
Agrandissement : Illustration 1

Une loi « Cancer » sur mesure pour les patrons de l’agro-industrie
« Vous êtes des alliés du cancer et on le fera savoir ! ». C’est en ces mots que s’exprime Fleur Breteau, fondatrice du collectif Cancer Colère, le 8 juillet devant 300 députés qui, toute honte bue, viennent de voter en faveur de l’horrible loi Duplomb… Ou plutôt devrions-nous dire : la loi Cancer !
Exigée par les patrons de l’agro-industrie, cette loi est même rédigée par un fier représentant du syndicat productiviste de la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) et ancien dirigeant du groupe laitier Sodiaal, Laurent Duplomb. Pour sauver un capitalisme agricole menacé par ses propres logiques productivistes et destructrices, la macronie et l’extrême droite font en commun le choix du cauchemar social et écologique dans nos champs, nos usines et nos assiettes.
La réautorisation de 3 néonicotinoïdes (pesticides agissant sur le système nerveux de tous les insectes présents dans les cultures), acte ainsi le sacrifice consenti par le pouvoir capitaliste au nom de l’intérêt d’une minorité de gros exploitants agricoles et d’industriels de l’agro-industrie.
Pour que la filière productiviste de la betterave sucrière puisse prospérer, on laisse ainsi les paysan.nes, les ouvrier.ères agricoles et de l’industrie agro-alimentaire et agro-chimique, leurs proches et l’ensemble des riverain.es d’exploitations agricoles s’empoisonner et souffrir de cancers ou de maladies neuro-dégénératives, aujourd’hui reconnues comme des maladies professionnelles.
L’Agence nationale indépendante (ANSES) qui autorise notamment la mise sur le marché de nouveaux pesticides et herbicides, se voit par ailleurs mise sous tutelle du ministère de l’agriculture par décret le 8 juillet, suivant immédiatement l’adoption de la loi Duplomb. Un signal de plus, s’il en fallait, de la ferme volonté du gouvernement d’accélérer par tous les moyens la capacité des pollueurs à saccager notre santé et notre environnement.
Saccager la biodiversité et précariser les paysan.nes et travailleur.euses de l’agro-industrie en France et dans le monde
Dans le même temps, cette loi accélère toujours plus l’extinction de masse de la biodiversité. La communauté scientifique alerte depuis les années 1960 sur l’impact effroyable des pesticides, herbicides et fongicides sur les populations d’insectes et d’oiseaux qui s’effondrent dans les territoires d’agriculture intensive. Nos printemps sont toujours plus silencieux et ce silence de mort s’en ressent dans les cultures. En détruisant les insectes pollinisateurs, en vidant les campagnes des oiseaux se nourrissant des insectes ravageurs ou en rendant les sols infertiles, l’agriculture productiviste sape les conditions mêmes d’une production alimentaire durable pour les générations futures.
Ce faisant, elle accroît de plus belle sa dépendance aux pesticides, OGM et autres artifices bio-technologiques et chimiques pour pallier aux mécanismes de régulation naturelle des équilibres écosystémiques qu’elle a elle-même détruits. En somme, la loi Duplomb nous entraîne dans un cercle vicieux de destructions sociales et écologiques, et ne porte aucun intérêt aux conditions matérielles nécessaires à une production alimentaire durable dans un monde en plein bouleversement.
En conséquence, elle ne répond aucunement aux besoins et préoccupations des paysan.nes. Rien n’est prévu concernant le revenu des paysan.nes, sans cesse menacé par des prix de vente des matières premières très fluctuants sur les marchés financiers mondiaux. Rien non plus pour accompagner les agriculteur.rices dans la transformation et l’adaptation écologique de leurs exploitations, alors qu’ils et elles sont prisonnier.ères d’un système de production qui les empoisonne et les précarise. Rien encore pour accompagner l’installation de nouveaux et nouvelles paysan.nes et encourager le renouvellement des générations d’exploitant.es, alors que plus de la moitié des agriculteur.rices partiront en retraite en 2030 et qu’il en faudrait 1 million (contre seulement 400 000 aujourd’hui) pour nourrir convenablement la population.
Bien au contraire, la loi Duplomb prévoit de renforcer la concentration et l’industrialisation des grandes exploitations ainsi que leur capacité à s’accaparer les ressources en eau de leur territoire, au détriment des petites et moyennes exploitations paysannes. La protection juridique accordée à la construction de nouvelles méga-bassines et la déconstruction méthodique des réglementations environnementales encadrant l’extension de bâtiments d’élevages industriels en témoignent.
