonctions. L’autre, Olivier Harkati (motion C), a été largement élu, soutenu dès le départ par une seule conseillère générale, celle qui avait été candidate contre le fils à Giscard et que la fédération du PS avait contrecarrée parce qu’elle n’était pas « légitime » - étant femme ! Les militants s’en sont souvenus. – Merci à mes amis qui m’ont informé et dont l’une est « ségoléniste ».

Les chemins de la rénovation sont tortueux et divers. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils ont convergé sur deux grands axes. Celui qu’a tracé Martine Aubry et celui qu’a ouvert Ségolène Royal. Comme l’écrit Muriel Meignan dans La Nouvelle République : « Quand Martine Aubry veut remettre le Parti socialiste au travail, lui faire incarner une opposition de gauche sérieuse face à la crise et en appelle à la raison, Ségolène Royal veut en faire une machine à gagner la présidentielle, le bras armé d’un candidat à l’Elysée (en l’occurrence elle) et en appelle au cœur. » Admettons que ce ne soit pas simplificateur. N’y a-t-il pas de la vérité dans ces propos ? Ne seraient-ce pas là les deux voies entre lesquelles les militants socialistes ont voulu choisir ? Ces deux voies doivent-elles rester séparées ou n’ont-elles pas à déboucher sur une grande route, voire une autoroute, qu’il s’agit désormais de tracer ?

Cela va demander du temps, des efforts, de grands travaux, de la persévérance, et la volonté de coopérer, non de tirer chacun pour soi. Martine Aubry et son équipe ont obtenu un petit avantage : elles se sont attelées à un rassemblement progressif sur des idées, sur le dépassement des oppositions passées d’abord dans leur propre motion, ce qui a abouti ensuite à des accords d’idées avec la motion A d’abord, puis avec la motion C (ce qui n’a pas plu à certains militants de la motion A : ah ! les vieux réflexes…). Résultats : 24 %, 34%, 50 % +.

Ségolène Royal a procédé de manière à la fois inédite et très traditionnelle : rassembler autour d’elle-même (après s’être mise en retrait dans un premier temps) et élargir sur un projet qui ne mange pas de pain en enfonçant des coins là où il était possible de diviser : Les mécontents avec moi ! Sortons les sortants ! Et pourtant combien de sortants se trouvaient à ses côtés ! Résultats : 29 %, 43 %, 50 % -.

Par delà ces stratégies d’accession aux responsabilités premières, il s’agit maintenant d’agir avec toute la rapidité possible, sans précipitation mais avec persévérance. Le PS nouveau est sans doute arrivé. Encore un peu de temps, un petit peu de vieillissement et le cru pourra être apprécié. En tout cas, il faut l’espérer et y aider.

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