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Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron

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Billet de blog 21 décembre 2011

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Claude Guéant, une politique nauséabonde. Illustration à Antony

La sous préfecture d'Antony (92) focalise régulièrement l'attention des medias sur la question de l'accueil des étrangers.

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La sous préfecture d'Antony (92) focalise régulièrement l'attention des medias sur la question de l'accueil des étrangers. De la même manière qu'à Bobigny ou à Evry, on peut (pouvait jusqu'à une date récente) y croiser dès potron minet une file plus ou moins étoffée de personnes venues parfois par le dernier RER, ou par le premier bus pour y attendre l'ouverture des guichets vers 8 h 45 et espérer y être reçu.

Officiellement, tout ceci n'a plus de raison d'être, selon le sous-préfet, une récente réorganisation des guichets permettrait d'accueillir au mieux tout étranger que rien n'obligerait plus à arriver à l'aube. Des rondes d'agents dans la nuit seraient chargées de prévenir les malheureux ignorants et de les convaincre de revenir plus tard. Ceux qui s'obstinent passent donc, sans raison, par fantaisie, de longues heures dans la nuit et le froid, sans le moindre abri en cas de pluie ou de neige, et évidemment sans toilettes. Le problème a été maintes fois abordé, aucun aménagement de la zone d'attente n'a été mis en place.

A l'occasion d'une semaine de protestation contre l'indignité de ces pratiques, menée dans l'ensemble de l'Ile de France par de nombreuses associations et collectifs d'aide aux étrangers, une initiative a donc été organisée devant la sous préfecture d'Antony ce 7 décembre au matin. Petit déjeuner de solidarité, aubade, prises de paroles des élus PC, PS, PG, EELV, de Bagneux, Clamart, Antony, de Pascale Le Néouannic, Conseillère Régionale PG, par les militants du RESF, de la Cimade et de la LDH. Rien de nouveau jusque là, si ce n'est que ceux qui étaient venus témoigner leur solidarité aux étrangers étaient plus nombreux qu'aux précédents petits déjeuners. Signe de l'écoeurement peut-être face à ce qui ne change pas, et s'aggrave ?

Mais le décor s'est aussi enrichi de la mise à disposition d'un WC public, sous la forme d'un abri de chantier équipé de toilettes, installé dans la nuit sur le stationnement de la sous préfecture et décoré d'une pancarte « Sanisette Chez Claude », hommage modeste au grand homme aux idées nauséabondes.

Pas besoin de souligner à quel point l'installation fut appréciée et permit de soulager nombre d'usagers ce matin là. Les élus s'en félicitèrent et déclarèrent très solennellement "la sanisette Claude Guéant" inaugurée.

De manière étonnante, les policiers missionnés pour apprécier les tenants et les aboutissants de l'opération parurent plus surpris que mécontents. Qu'auraient ils eu d'ailleurs à réprimer. ? On remit à leur représentant une « Supplique à M. le sous préfet » le priant instamment de bien vouloir assurer pour le plus grand intérêt des étrangers la maintenance du dit équipement sanitaire. Le temps passait, les militants se dispersaient, les étrangers, qui avaient chaleureusement applaudi les déclarations de soutien pénétraient peu à peu dans le hall pour recevoir un ticket au guichet de pré -accueil installé depuis le 19 octobre.

Somme toute, une manifestation réussie, on regrettait l'absence des médias à qui pourtant l'idée avait plu.

13 h30. Les militants chargés de rapatrier l'abri de chantier arrivent sur le parking, munis du matériel de manutention nécessaire et découvrent avec stupéfaction que l'emplacement est VIDE. Les toilettes ont disparu, évanouies, vaporisées. A la sous préfecture, on ignore tout : c'est l'heure du déjeuner, personne de joignable.

