Haïti, 7 mars 2012, un nouveau séisme de magnitude 4,5 est ressenti à Port à Prince, créant la panique dans de nombreux quartiers et chez les Haïtiens de l’étranger, ravivant dans toutes les mémoires le séisme dévastateur du 12 janvier 2010. Depuis des mois, la terre tremble régulièrement dans l’île.
Terrible angoisse des familles en France pour leurs proches toujours interdits de les rejoindre, désespoir des parents Victor Ferry, constatant que l’ambassade de France persiste à refuser le visa de séjour qui permettra à Makey, 19 ans, Cynthia 18 ans, Vanessa, 15 ans et Marlina, 13 ans, de venir au bout de plusieurs années de démarches de venir les rejoindre à Châtenay-Malabry (92). Interpelé le 9 janvier, le cabinet de Claude Guéant confirme le refus de visas notifié par l’ambassade de France à Port au Prince. Il écrit :
« Malgré un nouvel examen attentif de leur dossier, il n'a pas été possible de lever le refus opposé par l'autorité consulaire à Port au Prince à leur dernière demande de visa déposée le 24 novembre 2011. En effet, l'autorité consulaire a relevé certaines anomalies dans les documents d'état civil haïtiens des intéressés qui ont été produits ».
Refus révoltant, mais habituel. Bien avant le séisme, l'ambassade de France en Haïti a imposé des exigences très particulières en matière d'actes d'état civil, ne reconnaissant pas la valeur juridique d'authentifications prononcées par les juges haïtiens, posant un soupçon de faux sur des actes délivrés par les archives haïtiennes. Que dire de la situation après le séisme, catastrophe dans laquelle de très nombreuses familles ont perdu leurs papiers et une partie des archives haïtiennes a été détruite ? Loin de s'assouplir comme Besson s'y était engagé, la situation s'est aggravée. Combien de démarches entre Haïti et France, combien d’appels téléphoniques, de courriels, d’envoi de paiements par la Western Union ont-ils été nécessaires pour faire établir et légaliser les documents, obtenir le précieux hologramme du ministère des Affaires étrangères haïtiennes qui les authentifie ? Plus de huit mois pour constituer les dossiers, des semaines pour obtenir un rendez vous à l’ambassade, qui lors du dépôt ne prend que les actes de naissance et refuse les certificats de baptême établis à la naissance de chaque enfant.
L’ambassade prétend lutter contre les trafics d’enfants. C’est honorable, mais un bien pauvre alibi pour justifier le déchirement de cette famille, qui, il faut le redire, n'est qu'un exemple parmi d'autres de la non-tenue des engagements pris en janvier 2010 envers les Haïtiens d'accorder des « facilités pour la délivrance des visas ».
Autoriser les quatre enfants Victor à rejoindre leur mère (qu'ils n'ont pas vue depuis plus de deux ans, c'est de fait ajouter 2 titres de séjour pour liens familiaux et personnels pour Makey et Cynthia devenus majeurs depuis le début des démarches. Pour afficher la baisse significative de l'immigration familiale, M. Guéant taille à vif, et joue la montre, tablant sans doute sur la douleur de la mère qui un jour ou l'autre risque de ne plus supporter de vivre loin de ses enfants et repartira. Et un titre en moins, un ! Faites circuler.
Les enfants ne sont plus scolarisés :, les parents tablaient mois après mois sur leur arrivée imminente et pensaient consacrer ce coût important aux dépenses en France ? C'est leur problème, pas celui d'un ministre !
Les enfants vivent dans la promiscuité, chez un parent qui héberge 15 personnes dans 60 mètres carrés et est au bout de l'effort consenti dans l'urgence ? Et alors ! Ils ne sont pas sous la tente !
Ils peuvent attendre, quelques heures de plus, semaines, mois ? A Châtenay-Malabry, les parents paient pour un grand appartement, mais il est vide
La situation est inacceptable. Pour Téo, le petit dernier, qui grandit au coeur de ce maelstrom de souffrances, et Laurent, le beau-père, engagé dans le combat 20 heures sur 24 et sept jours sur sept, présent sur les marchés, les commerces, le cinéma de la ville pour faire signer la pétition, soutenu par les parents d'élèves de l'école maternelle de Téo, soutenu par ses collègues RATP de la ligne B du RER et au delà.
Inacceptable pour ceux qui découvrent la situation et interpellent l'Etat français, signataire de la convention internationale des droits de l'enfant, et qui jour après jour viole le droit de Makey, Cynthia, Vanessa et Marlina à vivre en famille.
Inacceptable, parce que c'est délibéré, que ça se pratique à Port au Prince, comme à Mogadiscio, ou à Abidjan, avec le filtre unique de tenir des quotas, au mépris de toute humanité et respect des conventions internationales.
Inacceptable parce qu’on ne cesse de nous dire que l’immigration est un problème, et que pour le résoudre, il faut stigmatiser, rejeter, trier, éliminer. Non, monsieur Sarkozy, non, monsieur Guéant, les Français dans leur grande partie ne vous suivent plus sur ce terrain, nous sommes tous les voisins de Marjorie, Laurent et Téo, on ne lâchera pas avant le retour des enfants Victor Ferry.
Armelle Gardien RESF 92