Pour Luka et Zaza, ses fils,
il faut empêcher l'expulsion de D.K.
Le compte à rebours qui tord le ventre a commencé pour Luka, 9 ans, son frère Zaza, 10 ans et leur mère Lali.
Leur père et époux D.K., ressortissant Georgien en situation irrégulière en France, où le couple vit depuis 12 ans, doit être expulsé par avion spécial mardi 17 janvier 2012 aux petites heures. Un cabotage aérien grassement doté en forces de police, qui alourdira d'autant la pauvre liste des refoulés, du Bourget à Vienne en passant par Toulouse et Lyon. A Vienne, un avion "communautaire" prendra le relais pour la Georgie. Qui a dit que l'Europe fonctionnait mal ?
Le 15 novembre 2011, la Commission spéciale des expulsions auprès du Tribunal de Grande Instances de Chartes a pourtant émis un avis défavorable à la reconduite en Georgie de D.K. Son épouse Lali est handicapée à 80% suite à une lourde intervention chirurgicale à la colonne vertébrale. Elle était infirmière, c'est un métier qui casse le dos. La commission a pensé qu'il serait plus intelligent de laisser D.K. aider sa famille en France - ses deux garçons sont nés en France et pourront devenir français à leur majorité - que de le renvoyer. Le Prefet d'Eure et Loir n'a pas suivi...
Il faut dire que D.K. est l'étranger "bouc émissaire" idéal eu des problèmes avec la justice ! Il a d'ailleurs été directement transféré au centre de rétention une fois sa peine purgée.
Qui peut encore croire que la double peine n'existe pas en France ? C'était pourtant l'affirmation d'un ancien ministre de l'intérieur devenu depuis Président de la République... Dans son ouvrage de 2004 "La république, les religions, l'espérance", Nicolas Sarkozy affirmait qu'il ne pouvait y avoir de seconde sanction d'expulsion pour celui qui avait fondé une famille en France...
Autour de l'école de Luka et Zaza, à Courbevoie, c'est la consternation générale parmi les parents d'élèves, les enseignant, les animateurs... Les signatures qui s'amoncellent sur le site internet de RESF (http://www.educationsansfrontieres.org/article40515.html) et celles recueillies sur les feuilles brandies vendredi matin devant l'école suffiront-elles à faire fléchir l'administration aveugle ?
L'insatiable politique du chiffre mise en place par notre gouvernement ayant porté ses fruits d'après Monsieur Guéant qui s'en vantait largement dans tous les médias cette semaine, l'heure pourrait pourtant être sinon à la mansuétude, du moins à l'humanité. Les objectifs xénophobes étant dépassés de quelques 5 000 étrangers boutés hors de nos frontières, dans ce tristement basique réflexe de désigner l'Autre comme porteur de tous les maux, une petite porte d'espoir pourrait s'entrouvrir pour deux enfants, de grandir enfin avec leurs deux parents.
La France n'a-t-elle pas signé la convention des droits de l'enfant le 7 août 1990 ? L'expulsion de D.K. sera la cruelle contradiction de l'article 3 ("L'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale) et surtout de l'article 9 ("Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré")
Que valent tous ces beaux discours à l'épreuve de la réalité et du quotidien ? Et dans ces conditions, que vaut "la journée internationale du migrant et du réfugié" qu'a célébré dimanche 15 janvier, la communauté catholique française dont se réclament encore nombre de nos décideurs ?
Mardi matin, si un sursaut d'humanité ne réveille pas la Préfecture d'Eure et Loir, le père de 2 garçons nés en France et y ayant passé leur jeune vie sera expédié en Georgie, petit pays agité (en guerre il y a encore 4 ans) qu'il avait fuit croyant échapper aux menaces. Pour Luka et Zaza, ses fils, il faut libérer D.K.
Joelle Paris, RESF Courbevoie