La vie de Moussa D. Test osseux 1 = Majeur. Test osseux 2 = Mineur ! Dans l'intervalle, maltraitance institutionnelle, suspicions et prédations de la rue..
Né en décembre 1997 en Guinée Conakry, entré en France en octobre 2013 à l’âge de 15 ans et 9 mois, scolarisé en CLA[1] par l'Adjie[2] à partir de janvier 2014; Moussa D. est aujourd'hui (année scolaire 2014-2015) en 1ère année bac pro Métallerie au lycée Hector Guimard (Paris 19e arrondissement).
Pris en charge par la PAOMIE[3] jusqu'au mois de janvier 2014 au sein du Dispositif de Mise à l'Abri (DMA) Stendhal[4] (Paris 20ème arr.), puis à l'hôtel Torcy (75018) par la mairie du 18ème jusqu'en avril 2014, grâce à la pression des associations de défenses des Mineurs Isolés Etrangers (MIE).
L'examen osseux, ordonné par le Juge pour Enfants et réalisé pendant l'hiver 2013/2014 l'a déclaré majeur et a donné lieu à une main levée de la mesure de protection le 15 Janvier 2014. Une formulation neutre, façon juriste, pour dire qu’on prive un jeune de toute protection et qu’on le met à la rue, sans toit et sans ressource. Accompagné par un éducateur à l'Unité Médico- Judiciaire[5] de l’Hôtel-Dieu, son droit au refus de ces examens ne lui a pas été signifié. A contrario, on lui aurait indiqué "qu'il devait passer le test osseux s'il voulait tenter d'être pris en charge même s'il y a peu de chance ".
Pour subvenir à ses besoins pendant l'été 2014, Moussa D. vendait des objets dans certains lieux touristiques parisiens, à proximité de la Tour Eiffel.
Le 3 août 2014, il était interpellé par la police du 7ème arrondissement, il a fait l'objet d'un rappel à la loi, pour « vente à la sauvette ». Le commissariat saisissait le procureur qui ordonnait un nouvel examen osseux qui, cette fois, le reconnaissait mineur. En août 2014, Moussa avait de nouveau 16 ½ ans, exemple même de ce que les tests d’âge osseux n’ont aucune valeur scientifique pour établir l’âge civil d’un individu et que leur seule « utilité » est de donner un pseudo fondement scientifique à des décisions inhumaines.
Avec l'aide du RESF, il s'est rendu à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) pour s'entretenir avec le responsable du SEMNA[6] qui lui a demandé de récupérer l'examen osseux pour saisir de nouveau le juge pour enfant. Un courrier au procureur a été envoyé par RESF le 13 août dernier pour demander communication de l'examen osseux : Sans réponse à ce jour.
Une nouvelle saisine du Juge pour Enfants a été faite en septembre 2014 par L'Adjie2 donnant lieu à Ordonnance de Placement Provisoire (mesure de protection du mineur) de début décembre 2014 jusqu'au décembre 2015. L'éducatrice lui a indiqué que l'ASE avait fait appel de cette décision et que la perspective d'un contrat jeune majeur[7] était de toute façon compromise.
La maltraitance continue…
Moussa va bien en dépit de l'épée de Damoclès sur sa tête; ses bulletins scolaires soulignent sa pugnacité, son investissement et ses résultats très satisfaisants ; il s'est de lui-même inscrit à des cours de soutien en maths, il a trouvé seul un club de foot en région parisienne et s'y investit avec assiduité, il n'hésite pas à prendre la parole dans la défense des mineurs non pris en charge suite aux tests osseux.
Gwen Austin RESF Paris 19
[1] Classe pour élève non francophone
[2] Adjie : Collectif d’associations apportant une aide bénévole, juridique et administrative aux mineurs et aux jeunes majeurs isolés étrangers.
[3]PAOMIE = Plateforme d’Accueil et d’Orientation des Mineurs Isolés Etrangers, opérée par France Terre D’Asile pour le compte de l’Aide Sociale à L’Enfance de Paris (ASE). Dans les faits, la PAOMIE trie les MIE qui se présentent, reconnaissant les uns comme mineurs, décrétant les autres majeurs après un simple entretien.
[4] DMA Stendhal = Dispositif de Mise à l’Abri Stendhal (75020), opéré par France Terre D’Asile et fermé début 2014
[5] UMJ Hôtel-Dieu = Les unités médico-judiciaires assurent des examens médicaux nécessaires aux procédures judiciaires, dont les tests d’âge osseux.
[6] SEMNA = Secteur Educatif Mineur Non Accompagné (département de l’Aide Sociale à l’Enfance)
[7] Une mesure de protection des jeunes qui avait été mise en place lors de l’abaissement de la majorité de 21 à 18 ans pour que les jeunes majeurs (18-21 ans) continuent de bénéficier de la protection due aux enfants. Depuis lors les gouvernements successifs se sont efforcés de rogner cette disposition.