Arrivée à Lyon le 18 février 2015 en provenance de Kinshasa en RDC, Cynthia n’avait pas encore 17 ans quand la MEOMIE (Mission d’Evaluation et d’Orientation des Mineurs isolés Etrangers) l’a recueillie. Elle produisait l’original de son acte de naissance que personne n’a osé contester, et surtout pas la juge des enfants qui l’a placée sans conditions sous la protection de l’Aide Sociale à l’Enfance.
Cynthia ne souhaite pas s’étendre sur les souffrances qu’elle a endurées en RDC. Elle préfère affirmer sa forte volonté d’aller à l’école et « d’être quelqu’un dans la société française ». Elle ne souhaite donc pas faire de demande d’asile puisque pour cela il faut expliquer ce qu’on a vécu et qui justifie la demande d’asile. Pourtant des responsables de l’Aide Sociale à l’Enfance l’ont convaincue d’en faire une. Elle se rend à la Préfecture où ses empreintes digitales sont prises. La prise d’empreintes se passe mal et voilà Cynthia accusée d’avoir brûlé ses doigts pour l’empêcher ! Suspicion systématique envers les étrangers qu’on rencontre constamment ! Cynthia n’accepte pas qu’on l’accuse, comme elle dit, de cacher quelque chose. Elle accepte sans rechigner de revenir pour une 2ème prise d’empreintes. Cette fois, la préfecture recueille les empreintes qu’elle n’avait pas obtenues avant… Mais, voilà qu’elle sort alors, avec l’aide du fichier Visabio ( qui contient les empreintes de tous les demandeurs de visas ), un passeport angolais de 2013 qui porterait les mêmes empreintes, pour une personne s’appelant d’un autre nom que Cynthia et qui aurait 19 ans. Cynthia s’étonne et n’y comprend rien. Elle n’est jamais allée en Angola et elle n’est pas angolaise ! Elle a 17 ans et non 19 ans !
Rappelons que Cynthia est arrivée en 2015 et non en 2013.
Elle commence en septembre 2015 sa scolarité en seconde Gestion –Administration au lycée Jacques de Flesselles à Lyon.
Mais après une semaine d’école, le 9 septembre, on vient la chercher pour la conduire à la PAF (Police des Frontières). La PAF vérifie son acte de naissance qu’elle juge authentique et ne juge pas utile de soumettre Cynthia à l’épreuve des tests d’âge osseux. Mais l’histoire des empreintes prises ressurgit et Cynthia est placée en garde à vue. Le Parquet la fait juger le 10 septembre en comparution immédiate : 2 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Personne de l’entourage de Cynthia n’est alors mis au courant de ce qui se passe pour elle.
En prison, personne ne dit à Cynthia qu’elle peut faire appel de sa condamnation. Mais elle peut finaliser sa demande d’asile grâce à l’aide de la Cimade. Les 2 mois à Corbas sont très durs. La tête de Cynthia ne va pas bien. Elle dit qu’elle allait là-bas voir le psychiatre tous les jours et que le médecin du centre de rétention a reçu un certificat attestant de son mauvais état de santé.
Le 17 septembre, Cynthia voit arriver une autre mineure isolée dans sa cellule. C’est Ruth, une de ses copines condamnée elle aussi à 2 mois ferme. Cette fois, le fichier Visabio n’a servi à rien. Ce sont pour Ruth les tests d’âge osseux qui ont, seuls, servi de « preuve » pour une prétendue majorité. Le 24 septembre, une semaine plus tard, c’est Thérèse, la sœur de Ruth qui arrivait à Corbas, le fichier Visabio ayant pour elle été mis à contribution…
Mardi dernier, le 27 octobre, Cynthia, condamnée le 10 septembre, est sortie la première après avoir purgé sa peine. Mais, poursuivant le travail de police et de la justice, le préfet l’a immédiatement faite conduire au centre de rétention Saint-Exupéry où elle est enfermée depuis.
Au CRA Saint-Exupéry, Cynthia dort dans la même chambre que 2 autres mineures isolées, Adelina et Maria, arrivées de Metz il y a 30 et 44 jours…
Pas loin d’elles, est enfermé Steve, un jeune majeur Congolais, arrivé à Lyon à 16 ans et demi il y a 3 ans, pris en charge et formé aux frais du Conseil général. Victime d’une OQTF confirmée par le tribunal administratif alors qu’il avait terminé sa formation en maintenance électro-mécanique et qu’un patron attendait sa régularisation pour l’embaucher, il a été arrêté à la gare de la Part-Dieu il y a une semaine.
La traque des jeunes migrants est maintenant générale. Lyon n’est pas la seule ville touchée. C’est une politique nationale que le gouvernement met en œuvre au nom du contrôle des frontières, semant la peur, la précarité, le racisme et la division. Derrière la façade d’un prétendu accueil pour quelques milliers de nouveaux demandeurs d’asile, se cache le renforcement de la répression contre l’immense majorité des migrants d’hier et d’aujourd’hui.
Michèle Françoit, Catherine Tourier,
RESF Collectif Jeunes Majeurs Rhône