Femmes enceintes au centre de rétention de Cité (Paris)
Fausses couches, IVG, cela suffit !
Depuis quelques mois, on assiste à une augmentation constante et inquiétante du nombre de femmes enceintes placées et maintenues au centre de rétention administrative (CRA) de Cité, à Paris, sans aucune prise en compte de leur état par l’administration. Celle-ci y maintient sciemment ces femmes et poursuit les procédures d’expulsion, au risque que ces malheureuses fassent une fausse couche due au stress et à une alimentation inadaptée, ou encore, désespérées par leur situation, finissent par accepter de subir une IVG en cas d’expulsion.
Elles ne sont plus libérées par le service médical, contrairement à ce qui se faisait encore il y a peu.
Il y a environ un mois, lors de son arrivée au CRA, une jeune Roumaine, qui attendait son premier enfant et avait passé des moments très difficiles au commissariat lors de sa garde à vue, a fait une fausse couche alors qu'on lui retirait les menottes.
Des policières ont assisté à la scène, ainsi que les Sœurs de la Miséricorde, qui s’occupent des retenues sur place. Emmenée en urgence dans un service de maternité, la jeune femme a été libérée le lendemain, sans aucun document médical attestant de ce qui lui était arrivé. Son mari, quant à lui, a été expulsé en Roumanie sans ménagement.
La même semaine, une jeune femme originaire du Maghreb, nauséeuse, dormant mal et n’ayant plus ses règles, a découvert sa grossesse au CRA après des analyses médicales. Déboutée des recours introduits auprès du juge de la liberté et de la détention, puis auprès de la Cour d’appel du tribunal administratif (au prétexte qu’il n’y avait pas d’élément nouveau dans sa situation), elle ne savait quelle attitude adopter face à sa grossesse : elle souhaitait garder l’enfant si elle restait en France, d’autant que le futur père, informé, voulait le reconnaître. Mais elle était terrifiée à l’idée d’être expulsée dans son état, sachant qu’elle vivrait alors dans l’opprobre et le rejet. Devant le refus des juges de la libérer et reconnue par les autorités consulaires qui ont délivré un laissez-passer, désespérée, elle a finalement choisi à contre-coeur d’avorter pendant sa rétention, juste avant d’être embarquée.
Cette semaine, lundi, une femme enceinte et son mari ont été expulsés en Roumanie, laissant ici leur fils seul avec un grand-père malade.
Une Nigériane a appris hier, 3 avril, sa grossesse au CRA.
Les policières elles-mêmes semblent souffrir de cette situation inacceptable. Malgré leur devoir de réserve, elles expriment leur incompréhension et leur chagrin de femmes devant une maltraitance totalement passée sous silence et qui se reproduit de plus en plus régulièrement.
Ces situations indignes sont contraires à la lettre même de la « directive retour » européenne, pourtant très contraignante et coercitive qui, d’une part stipule que les personnes placées en rétention doivent « être traités humainement et dignement dans le respect de leurs droits fondamentaux » et, d’autre part, établit l’état de vulnérabilité des femmes enceintes.
Une nouvelle fois, le ministère de l’intérieur et le préfet de police de Paris ont décidé de s’abstraire du droit communautaire, en refusant aux femmes enceintes les soins et attentions que réclame leur état, en refusant de les protéger, en les maintenant en rétention puis en les expulsant.
Une nouvelle fois, le ministère de l’intérieur et le préfet de police de Paris démantèlent des couples, des familles.
Jusqu’où ira-t-on dans l’ignoble ? Jusqu’à quand, en notre nom et malgré nous, continuera-t-on à bafouer les droits les plus élémentaires de ces femmes, y compris celui de mener jusqu’au bout, et dans des conditions normales de protection et de suivi médical, leur grossesse ?
Ces femmes doivent être libérées. Plus aucune femme enceinte ne doit connaître les geôles du centre de rétention de Cité, ou d’ailleurs. C'est affaire de droit, certes. Mais au-delà, c'est aussi affaire d'éthique et de conscience, si les mots ont encore un sens pour les hauts fonctionnaires en charge de ces affaires.
Sylvie Brod RESF Paris 1,2,3,4 et Nathalie Fessol RESF Paris/RESF en Belgique
Pétition en ligne: http://resf.info/P2231