La famille Kosovaredont il est question ci-dessous a échappé à l’expulsion il y a deux jours. Message reçu il y a quelques minutes (21 novembre 23 heures) :
Je viens d'avoir Neriton au tél. La PAF vient de passer, un taxi vient les prendre à 2h du matin pour envol via Pristina à 6h
Autrement dit, l’expulsion, c’est maintenant. Ce qui était odieux sous Sarkozy le reste sous Hollande.
Neriton, 13 ans, est en 4ème au collège de Culoz, mais il est aussi médiateur scolaire, délégué du foyer et « le meilleur élève de sa classe », disent ses professeurs. Getuart, 8 ans, est en CE 1, il parle bien mieux le français que l’albanais, la langue d’un Kosovo qu’il a quitté il y a à peine plus de deux ans, au printemps 2010. Leurs parents Refki et Fatmire sont assignés à résidence, traduisez enfermés avec leurs enfants dans un hôtel loin de leurs amis et famille dans l’attente d’une expulsion qui pour l’instant n’a pas eu lieu. Les enfants ne sont donc plus scolarisés.
Ils ont failli partir ce lundi 19 novembre mais l'avion Lyon-Pristina avait du retard, la correspondance devenait impossible, le vol a été annulé. Ils ont attendu quelques heures dans les locaux dela PAF. Unenseignant du Collège de Culoz qui voulait leur dire au revoir n'a pas été autorisé à les voir. Ils ont été ramenés sur leur lieu d’assignation à Saint Genis Pouilly, à deux pas de la frontière suisse, après avoir été emmenés ce matin à l'aéroport de Lyon Satolas (coût du transport en taxi : 300 euros aller, 300 euros retour).
Pourquoi expulser cette famille ?
Leur père, Refki, a une promesse d’embauche comme « aide-maçon », un métier où les candidats ne se bousculent pas au portillon. Leurs quatre oncles, ainsi que leurs grands-parents, vivent en France et ils ont même acquis la nationalité française pour trois d’entre d’eux, et créé leurs entreprises pour deux autres. Bref, le tableau idéal d’une intégration réussie…
Dimanche soir une trentaine de personnes venues de Culoz ont défilé depuis l'hôtel jusqu'au centre de Saint Genis Pouilly, avec banderoles et tambours. Cette manif dans la campagne en pleine nuit, puis dans une ville presque vide, même devant l'hôtel de ville, avait quelque chose d'irréel. La famille était avec les manifestants, la mère effondrée et épuisée, le père digne et silencieux, les deux garçons jouant et courant comme deux pré-ados, plaisantant en français, tapant sur les tambours. Le soir, ils ont dit au revoir à leurs amis avec une certaine gravité.
Mais pourquoi ont-ils accepté de se rendre dans cet hôtel, autrement dit de se jeter dans la gueule du loup (comme le pensait leur avocate), puis de se laisser transporter à l'aéroport ? Les enseignants de Culoz en ont longuement parlé avec eux. Les Pacarizi ne voulaient pas entrer dans la clandestinité, ni être redevables de leur survie quotidienne à qui que ce soit, pas même leur famille, ils ne pouvaient pas comprendre que la France aille jusqu'au bout de sa volonté d'expulsion... Et puis, ils avaient peur des risques que la préfecture n'avait pas manqué de leur faire connaître: 3 ans de prison et 10 ans d'interdiction du territoire ! La CIMADE nous a confirmé que ces peines étaient prononcées en ce moment contre ceux qui s'opposent à leur expulsion. Comme leur famille est en France, l'idée de ne plus pouvoir leur rendre visite pendant dix ans les paralyse.
Mais ils sont toujours là. Et c’est nous l’espérons une ultime chance car nous sommes nombreux autour de cette famille, profs, parents, amis et inconnus, simples citoyens qui ne supportent pas qu’on traite des êtres humains comme des pions.
Catherine Tourier (RESF 69)