Le 28 juin 2022, les ministres européens réunis à Bruxelles au Conseil Environnement ont approuvé la proposition de la Commission européenne d’interdire la vente de véhicules neufs essence, diesel et hybrides en 2035. Plus tôt dans le mois, le Parlement européen s’était également prononcé en faveur de cette interdiction. Les trois institutions européennes se sont donc alignées pour fixer un cap aux constructeurs européens : d’ici 13 ans, ils ne pourront vendre que des véhicules électriques ou à hydrogène sur le territoire européen.
Fixer un objectif, c’est la première étape de la planification. C’était une condition essentielle, et l’accord des 27 sur cette position de compromis est déjà historique. Mais dès aujourd’hui, il faut organiser l’action pour rendre possible l’atteinte de cet objectif. Le défi est grand, car il est à la croisée d’enjeux multiples : environnementaux, sociaux, économiques, sanitaires, géopolitiques. Il constitue également une formidable opportunité d’accélérer la nécessaire transition du secteur des transports.
Nous avons 13 ans pour imaginer collectivement la mobilité de demain.
En 2009,les Girondins de Bordeaux remportaient la ligue 1. 13 ans plus tard, ils sont au bord de la liquidation judiciaire. En 2009, Obama obtenait le prix Nobel de la Paix. 13 ans plus tard, la Cour Suprême consacre le droit des américains à sortir armés de leur domicile.
Aujourd’hui en France, 160 000 véhicules électriques sont vendus par an et le prix de l’essence dépasse les 2 euros par litre alors qu’en 2009 se vendaient les 12 premiers véhicules électriques et que le prix de l’essence avoisinait les 1 euro.
Beaucoup de choses peuvent changer en 13 ans. Alors à quoi voulons nous faire ressembler la mobilité de 2035 ? Et comment la rendre compatible avec des impératifs de réductions des émissions, de justice sociale, de souveraineté énergétique et de développement économique ?
Il nous faut sortir de la dépendance à la voiture
C’est une priorité pour répondre à un double enjeu : réduire la taille de notre parc automobile et garantir un accès à la mobilité pour tous.
Le premier est une condition de faisabilité pour réussir la transition du secteur automobile. Sans réduction du parc, notre effort d’électrification sera limité par nos ressources en métaux critiques et la baisse de nos émissions ne sera pas suffisante pour atteindre nos objectifs climatiques. En effet, la fin de vente des véhicules thermiques neufs en 2035 ne permet pas à elle seule de réduire suffisamment les émissions du secteur des transports.
Le deuxième est un impératif social. La mise à jour du baromètre des mobilités du quotidien de la Fondation pour la Nature et l’Homme estime à 13,3 millions le nombre de françaises et de français en situation de “précarité mobilité”. La voiture, et en particulier la voiture thermique, n’apporte pas aujourd’hui une réponse satisfaisante aux besoins de mobilité, en particulier pour les classes moyennes basses et les ménages les plus modestes.
Pour répondre à ces deux enjeux, nous devons accélérer le développement des transports en commun, des trains du quotidien, du vélo, de la mobilité partagée. Mais aussi repenser nos villes, l’aménagement du territoire et nos modes de travail.
Ensuite, le véhicule électrique doit permettre de réduire au maximum les émissions du parc résiduel. Aujourd’hui, un véhicule 100% électrique émet déjà 3 à 5 fois moins de CO2 sur l’ensemble de son cycle de vie, c'est-à-dire en intégrant l’ensemble des émissions de la production de l’énergie au recyclage de la batterie, qu’un véhicule thermique. Ce bilan environnemental peut encore largement être amélioré, en améliorant le recyclage des batteries, les conditions d’extractions des minerais, en raccourcissant les circuits de production mais aussi en allégeant le poids des véhicules.
En effet. l’explosion de la vente de SUV, thermiques ou électriques, est incompatible avec les efforts nécessaires de sobriété et de réduction des émissions. Aujourd’hui, cette tendance annule les bénéfices de l’électrification du parc.
En parallèle de l’amélioration du bilan environnemental du véhicule électrique, il faut le rendre accessible aux ménages qui resteront dépendant de leur voiture dans les années qui viennent. Pour y parvenir, les économies d’échelles que doivent permettre l’orientation des investissements devraient rapidement faire baisser le prix à l’achat. Transport & Environnement estime que les courbes de prix des véhicules électriques et des véhicules thermiques devraient se croiser d’ici 5 ans. Mais en parallèle, des mesures d’aides à l’achat ciblées pour les ménages qui en ont réellement besoin doivent être développées.
Enfin, cette transition doit également permettre de contrer le déclin du secteur automobile, qui a perdu 100 000 emplois sur les 10 dernières années. Pour cela, il faut travailler à une relocalisation de notre industrie automobile. En accélérant la transition écologique, nous pouvons enrayer le déclin de l’industrie automobile et atteindre 33% d’emplois en plus par rapport à un scénario de poursuite des politiques actuelles.
Pierre Leflaive, Responsable Transports Réseau Action Climat