14 heures, commissariat de police d'Antony : les policiers présents ont un peu de mal à masquer leur sourires. Nous sommes rassurés, ils sont au courant : les toilettes sont au gnouf. Nous demandons à porter plainte pour le vol de la remorque. On nous confirme que c'est bien la police qui s'en est emparée. Pour quel motif ? Sur l'ordre de qui ? Pas de réponse, ils prétendent que le véhicule était orné d'une banderole. Dénégation formelle de notre part.

- "De banderole, point. "

- "Si, " insiste l'OP (Officier de police), "une banderole jaune."

- "Alors vous faites erreur, il s'agit d'une pancarte indiquant le nom et la destination de l'édicule : « Sanisette chez Claude ». Impossible de faire de cette indication une banderole."

On nous demande de patienter. Un OPJ vérifie les papiers de l'engin. Après un premier clash, on finit par déposer la main courante et acter le préjudice dont nous avons été victimes, à savoir le saisissement par la police et sans motif de la remorque. Allons nous la récupérer ? Patientez ! Nous en profitons pour tenir au courant de l'évolution de l'aventure quelques journalistes curieux de la suite. Visiblement la police n'apprécie pas. Mais elle a d'autres préoccupations. Un à un, les policiers en tenue, en civil ou en bras de chemise, sortent dans la rue, malgré la pluie. "Ca pue le gaz dans les sous sols" assurent-ils. La sanisette ? Et nous ? "Patientez" ... puis "Sauve qui peut ! Tout le monde dehors", nous aussi. Les pompiers arrivent, la pluie redouble. "Le commissariat risque de sauter". La sanisette à Claude ? Et si la manutention, peut-être brutale, façon BAC, de la sanisette avait endommagé la bouteille de propane que contient l'abri? Avec le risque de faire sauter le commissariat. Style la terrible vengeance des toilettes Claude Guéant ? En bons citoyens délateurs, nous confions nos soupçons à la police. Qui, derechef, s'agite, mène l'enquête, ausculte, sonde la sanisette. Rien, innocentée de toute velléité terroriste. Mais toujours pas libérée. Patientez

16 heures... Une mère de famille passe devant le commissariat en quittant la sous-préfecture. Elle nous reconnait. Elle est pressée, c'est l'heure de la sortie d'école. Son mari était dans la queue à 7 heures. Neuf heures perdues, les conditions d'accueil à Antony se sont grandement améliorées.

16h30, un policier indique enfin que nous pouvons récupérer notre bien. La plaisanterie a duré, nous y avons passé l'après midi entière, et pris du retard dans la suite du programme, imposant la prolongation de 24 heures de la location du véhicule tracteur de la remorque. Au moins demandons-nous une attestation établissant que le 7 décembre à telle heure et jusqu'à 16 heures 30, la sanisette Chez Claude a été immobilisée au commissariat d'Antony, sans motif, et restituée à ses usagers légitimes. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

- "Impossible, ça ne se fait pas."

- "Et un procès verbal, ça ne se fait pas ?"

- "Ridicule !"

- "Bien. Alors, les PV, c'est ridicule ?"

- ........

On se calme, on part. Le grand cahier des doléances à destination du public gardera, nous l'espérons, la trace de notre interrogation sur la nature propre de ce commissariat et sa particularité à ne pas avoir de comptes à rendre sur ses agissements.

Le lecteur averti aura compris que l'exigence de tous ceux qui se sont réunis ce matin là et devant la plupart des préfectures en Ile de France, n'est pas l'installation de toilettes publiques et d'abris chauffés. C'est évidemment que la place faite aux étrangers, et à tout usager des services de l'Etat, remplisse les conditions élémentaires de dignité et de respect, dans les conditions matérielles de cet accueil, et dans le traitement de leur droit au séjour. Faire la queue plusieurs fois par an pour renouveler un récépissé de demande d'un titre qui a déjà été accordé est une ineptie qui pénalise les étrangers, mobilise l'activité des personnels et grève les budgets de ces services. Y ajouter des conditions humiliantes est inacceptable. Pour ce qui concerne notre aventure particulière, la possibilité de poursuites pour vol de sanisette est en cours.

RESF 92

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