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Billet de blog 3 février 2015

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Laïcité, en ton nom allons-nous monter au front de la haine?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Parmi les causes du succès du FN dans le Doubs, ce simple constat: le discours politique et médiatique actuel sur la laïcité épouse parfaitement les thèses et les pratiques du FN sur ce sujet [1].

C'est le FN qui, depuis quelque temps, s'emploie à planter où il peut des "arbres de la laïcité". Ce qui signifie: nous ne voulons rien voir apparaître de l'islam dans l'espace public, voire semi-public (voir l'affaire de la crèche Baby Loup: au total, un bon coup de pouce au salafisme à Mantes-la-Jolie!). À vrai dire, le prétexte affiché, c'est qu'il conviendrait aux religions, à toutes les religions, de se vivre dans l'espace privé seulement. C'est pourquoi on essaie de faire bonne mesure et les crèches de Noël, par exemple, se voient quelquefois censurées, les femen sont une arme anti-cathos qui après tout pourrait convenir au FN contre d'autres religions aussi, les aumôniers de prison chrétiens sont l'objet de toutes les suspicions d'endoctrinement. On n'oserait bannir la kippa, mais ici c'est la mauvaise conscience historique des Français qui intervient, doublée d'inévitables provocations notamment depuis la loi Gayssot. Bref, de tous les horizons on ne brandit la laïcité que pour contraindre l'islam à vivre caché.

Quel contenu veut-on mettre, dès lors, dans un enseignement généralisé de la laïcité auquel des formateurs d'enseignants seront formatés à la va-vite pour brader aux profs un bréviaire en des "stages" accélérés? Un interdit répressif? Une interprétation du Coran (on lit partout de doctes leçons sur la question de ce que le Coran autorise ou interdit de la représentation du Prophète, le premier mécréant venu se transformant en fondamentaliste de la lettre coranique) ? Mais la loi précisément autorise les religions tout en en désengageant l'État (sauf en terre concordataire, et dans une certaine mesure, depuis Sarkozy, dans une tentative de gestion indirecte de l'islam). Elle exige la tolérance envers toutes les religions respectueuses de la loi, et la tolérance des religions (on dit aussi spiritualités, on parle quelquefois de philosophies...) entre elles (agnosticisme et athéisme inclus). C'est peut-être – on l'espère – cela qu'il faudra rappeler d'abord: les religions ont droit de cité dans la République; toutes les religions "monothéistes" ou les athéismes majoritaires dans un pays ont tendance à exclure ou humilier les minorités, et c'est là d'abord que la loi introduit une contrainte, elle interdit d'exclure et d'humilier les minorités. Et la chose une fois rappelée, éventuellement discutée en cours de philosophie ou d'histoire ou de sociologie, éventuellement aussi mise en regard de la diversité des politiques en la matière selon les États, le meilleur enseignement à apporter, le seul qui fournisse vraiment matière à un enseignement à part entière (la connaissance des laïcités est indispensable, essentielle, mais d'abord pour instruire la diplomatie et le débat politique et sociétal), ce sera celui de l'histoire des religions, à commencer par les plus anciennes et les plus exotiques, qui ne fâcheront personne mais feront comprendre les données du problème, si problème il y a.

[1] Ce qui n'exclut ni la récupération éventuelle des voix arabo-musulmanes qu'on a si peu entendues lors du "Mariage pour tous", ni, en écho aux mêmes événements, la pêche aux voix d'une fraction éventuelle de la "communauté" LGTB, par exemple.

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