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Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron

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Billet de blog 1 juillet 2014

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Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron

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De sacrées nanas !

Madame P. est une sacrée nana. Elle croit aux valeurs de liberté, d’expression et au droit à l’éducation. Mme P. vivait en Angola. Son pays est gouverné par le même président depuis 30 ans, et ses milices ne sont pas réputées pour leurs méthodes policées.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Madame P. est une sacrée nana. Elle croit aux valeurs de liberté, d’expression et au droit à l’éducation. Mme P. vivait en Angola. Son pays est gouverné par le même président depuis 30 ans, et ses milices ne sont pas réputées pour leurs méthodes policées.

Elle vivait bien Mme P. mais quand ses fils se sont rapprochés des mouvements d’opposition, elle les a aidés. Parce que Mme P., c’est une sacrée nana. Et elle croyait en certaines valeurs. Alors, elle a aidé des jeunes à s’organiser et à manifester. Ils réclamaient plus de justice sociale et le droit à l’éducation pour tous. Comme certains jeunes chez nous. Sauf qu’en Angola, ça ne se passe pas comme ça. Des jeunes ont commencé à disparaître et les fils de Mme P. ont réorganisé des manifestations pour réclamer la libération  des manifestants. Et puis, en septembre 2011, elle reçoit un dernier coup de fil: « Maman, la police est là. » Elle entend des bruits,  des cris et puis plus rien.

Pendant un an, elle va lutter pour retrouver ses 2 garçons. Parce que Mme P. est une sacrée nana.

Les voisins, les amis la mettent en garde. Elle a été dénoncée et s’est fait repérer par les milices gouvernementales. Mais Mme P. ne veut pas céder : elle retrouvera ses fils.

Un matin de juillet, les milices gouvernementales ont débarqué chez elle à l’aube. Ils ont franchi l’enceinte de sa belle maison. Ils ont aussi franchi les limites de l’humain.

Alors, elle a décidé de fuir Mme P. Elle a embarqué sa plus jeune fille et a payé un passeur pour rejoindre la France. De faux papiers, un avion et l’espoir de pouvoir trouver refuge.

Elle a déposé sa demande d’asile. Elle ne baisse pas la tête  Mme P. et elle a tenté de raconter, même ce qui ne se raconte pas. Et puis, elle a attendu. Sa fille est entrée au collège à Saint-Barthélemy d'Anjou et a cherché à refaire sa vie d’adolescente ici. Elle a tout voulu du collège : le latin, l’anglais, l’allemand. De bonnes notes ne lui suffisaient pas. Elle visait l’excellence et y est arrivée. Le conseil de classe la félicitait régulièrement et les profs étaient épatés par cette élève qui débarquait d’on ne sait où, et pour laquelle personne ne s’inquiétait. Enfin, une élève qui comprend Hugo, Montesquieu  qui aime la chimie et souhaite à tout prix faire de l’allemand et du latin. Parce que, la fille de Mme P. est une sacrée petite nana.

Et puis, elles ont appris, que non, à l’Ofpra, on ne les croyait pas. Et puis, pas non plus à la CNDA

Et puis la France leur a dit : non. On accorde le droit d’asile (on est la patrie des Droits de l’Homme, Madame !) mais pas à une femme qui s’est battue pour la liberté, et a subi les violences trop souvent faites aux femmes. C’est pour qui alors, l’Asile?  En tout cas c’est pas pour Mme P. Pourtant, elle y croyait à cette France-là, Mme P. Et sa fille aussi ; en classe, on lui a fait lire Voltaire, Hugo ou D’Alembert.

Mais Mme P. est une sacrée nana. Mme P., elle ne baisse pas la tête. Alors, elle est venue dire au collège qu’elle allait se retrouver à la rue puisqu’elle n’était plus demandeuse d’Asile. Elle savait bien, Mme P. ce qui l’attendait. Depuis 2 ans, elle avait appris que la France, c’est aussi les charters, les centres de rétention.

