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Billet de blog 22 juillet 2025

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Sauver la campagne française?

Notre perception de la campagne française souffre d'un déni de réalité. La loi ne protège que ce qui la désertifie et l'empoisonne.

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Sauver la campagne française ?

Elle n’existe plus telle qu'on se l'imagine encore. Ne subsistent que de vastes étendues désertes parcourues d’engins gigantesques et livrées à la spéculation, au prix du dévouement de propiétaires-esclaves surendettés qui y perdent leur santé, souvent leur famille, voire finalement leurs terres rachetées par des investisseurs étrangers (cf. les aventures récentes du Berry, https://www.leberry.fr/.../le-milliardaire-chinois-qui.../). Avec des silos à grains en guise de cathédrales, et, de ci, de là, d’hermétiques bâtis de béton et de tôles où l’on devine, à voir stationner là quelque gros camion, que sont engraissés poulets, cochons ou vaches attendant d’être livrés à l’équarissage. Et l’on a hâte de faire repartir les saisonniers à la peau jaune ou trop bronzée venus de loin pour récolter les fraises ou tresser et piquer les nattes de têtes d’ail…

Puis, en dehors de quelques havres touristiques ou viticoles, de petits villages charmants (ou pas) où des anciens achèvent de vieillir, entretenant leur potager et un clapier pour compenser l’exiguïté des retraites ; des employés de la ville prochaine élèvent leurs enfants dans une maison héritée ou en construisent une nouvelle au bord de la grand-route ; des toits s’effondrent en attendant que des citadins fatigués ne les rachètent pour venir se reposer le week-end, ce qui implique d’interdire aux cloches de sonner et aux coqs de chanter ; le camion du boulanger passe trois fois par semaine et celui du boucher une fois tous les quinze jours parce qu’il y a, à 15 kilomètres, le gros magasin Carrefour où l’on trouve de tout pour moins cher et bien gonflé aux pesticides...

Les seuls à infuser la vie, ce sont finalement de petits agriculteurs bio – ceux précisément qu'on déshabille aujourd'hui – ou les jeunes ménages héritiers ou investissant dans quelques lopins où ils feront paître la volaille, quelques moutons, quelques chèvres, pousser des légumes et fruitiers variés et survivront grâce au salaire de l’épouse instit’ ou à la retraite des grands-parents qui adorent venir aider à écosser les petits pois, préparer conserves et confitures et moucher les marmots.

Quant aux édiles, ils ont bien du mal à entretenir les talus et les bouts de forêts non encore privées où les tempêtes multiplient le bois mort et que les prochaines sécheresses livreront aux incendies (pauvre forêt de Brocéliande). Leur plus grande crainte, c’est de voir s’installer, par le rachat ou la location de quelque masure à demi ruinée, une famille maghrébine encombrée d’enfants dont il faudra soutenir la scolarité ; ou de se voir imposer une aire d’accueil des nomades qui troubleront la sécurité du voisinage. Mais tant qu’on a des ennemis et l’occasion d’appeler les gendarmes, au moins, n’est-ce-pas, l’on se sent encore chez soi… Même le curé (s'il en reste) en sera d’accord.

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