Le 6ème rapport du GIEC publié au cours de l’année confirme le rôle joué par les activités humaines dans le changement climatique ainsi que l’intensification et l'accélération de ses impacts. Inondations en Afrique du Sud, sécheresse en France, canicule en Inde et au Bangladesh, les événements météorologiques extrêmes bouleversent la vie et les moyens de subsistance de milliers d’hommes et de femmes dans le monde.
Pourtant, face à la nécessité d’agir rapidement et d’inverser la tendance, les pays les plus industrialisés et les plus riches, historiquement responsables des émissions de gaz à effet de serre, ne souhaitent pas passer à la vitesse supérieure. Plus de six mois après la COP26 à Glasgow, où les États ont réitéré leur volonté d’accélérer leurs actions pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, les mots ne sont pas suivis d’actes. L’hypocrisie de dirigeants mondiaux inertes et complètement en décalage face à l’urgence de réformer nos modèles économiques et sociaux n’a jamais été aussi grande.
Premier exemple, les négociations climatiques de Bonn, qui ont eu lieu du 6 au 16 juin dernier. Les pays du monde entier se sont réunis pendant deux semaines pour mettre en œuvre les décisions prises à Glasgow et accélérer leur action climatique. Des actes concrets sont en effet attendus à la COP27 en novembre prochain en Egypte, notamment sur la réponse à apporter aux impacts climatiques qui touchent les populations les plus vulnérables dans le monde et menacent leur développement et les droits humains. Or les pays ne sont parvenus à quasiment aucun accord sur les sujets en négociation, que ce soit sur comment accélérer la baisse des émissions ou comment répondre aux impacts climatiques – en éludant notamment la question épineuse de la finance, à savoir qui doit payer quand un pays pauvre est touché par une catastrophe climatique ? Cette COP, dont l’agenda sera mu par la mise en œuvre de l’action climatique, semble mal engagée sans consensus préalable sur un cadre d’action commun.
Deuxième exemple, le sommet des dirigeants du G7, qui vient de se terminer hier à Elmau en Allemagne. Les chefs d’État et de gouvernement du Japon, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni, des États-Unis, de la France et du Canada, ainsi que l’Union Européenne se sont réunis pendant trois jours pour discuter de leurs réponses aux différentes crises en cours (énergétique, alimentaire, sanitaire et économique). leur responsabilité historique dans l’émission des gaz à effet de serre, les destinent néanmoins à se montrer particulièrement ambitieux et exemplaires dans le domaine climatique. Loin d’être alignés avec les objectifs climatiques de long-terme, leur volonté de poursuivre le financement public des énergies fossiles, notamment le gaz, et de considérer l’investissement dans le gaz liquéfié naturel comme une manière d’atteindre leur indépendance énergétique est en totale violation de l’Accord de Paris. Pour rappel, l’Agence Internationale de l’Énergie a elle-même affirmé l’année dernière qu’il fallait stopper immédiatement tout investissement dans de nouvelles infrastructures pétrolières, gazières et de charbon pour maintenir le réchauffement de la planète à +1,5°C. Au contraire, un investissement massif dans les énergies renouvelables, devenues plus accessibles, permettrait de répondre au besoin de sécurité énergétique de manière beaucoup plus durable et sûre pour les générations futures.
En plus de poursuivre leurs investissements mortifères, les pays développés continuent de faire la sourde oreille aux demandes de financement des pays du Sud. A cet égard, le G7 aura encore été une occasion manquée pour les pays riches de démontrer leur solidarité avec les pays en développement. Aucune annonce d’augmentation de la finance climat (c’est-à-dire l’argent prêté par les pays du Nord aux pays du Sud pour financer leurs activités de réduction des émissions ou d’adaptation au changement climatique) n’a eu lieu pendant le sommet. Pourtant, les besoins sont énormes et les pays riches sont en retard sur leurs promesses : ils avaient annoncé en 2009 que le total de leur finance climat atteindrait 100 milliards de dollars par an en 2020, or ils ont donné seulement 80 milliards en 2019.
Cette question du financement conditionne toutes les autres questions : sans argent (et sans transfert de technologie), les pays en développement n’ont pas les moyens de lutter contre le changement climatique. Pire, la question de la finance a détruit la confiance nécessaire à la coopération internationale sur le climat : tant que les pays riches n’honoreront pas leurs promesses, ils ne seront pas crédibles à la table des négociations.
Il reste six mois avant le prochain grand événement climatique de l’année, la COP27, qui aura lieu en Égypte en novembre prochain. Les pays riches doivent utiliser chaque moment international à leur disposition (notamment l’Assemblée Générale des Nations-Unies en septembre, le sommet des dirigeants du G20 en novembre, etc.) pour rétablir la confiance détruite, aligner leurs actions avec leurs promesses, stopper le financement des énergies fossiles et rendre enfin la finance accessible pour lutter contre le changement climatique.
Aurore Mathieu, Responsable Politiques Internationales