Les pays les plus vulnérables sont en première ligne de toutes les crises
Changements climatiques, perte de la biodiversité, crise sanitaire, crise de la dette, pauvreté… Plus personne n’est à l’abri des conséquences des multiples crises qui coexistent. Cependant, l'urgence n'est pas la même pour tou·te·s. Vivant principalement dans les pays du Sud, les populations en situation de vulnérabilité ou de précarité sont les plus durement affectées alors qu’elles sont les moins responsables de l’urgence dans laquelle nous nous trouvons. D’ailleurs, la crise économique mondiale a de fait participé à intensifier les inégalités entre les individus, mais également entre les pays, et l’architecture financière actuelle entrave la capacité des États à protéger les peuples et la planète. Ils ont un besoin urgent de ressources considérables pour financer les services publics et d’investissements massifs pour transformer leurs économies et leurs sociétés afin d’être plus résilient.
L’architecture financière actuelle entrave la capacité des États à protéger les peuples et la planète
Malheureusement, ces pays du Sud sont aujourd’hui paralysés : par une dette insoutenable, par des flux financiers illicites et une évasion fiscale systémique. 93 % des pays les plus vulnérables aux catastrophes climatiques sont en situation de surendettement, ou pas loin de l’être (ActionAid International). Les pays contraints de rembourser leurs dettes à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international (FMI) et aux banques privées ne peuvent par exemple investir dans les services publics. Malgré cette spirale du surendettement des pays du sud, les pays riches continuent de leur octroyer essentiellement des prêts. En 2020, les dons ne représentaient que 26% des financements climat engagés. Par ailleurs, au lieu d’honorer leurs promesses en matière de financements publics, les pays développés promeuvent la finance privée comme une solution miracle. Cette même finance privée vient soutenir des modèles de développement basés sur l'extractivisme et l’exportation, malgré les risques avérés pour les droits humains ou encore l’accroissement de la dette des États.
L’architecture financière internationale actuelle montre ses limites et les appels à la réforme se multiplient. La Barbade a proposé un plan pour accroître notamment les financements du FMI pour les pays à revenus intermédiaires, tandis que les pays du G20 discutent de l’augmentation des capacités de financement de la Banque Mondiale. Mais il faut admettre que ces mesures restent limitées et présentent de nombreux risques, quand de nouveaux financements sous formes de prêts vont être insoutenables pour beaucoup.
Il est temps de changer les règles du jeu
Les pays à faible revenu méritent mieux que des miettes et des dettes. Ils ont besoin de financements adéquats, prévisibles, nouveaux et additionnels pour faire face aux multiples crises. Il est temps pour les pays les plus riches d’honorer leur dette environnementale et néocoloniale en mobilisant les financements nécessaires et en garantissant une transformation complète, équitable et durable de l’architecture financière.
Fini le temps des promesses, place à l’action :
- Procéder à des annulations massives de la dette de tous les pays qui en ont besoin et une réforme de l’architecture de cette dernière, aujourd’hui contrôlée par des créanciers.
- Lutter contre l’évasion fiscale et les flux financiers illicites. Les États africains ont obtenu une résolution à l’Assemblée générale des Nations Unies, qui ouvre la voie à une véritable Convention sur la fiscalité. Les pays riches doivent soutenir sa mise en œuvre, plutôt que de protéger des négociations à l’OCDE où il font primer leurs seuls intérêts.
- Mettre en place des taxes sur les plus pollueurs et les plus fortunés : taxes sur les entreprises des énergies fossiles au regard de leur responsabilité historique dans la création du chaos climatique, taxer les émissions des secteurs aérien et maritime, les transactions financières et les individus les plus riches à l’empreinte carbone démesurée. Les revenus issus de ces taxes pourront être redirigés vers celles et ceux qui en ont cruellement besoin, notamment via le fonds pertes et préjudices obtenu de haute lutte à la COP27.
Affronter sans détour les injustices passées et prévenir celles à venir demande du courage, y compris celui de mener cette réforme avec l’ensemble des parties prenantes. Il serait inconcevable d’engager une transformation du système financier, si ce sont toujours les mêmes qui le façonnent au gré de leurs propres intérêts. Emmanuel Macron a déclaré vouloir changer les règles du jeu, certes, mais y arriver implique de donner une vraie place à tous les joueurs autour de la table.
Signataires :
- Gaïa Febvre - Réseau Action Climat France - Responsable des politiques internationales
- Kenneth Nana Amaoateng co - Abibinsroma Foundation - Directeur exécutif
- Mathieu Paris- Plateforme Française Dette et Développement - Coordinateur de la Plateforme Française Dette et Développement (PFDD)
- Jean-Marc Bikoko - plateforme d'Information et d'Action sur la Dette Cameroun - Coordinateur
- Félix Marcel Obam - Dynamique Citoyenne (Réseau de Suivi Indépendant des Politiques Publiques et des Stratégies de Coopération)- Président
- Soraya Fetih - 350.org - Chargée de campagnes France
- Gaspard Tamagny - Alternatiba - Porte-parole
- Anne-Sophie Trujillo - Action Non-Violente COP21 (ANV-COP21)
- Sylvie Bukhari-de Pontual - CCFD-Terre Solidaire - Présidente
- Emanuela Croce et Alexandre Morel - CARE France - Co-directrice générale et co-directeur général
- Esteban Servat - Debt for Climate - co-fondateur
- Laure Blondel - Terre des Hommes France - Directrice
- Javier Garcia de la Oliva - ActionAid International - Head of Country Engagement and Transformation Europe and Americas | ActionAid International
- Pierre Terras - Greenpeace France - Responsable des campagnes sur l’énergie et le climat
- Youlie Yamamoto - Attac France - Porte-parole
- Iolanda Fresnillo - Eurodad - European Network on Debt and Development - Policy and Advocacy Manager
- Guillaume Compain - Oxfam France - Chargé de campagne climat et énergie
- Jean-Claude Samouiller - Amnesty International France - Président d’Amnesty International France