La loi vise pour l’essentiel à renforcer toujours plus les capacités de production agricoles françaises et à faire baisser le prix des produits alimentaires sur le marché national pour les rendre plus compétitifs sur les marchés mondiaux. Elle précipite ainsi la précarisation de la majorité des paysan.nes et tend à leur disparition pure et simple au profit d’une agriculture de grandes firmes capitalistes.
Ces dernières bénéficient par ailleurs depuis fin 2024 de la mise en place d’un « contrôle administratif unique » des exploitations, limitant la fréquence des contrôles des normes sociales et environnementales des exploitations agricoles. Cela facilite à la fois le non-respect du droit de l’environnement par le grand patronat agricole, mais aussi la surexploitation des ouvrier.ères agricoles, dont les conditions de travail sont particulièrement difficiles et déjà fortement précarisées.
Précaires parmi les précaires, les travailleur.euses agricoles sans papiers se trouvent ainsi régulièrement confronté.es à des situations de maltraitance et des conditions de travail et d’hébergement inhumaines, comme en témoigne la récente condamnation d’employeurs de la société de recrutement Anavim travaillant pour de prestigieux vignobles champenois.
Le plus souvent originaires des pays du Sud (Amérique du Sud, Afrique du Nord et Subsaharienne pour le cas des exploitations européennes), ces travailleur.euses fuient également des pays ravagés par les pollutions d’un modèle agro-industriel soumis aux multinationales agro-alimentaires et agro-chimiques des pays du Nord. Les mêmes entreprises qui bénéficient aujourd’hui de la loi Duplomb. Les mêmes entreprises aussi qui produisent des pesticides interdits dans les pays du Nord dans le seul but de les exporter dans les pays du Sud moins regardants en matière de normes sociales et environnementales. Toujours au nom de la compétitivité sur le marché mondial des produits alimentaires, ce sont plusieurs millions de cas d’intoxications aiguës aux pesticides qui sont identifiées chaque année, dont la plupart se situent dans les pays du Sud comme l’Inde.
2 millions contre la Loi Duplomb aujourd’hui… et demain ?
La pétition citoyenne contre la loi Duplomb proposée sur la plateforme de l’Assemblée Nationale est en passe de rassembler 2 millions de signatures, et dépasse donc largement les 500 000 signatures nécessaires à ce que les objectifs de la loi soient redébattus à l’Assemblée à la rentrée. Si cette pétition donnera sans aucun doute un souffle supplémentaire à la forte mobilisation qui a réuni jusqu’ici de nombreuses organisations syndicales, des mouvements écologistes, des associations environnementales, des associations de malades et des organisations politiques, nous ne pouvons nous satisfaire du spectacle parlementaire qui cache mal les influences démesurées des lobbys de l’agro-industrie.
Nous pouvons en revanche transformer 2 millions de signatures en 2 millions de militant.es actif.ives dans les syndicats de salarié.es, les organisations écologistes, les organisations paysannes, les associations de riverain.nes ou les associations de malades pour construire un rapport de force massif sur le terrain, dans la rue, dans les entreprises, dans les champs, dans nos villages et nos quartiers, face au capitalisme agro-industriel et le gouvernement qui le représente !
Comme dans le cas de bien trop nombreuses industries polluantes ayant sacrifié les corps et les territoires au nom du profit (industries pétrochimiques, extractives, métallurgiques, de traitement des déchets, etc.), cette nouvelle offensive du patronat appelle donc le renforcement des alliances entre les syndicats et toutes les autres organisations de la société civile dans une perspective éco-syndicaliste de reprise de pouvoir populaire.
Pour ce faire, les objectifs suivants doivent être plus que jamais à l’ordre du jour :
- Fédérer l’ensemble des organisations syndicales et associatives impliquées dans les combats sociaux et écologiques que recouvre la lutte contre les ravages du capitalisme agro-industriel à l’échelle nationale et internationale
- Elargir le front de lutte aux secteurs de la société qui ne se sont pas encore ou peu mobilisés contre la loi Duplomb
- Défendre la reprise du contrôle démocratique par les paysan.nes, ouvrier.ères agricoles et de l’agro-industrie ainsi que les habitant.es sur leurs outils de production et leurs territoires de vie, afin de changer urgemment de système alimentaire
Le Réseau éco-syndicaliste, réitère son soutien aux mouvements paysans et à la régularisation et l’embauche des travailleur.euses agricoles sans-papiers.
Le Réseau apporte enfin son plein soutien aux actions de lutte contre la loi Duplomb et appelle à rejoindre les prochaines mobilisations qui se tiendront durant l’été et à la rentrée contre l’agro-industrie écocidaire et le système politique et économique qui en est à l’origine !