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Billet de blog 30 avril 2009

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Assez de chichis : deux ans d’abonnement et un grand Mediapart !

Du Mediapart, j’en veux encore pour deux ans ! Périodiquement, une petite salve de billets fait savoir que tel ou tel en a marre et veut se désabonner. Mediapart n’est décidément pas ce qu’ils croyaient ou ne l’est plus !

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Du Mediapart, j’en veux encore pour deux ans ! Périodiquement, une petite salve de billets fait savoir que tel ou tel en a marre et veut se désabonner. Mediapart n’est décidément pas ce qu’ils croyaient ou ne l’est plus ! Et ils se plaignent parfois de ce qu’ils ne peuvent se désabonner sur le champ.

Je savais depuis le début que mon abonnement d’un an devait être résilié avec un préavis de 45 jours. J’ai pu constater le 16 mars que l’accès au journal ne m’était toujours pas coupé. J’ai attendu dix jours avant de faire mon versement. Ce qui m’a permis de me réabonner pour deux ans. On fait confiance aux abonnés chez Mediapart !

Du reste, je conseille à celles et ceux qui sont sujets aux états d’âme de prendre les abonnements de longue durée : d’abord avec ces abonnements on gagne des mois de lecture gratuits (cinq pour deux ans) ; ensuite on peut prendre du recul, on n’est plus dans l’état d’esprit du consommateur qui veut en avoir tout de suite pour son argent. On vit l’actualité avec ses hauts et ses bas, – il est des périodes plus exaltantes que d’autres. On est surtout dans une relation stable aux formes variables : tantôt simple lecteur, tantôt lecteur commentateur, tantôt lecteur blogueur. Trois types de lectorat possibles, Tres per uno ! Evidemment, si j’en crois Hugo, ce peut être dramatique… Mais quelle force pour Mediapart que de pouvoir offrir à ses abonnés toutes ces ressources.

Mediapart, c’est d’abord son contenu (que complètent souvent heureusement des billets de lecteurs mis à la « Une ») – et son équipe rédactionnelle. Beaucoup est fait avec une équipe finalement réduite pour l’ambition affichée. Inévitablement, des choix s’imposent. Le fait divers n’a pas la première place : il doit parler, faire sens (le cas Tapie en est un exemple). Les derniers mois ont été austères : la crise financière, économique, et la crise sociale mais aussi politique qui en découle, nous ont valu des articles de fond, souvent longs, en tout cas substantiels, qui demandent une lecture soutenue, peut-être rebutante pour certains. Il est intéressant de lire les commentaires de ces articles économiques. Personnellement, je me suis abstenu d’intervenir. Je n’ai pas le culte idolâtre de l’économie mais je suis de ceux qui estiment qu’on ne s’improvise pas économiste. Je mesure l’économie à ses conséquences sur la société. Tout le monde n’a pas la même prudence. L’être humain a des raccourcis étonnants parfois pour ramener des questions complexes (qui demandent une réflexion politique aussi large et libre que possible pour cerner des propositions crédibles) à ses slogans préférés.

Mediapart se cherche, dit-on, une ligne éditoriale pour gagner le public dont il a besoin pour asseoir sa longévité. Globalement il en a déjà une : la défense des libertés en est le fondement, à commencer par la liberté d’expression dont il est partie prenante. Ce qui lui permet logiquement de mettre en avant une réflexion sur les questions sociales (et pas seulement sociétales) qui agitent le pays. De nos jours, les questions du travail, les choix économiques à commencer par leur dimension écologique, le nécessaire dialogue social qui doit en résulter, sont plus que jamais liés à une vision et une pratique renouvelées des libertés publiques (et corrélativement des libertés privées). Sur le plan politique, cela se traduit par une hostilité à l’action menée par l’actuel Président de la République, son équipe, le mouvement politique qu’il cherche en permanence à domestiquer. Il y a sans doute là une réelle possibilité de rassembler un lectorat relativement large.

