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Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron
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Billet de blog 2 mai 2018

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Junior, 11 ans, sourd profond, son père est menacé d'expulsion

Junior Zeh, 11 ans, sourd profond, a bénéficié d'un implant cochléaire, son état nécessite de poursuivre une prise en charge globale. Son père est menacé d'expulsion, au Cameroun, Junior sera privé des soins qui lui sont indispensables. Le préfet du Loiret refuse, que décidera la justice ?

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Junior, 11 ans, sourd profond, son père est menacé d'expulsion

Monsieur Raymond Zeh est le père de Raymond Samuel, surnommé « Junior ». Comme tous les sourds il a un prénom en Langue des Signes, celui de « Chocolat », parce que depuis tout petit, il adore ça.

Junior naît prématuré le 11 novembre 2006 au Cameroun. Ses parents prennent conscience de sa surdité dès l’âge de 8 mois et décident de le faire appareiller. A l’âge de 16 mois, ils constatent que ce handicap s’aggrave et que d’autres difficultés surviennent. En particulier un gros retard à la marche. Une surdité profonde bilatérale est finalement diagnostiquée.

Le Médecin ORL du Centre Hospitalier de Yaoundé au Cameroun leur propose d’aller consulter en France, à Clermont-Ferrand, où réside la tante de l'enfant. Junior est alors âgé de 3 ans. Le Professeur Mom, consulté, recommande de lui faire poser un implant cochléaire de la marque NEURELEC. Il s'agit d'un dispositif composé de deux éléments, un processeur externe qui capte les sons, et un porte électrodes implanté dans l'oreille interne, au niveau de la cochlée.

L'implantation est une intervention chirurgicale d'une durée de deux heures, sous anesthésie générale. Des centaines de milliers de sourds en bénéficient dans le monde, ce qui explique la concurrence acharnée des firmes pour avoir l'exclusivité d'un marché dans un pays. Coût moyen : 20 000 € pour un implant unilatéral.

Junior est implanté en octobre 2011, à l'âge de 5 ans, le temps pour ses parents de trouver les soutiens financiers indispensables. Il est confié à sa tante, et suivi au centre pour sourds des « Gravouses » à Clermont-Ferrand, pour une rééducation post-implantatoire indispensable.

A ce moment-là de sa vie, seule la surdité est prise en compte. Aucune autre exploration n’est faite.

En 2012, sa tante déménage à Orléans, Junior est pris en charge par l’Institution Régionale des Jeunes Sourds, l’IRJS où il est toujours suivi à ce jour en internat de semaine.

Pendant plusieurs années, les parents maintiennent un lien affectif fort avec Junior d’une part lors des déplacements professionnels réguliers de son papa en France et en le faisant venir au Cameroun à chaque vacances scolaires.

Progressivement, l’équipe en charge de Junior à l’IRJS décèle de nombreuses difficultés associées à la surdité et en particulier des troubles associés d’origine neurologique.

En 2014, la tante qui a en charge Junior fait savoir qu’elle ne peut plus assumer sa garde. Malheureusement, aucune école spécialisée au Cameroun ne peut accueillir Junior et lui offrir les prises en charge paramédicales et éducatives qu’il a en France.

De plus, aucun service ORL camerounais n’est capable d’effectuer les réglages de l’implant qui doivent se faire tous les trois mois.

Après quelques allers-retours, entre 2014 et 2015, M. Zeh décide de mettre un terme à sa carrière professionnelle au Cameroun pour venir s’installer en France pour s’occuper lui-même de son fils. Sa femme et ses deux filles restent au Cameroun.

En octobre 2015, M. Zeh obtient une Autorisation Provisoire de Séjour (APS) sans droit au travail, d’une durée d’un an, en tant que parent accompagnant un enfant malade. Il vit alors de ses économies.

L’évêché d’Orléans et l’association Oasis du Val à Beaugency (Loiret) sont sollicités par le réseau Welcome pour lui fournir un logement provisoire avec projet d’intégration d’activités partagées. Ils sont accueillis et logés par cette association le 28 décembre 2016.

