Pierre Ginésy nous a quittés ce mardi 1er mars.
Ceux qui l'ont connu ont sans doute tous eu, avec lui, une histoire. Une histoire le plus souvent de conflit et de malentendu. Il nous faisait mal. Nous lui faisions sans doute plus mal encore. Mais du mal qu'il nous faisait il nous rendait plus forts.
Ce qui attirait dans son rayonnement ce n'était pourtant pas – hors le tact, la réserve et la politesse – un charisme dont il était cruellement dépourvu. C'était une force de répulsion qui ne lui appartenait pas, qu'il ne maîtrisait pas, doublée d'une Hilflosigkeit aussi désarmante que désarmée malgré l'application à s'entraîner au jeu de sabre du taiji – et de la plume, sanglante.
Sa générosité était celle des lames bien trempées.
Penser. Penser toujours au-delà de ce à quoi pouvait s'attendre l'interlocuteur. Penser, de manière exigeante, toujours outre le sentier battu. Penser sans jamais se croire arrivé, en multipliant les feintes et les écarts pour ne laisser personne d'autre non plus à cette illusion. Quitte à ne laisser aucun y comprendre autre chose que la nécessité de s'y aventurer – aujourd'hui, demain, un autre jour peut-être – tout de suite est mieux encore.
Le site www.apolis-editions.fr a été conçu d'abord pour permettre qu'on lise Pierre Ginésy. Les éditions Apolis ne sont là que pour passer outre à la frilosité de beaucoup d'autres. Lecteur infatigable, Pierre Ginésy y concentre aussi, à force de citations dont il nourrit ses textes, le meilleur de la pensée en France et en Europe depuis un demi-siècle, pour forcer la psychanalyse à se projeter sur l'horizon du destin de l'Occident. Faut-il Désespérer des Hespérides?