Je comprends donc le propos d’E. Plenel : « Pourquoi donc Mediapart, dont l'opposition au sarkozysme est principielle, ne serait-il pas un lieu où, du PS au PC, des Verts au Modem, du NPA aux villepinistes, des sans-partis aux curieux, etc., des hommes et des femmes divers se retrouveraient pour partager une information vraiment indépendante, confronter leurs réflexions respectives sur ce pouvoir et cette époque, opposer leurs solutions et leurs projets, trouver des points d'accord, clarifier les désaccords, etc. Depuis quand s'informe-t-on vraiment en étant uniquement entre soi, entre gens qui pensent pareil et qui, par conséquent, ne pensent jamais contre eux-mêmes, bref ne se remettent jamais en cause leurs préjugés ? »

L’opposition principielle au sarkozysme, évidemment, ne peut être considérée comme un a priori, mais comme une nécessité première compte tenu de la politique concrète du Président de la République. Ceci dit, il convient de voir les difficultés de la tâche d’un journal comme Mediapart dans une France qui vit une décomposition de sa vie politique (et parfois même sociale). Elle vit un émiettement à gauche. A droite, un émiettement analogue est en filigrane : Chirac et Sarkozy ont voulu le contrecarrer par la création d’un parti unique de la droite, ce qu’ils n’ont pas vraiment réussi à faire – le Modem, au centre droit, et l’extrême droite sont en situation politiquement

On parle souvent de contre-pouvoirs, notamment pour la presse de nos jours. Je ne suis pas sûr que ce terme convienne à la presse. Le (contre-)pouvoir suppose un lien fort avec la source du pouvoir souverain. Or la presse, surtout si elle n’est pas une presse d’opinion en liaison avec une base électorale, ne peut avoir qu’une autorité morale, ce qui n’est pas peu. Morale et politique sont d’ailleurs liées dans la tradition philosophique la plus ancienne, et le marxisme, à qui l’on impute parfois la rupture entre ces deux notions, a simplement voulu dans sa version authentique démystifier ce qu’était devenue la morale politique au XIXe siècle (la critique n’est pas toujours démodée) : un soutien idéologique au pouvoir économico-politique en place pour asseoir sa domination sociale sur les plus faibles.

Nous voyons apparaître une conception large des libertés : elle ne se contente pas du socle de la déclaration des droits de l’homme ; elle prend en compte toute l’épaisseur de la société et toute sa diversité, laquelle ne se résume pas seulement à des antagonismes sociaux (bien réels), mais tient plus largement au lien entretenu avec des territoires (qui parfois se superposent), avec des traditions, avec des visions de l’avenir construites désormais dans une autonomie de l’individu telle qu’il n’en a jamais existé.

La presse a déjà commencé ici et là à faire apparaître la demande de liberté concrète de groupes de la société qui ne se sentent pas entendus. Encore faut-il qu’elle fasse apparaître la nécessité de rassembler politiquement ce qui aujourd’hui se manifeste dans l’éparpillement. Elle a un rôle à jouer de premier plan. Mediapart le jouera-t-il ? Evidemment, le journalisme politique et les journalistes politiques ne sortiront pas indemnes de l’expérience, j’allais dire de l’épreuve. Au lieu de rechercher les petites causes censées expliquer la politique, il va s’agir de trouver les grandes questions qui travaillent tel ou tel secteur de la société et en tirer la sève de politiques à venir. Même la conception du fait divers s’en trouve transformée.

On sortira peut-être enfin de cette fausse opposition entre le fait et le commentaire, car le fait est toujours un fait construit : le fait sans genèse, le fait sans contexte, n’est pas un fait, à peine une donnée.

Mais surtout Mediapart pourra être lu par chacun, quelles que soient les lunettes chaussées, noires – pardon bleues – roses ou rouges, pomme ou orange. A moins que cette démarche d’avenir soit considérée comme horriblement révolutionnaire ou simplement détestablement de gauche.

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