En janvier 2017, dans le cadre des nouvelles dispositions de la loi sur l’immigration, M. Zeh, dépose une demande de renouvellement de son APS, qu’il obtient en mars 2017 avec cette fois droit au travail. Il travaille dès lors de façon régulière en tant que manutentionnaire. Ces missions lui permettent dès juillet 2017 de quitter l’association d’accueil et de louer un logement dans la même commune.

De telles APS sont délivrées pour une durée de trois mois et Monsieur Zeh, qui pourtant cotise, ne peut bénéficier des prestations de la CAF, ni pour son logement ni pour le handicap de son fils.

Le 5 février 2018, M. Zeh, à sa grande surprise, reçoit, de la part de la Préfecture du Loiret, une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) à l’expiration de son APS c'est-à-dire le 6 mars 2018.

Depuis cette date, il n’est plus autorisé à travailler en France. Monsieur Zeh et Junior vivent depuis mars 2018 d’aumône et grâce à l’aide alimentaire des Restaurants du Cœur.

L’OQTF indique pourtant que l’état de santé de Junior nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d’une exceptionnelle gravité.

Accompagné par le Réseau Education Sans Frontières (RESF), et soutenu par un collectif des salariés de l'IJRS, M. Zeh refuse cette décision qui, en obligeant Junior à quitter le territoire avec lui compromettrait lourdement les progrès en cours. Monsieur Zeh mandate aussitôt un avocat pour contester en référé la décision de la Préfecture du Loiret

Le Tribunal administratif d’Orléans, le 9 avril 2018, rejette le référé et ne permet pas de lever l’interdiction de travailler pendant la durée de la procédure.

C'est l’occasion pour la Préfecture d’affirmer, par le biais de son avocat, que Junior peut bénéficier des mêmes soins au Cameroun qu’en France, à condition de l’opérer à nouveau afin de remplacer l’implant actuel par un implant connu et réglable au Cameroun. En effet, l’implant cochléaire de Junior est un implant OTICON, anciennement NEURELEC, et actuellement seule la firme MEDEL existerait au Cameroun.

Sur le plan éthique, imposer à un enfant une telle opération est inacceptable pour les professionnels et les proches de Junior. Les avis médicaux vont dans le même sens : « L'idée d'une explantation puis réimplantation d'un implant d'une autre marque parait déraisonnable pour un enfant déjà en difficulté dans ses repères sensoriels » indique ainsi le Dr Dagron, médecin spécialiste des sourds et initiateur de consultation en Langue des signes à Marseille.

A la demande de Monsieur Zeh et au vu des multiples troubles associés que présente son fils, de nouveaux examens neurologiques et génétiques sont programmés en mai et juin 2018. Ils permettront d’explorer plus avant la pathologie de Junior, d’affiner le diagnostic et d’adapter au mieux sa rééducation.

Dans l’attente de la prochaine audience le 22 mai prochain, M. Zeh demeure sous l’interdiction de travailler et est sans revenu.

Les professionnels de l’IRJS et le Professeur Mom de Clermont-Ferrand, affirment qu’un retour au Cameroun, ferait perdre à Junior tous les bénéfices acquis depuis 2011 grâce à ses multiples prises en charges éducatives et paramédicales.

Aujourd’hui, Monsieur Zeh place toute son espérance en la justice française. RESF et un collectif « Soutien papa Junior » se battent à ses côtés pour qu’il bénéficie à nouveau d’une Autorisation Provisoire de Séjour. Celle-ci lui permettrait de retrouver des conditions de vie dignes. Ce droit est autorisé en France aux parents accompagnant un enfant étranger malade.

Pétition  en ligne: http://resf.info/P3315

Sandrine Lambert, Chantal Thabourin, Emmanuelle Bueb,

pour le Collectif Soutien Papa Junior

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