Alors les profs se sont regroupés, informés et l’ont aidée.

Quand elle a reçu son Obligation à Quitter le Territoire Français le 19 juillet, dernier délai, ils ont voulu être reçus à la Préfecture mais personne ne les a entendus. Alors, les profs, les parents ont planté leurs tentes dans le collège et ont décidé de ne plus repartir, de rester jour et nuit tant qu’on ne les aurait pas reçus. Au bout de 3 jours, ils avaient une audience.

Un Monsieur important de la Préfecture les a écoutés. Mais avant toute chose, il leur a dit : « Nous avons des lois. Nous ne pouvons donner une suite favorable à votre demande. Et puis, votre élève "modèle " elle a quand même des problèmes de comportement dans le collège. » Ah bon? On l’a depuis 2 ans, on lui a donné les félicitations et on ne savait pas qu’elle posait problème ? « Bah, oui, un professeur a noté des bavardages sur un des bulletins ! » Ah oui ? C’est ça des problèmes de comportement ? Ca les a mis en colère les profs, qu’on leur dise ce genre de choses. Et cette colère elle ne les a plus quittés en entendant le reste.

« Vous savez quand même que c’est une mère qui a abandonné ses 2 fils ? »

Les profs, ils ont réexpliqué que cela faisait 3 ans qu’elle était sans nouvelles d’eux ! Mais la Préfecture applique la loi. L’Ofpra ne la croit pas , la CNDA ne la croit pas. A la Préfecture, ils ne savent pas que la parole des femmes violentées ne se recueille pas comme ça. Que ce qu’elle a vécu est tristement banal dans beaucoup de pays, mais que c’est impossible à raconter comme cela. Le rapport de l’Ofpra mentionnait pourtant une « émotion non feinte. » Mais Mme P., elle ne pourra pas vous apporter les preuves. Aucun de ses agresseurs ne lui a signé un papier, les ingrats !

Mais la Préfecture elle a une solution. Elle traite des humains et non des dossiers,  la Préfecture !  Pour preuve, elle a accordé 1 mois de plus pour que la jeune fille puisse finir sa scolarité. Ah, bon, on finit sa scolarité en 4e, ici ? Et c’est ça qui va la protéger à son retour? Et l’OQTF en plein mois de juillet, ça n’a aucun rapport avec les vacances scolaires et des mobilisations plus difficiles ? Non. La Préfecture trouve d’ailleurs que le prof a « mauvais esprit. » La solution est que cette maman et sa fille retournent en Angola et qu’elles fassent une demande de « Visa mineur scolarisé. » Donc, si par miracle, elles arrivent vivantes au Consulat et si par 2e miracle, la France lui accorde ce visa, elle revient toute seule en France à 15 ans ? Bah oui. Une gamine seule en France, sans sa mère, cela ne les inquiète pas à la Préfecture ! Mais le monsieur de la Préfecture, il a vu que les profs qui étaient en face de lui, ils avaient l’air plus décidés que jamais. Alors, il leur a redit qu’il ne pouvait donner une suite favorable à leur demande et les a regardés. « Votre DASEN (Directeur Académique des Services de l’Education Nationale) viendra  vous voir, dans votre collège, pour vous  rappeler votre  devoir de neutralité !  »

Mais les profs sont parfois mauvais élèves. Ils s’en fichent  de cette menace et n’ont aucune envie d’obéir. Les profs, ils ont simplement arrêté le travail et sont allés toute la journée chanter leur version de «  Laissez aller not’ sans-papiers » Leur petite chorale, ils l’ont promenée tous les jours, toute la semaine, et même le week-end.  Le prof n’est pas toujours sage, il peut même être tenace.

Alors, vacances ou pas, les profs et les autres seront là pour protéger Mme P.

Parce que Mme P. et sa fille sont de sacrées nanas.

                                                        Katia Beudin

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