Cela fait maintenant 6 mois que ça dure, pour Sefo, élève de Terminale ES au lycée Victor Hugo à Marseille : depuis les OQTF (Obligation de quitter le territoire français) sur lui et sa famille début janvier, il lui a fallu préparer son baccalauréat sans être sûr que les autorités l’autorisent à être encore en France pour le passer, dans des conditions matérielles précaires, et surtout dans l’incompréhension. Arrivé depuis 2011, parlant parfaitement le français, bon élève, estimé de tous au lycée, camarades et personnels, il était pourtant indésirable, menacé d’expulsion ! Il a fallu bien du courage pour mener de front tout cela et rester ferme sur son désir de tout mettre en œuvre pour réussir, et sur son rêve : faire des études de droit, dans ce qu’il considère comme son pays, la France.
Quand nous avons pris conscience de la gravité de la situation de Sefo et de sa famille, c’est-à-dire du rejet par la Cour Nationale du Droit d’Asile de leur demande d’asile en raison des persécutions subies en Macédoine, leur pays d’origine, nous avons, avec l’aide du RESF, décidé de les prendre sous notre protection. Pétition en ligne recueillant rapidement plusieurs centaines de signatures, information au sein du lycée et en dehors, pour battre le rappel des bonnes volontés devant l’iniquité de cette décision, soirée de soutien avec projection de court-métrages sur le problème des sans-papiers… Sefo jusqu’à présent avait gardé le silence sur sa situation, par pudeur, et par crainte de la réaction de ses camarades lycéens. En réalité, ceux-ci sont tombés des nues devant l’injustice flagrante que lui faisaient les autorités. Cette saine indignation les a tout de suite décidés à soutenir leur camarade. Un comité de soutien s’est rapidement constitué.
Ils ont déposé un recours devant le Tribunal Administratif pour demander l’annulation des OQTF : nous étions là le 3 avril pour l’audience qui allait décider de leur destin, au Tribunal Administratif de Marseille. Nous : non seulement beaucoup de personnels du lycée Victor Hugo, mais aussi et surtout les élèves, venus manifester leur indignation et leur soutien à leur camarade. Dans la rue, ils étaient là avec pancartes et mégaphones, réclamant des papiers. Les camarades de la classe étaient là aussi, dans la salle d’audience, silencieux et émus d’entendre Sefo s’expliquer devant le juge sur son désir de rester en France, sur le fait que « en France, les Roms sont considérés comme des humains, et pas comme des sous-hommes. » Bel apprentissage de la chose publique et de la solidarité pour ces lycéens qui ont fait preuve d’une grande maturité dans la mobilisation. Le juge l’a d’ailleurs souligné en clôturant l’audience.
Deux semaines plus tard, soit le 17 avril, à la veille des vacances de Pâques, la décision tombait : les OQTF étaient annulées, et le juge demandait au préfet d’accorder à Sefo et à ses parents une autorisation provisoire de séjour en précisant que c’était au motif de l’excellence scolaire de Sefo qui devait pouvoir passer son examen. Quel soulagement dans un premier temps pour Sefo, sa famille et tous ses soutiens, les lycéens pensaient avoir gagné la partie ! Mais à bien y regarder, c’était inquiétant. La mobilisation lycéenne et enseignante avait certes imposé à la préfecture un délai, mais un flou menaçant restait sur ce qui allait se passer ensuite, après l’examen, une fois que tout le monde serait parti en vacances, pendant cette période d’été si périlleuse pour les sans-papiers…Rien ne garantissait que Sefo pourrait s’inscrire en fac à la rentrée, que son petit frère pourrait aller à l’école et ses parents construire leur vie en France. Il fallait montrer que nous restions vigilants.
C’est pourquoi nous n’avons pas lâché et avons décidé collectivement de nous rassembler devant le lycée et d’aller manifester jusqu’à la préfecture, pour demander une audience et obtenir des réponses plus satisfaisantes sur le devenir de Sefo et de sa famille. Le 10 juin, au lycée, c’est juste avant le bac, mais les lycéens loin de se démobiliser, ont préparé la manifestation, fait le tour des classes pour informer leurs camarades et ils étaient près de 150 le jour dit à défiler jusqu’à la préfecture pour renouveler leur soutien.
Au cours de l’audience en préfecture, les élèves, venus renforcer la délégation, ont été exemplaires. Avec courage et détermination, ils ont affiché leur soutien sans faille à Séfo et sa famille. Nous, les personnels du lycée et membres du RESF, avons retracé son histoire, celle d’un jeune courageux, déterminé à s’en sortir et qui aspire à vivre et étudier en France. Nous avons appris que le Préfet avait demandé à ses équipes de réexaminer le dossier, ce qui constitue une première victoire. Deux conditions ont été rajoutées à une possible régularisation, l’obtention du baccalauréat et la sortie du CADA.
Si la première ne devrait pas poser problème, la deuxième demandera encore des efforts supplémentaires tant la quête d’un logement n’est pas chose facile sans papiers…
Séfo a fait le choix de ne pas se cacher, la mobilisation de tous a permis de réelles avancées. Tout cela doit servir d’exemple à tous ces jeunes sans papiers, souvent exclus, habitants de quartiers difficiles, pour qui le quotidien est synonyme de peur et d’angoisse. Cela doit aussi nous renforcer dans notre volonté et notre détermination à ne pas laisser faire et à se mobiliser au côté de ces jeunes et de leurs familles.
L’affaire n’est pas pliée mais on peut quand même se montrer optimiste. A l’approche des vacances d’été, ne relâchons pas nos efforts et restons vigilants jusqu’au terme de ces trois années de lutte.
Comité de soutien Séfo SABANI Lycée Victor HUGO , RESF 13
Julie MORISSET, Frédéric SALVY