RESF (avatar)

RESF

Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron

Abonné·e de Mediapart

213 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 août 2012

RESF (avatar)

RESF

Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron

Abonné·e de Mediapart

Quand on fait sortir une problématique par la porte, la Préfecture la refait rentrer par la fenêtre

RESF (avatar)

RESF

Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Elle a douze ans et n'a aucun papier. Depuis, aucune nouvelle de sa famille. 

Affaire Mamoï : attente d'un jugement qui fera date pour le droit à l'hébergement.

Mariam et Atar auront-ils un toit pour la rentrée ?

 La famille Mamoï

 Nane est née dans une famille kurde en Azerbaïdjan. En 1992, elle fuit l'Azerbaïdjan avec sa grand-mère sous les bombardements. Elle a douze ans et n'a aucun papier. Depuis, aucune nouvelle de sa famille. Amo Mamoï, lui aussi Kurde d'Azerbaïdjan, est né en 1974. En 1992, des militaires viennent le chercher chez lui pour l'envoyer au service militaire. En tant que Kurde il est victime de nombreuses humiliations et passages à tabac. Il fuit. Il a 18 ans.

 Dans leur exil en Ukraine, Nane et Amo se rencontrent. Ils se marient en 2000. En 2001, Amo reçoit un ordre de quitter le territoire. Il fuit avec Nane en Russie, à Yaroslav puis à Volgograd. Leur fille Mariam naît en 2003 et leur fils Atar en 2005. En Russie, Amo est pris pour un Tchétchène et, à ce titre, enfermé et tabassé. Il ne sort qu'en signant une obligation de quitter le territoire.

 En 2010, la famille arrive en France, à Lyon. Les enfants sont scolarisés à l'école Jean Giono dans le huitième arrondissement de Lyon. La famille dépose une demande d'asile, qui est rejetée, puis fait une demande de titre de séjour. Celle-ci est également rejetée et une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) est délivrée en février 2012. 

 Suite du combat

 A la fin de l'hiver 2012, la famille Mamoï est à la rue. Mais avec leurs avocates Maître Amar et Maître Vernet, elle est l'une des premières familles à gagner un référé liberté hébergement. La Préfecture est mise dans l'obligation de les loger. Le bras de fer commence : le 10 avril 2012, la Préfecture indique à la famille l'adresse de l'hôtel où elle doit se rendre, mais le 12 avril, elle la place en centre de rétention ! Le 13 avril, la famille est libérée à l'issue d'une longue audience au tribunal administratif de Lyon, et placée dans un autre hôtel. Mais l'OQTF est maintenue. La famille est assignée à résidence pour 45 jours. Il faut pointer tous les lundis et tous les jeudis.

 Malgré les changements politiques du printemps 2012, le bras de fer de la Préfecture continue. L'assignation à résidence est renouvelée pour quarante-cinq jours supplémentaires. Courant juillet, la Préfecture dépose un recours pour contester à le droit à l'hébergement de la famille. Le recours est rejeté immédiatement par ordonnance par le Tribunal Administratif. Le 28 juillet, une nouvelle assignation à résidence est notifiée par la Préfecture. Du jamais vu, et pour cause, l'assignation à résidence ne peut être légalement renouvelée qu'une fois. Maître Vernet parvient à lever cette assignation à résidence lors d'une audience le 2 août. Quelques jours plus tard, la Préfecture fait appel de ce jugement. La famille apprend au même moment qu'elle est convoquée le 9 août au service consulaire de l'ambassade d'Azerbaïdjan à Paris pour examiner la possibilité de délivrer des laissez-passer et organiser le départ. Depuis cet entretien, la famille vit encore et toujours dans la peur en attendant la réponse des autorités azerbaïdjanaises quant à la délivrance des laissez-passer.

Mariam s'apprête à rentrer en CE2 et Atar en CE1.

 Derniers rebondissements

 C'est maintenant au jour le jour que rebondit l'affaire Mamoï. Nouveau coup de force de la Préfecture du Rhône : depuis notre dernière contribution sur Médiapart le 15 août dernier (il y une semaine), cette affaire a déjà eu le temps de prendre encore une nouvelle dimension. Le lundi 20 août, nous apprenons qu'en plus de la procédure d'appel lancée contre la levée du deuxième renouvellement de l'assignation à résidence, la Préfecture dépose une nouvelle requête pour contester son devoir d'hébergement dela famille. Sonargument : ce devoir n'est plus justifié à partir du moment où «le préfet fait usage de ses pouvoirs relatifs à la reconduite forcée des intéressés ».

 Ainsi, la Préfecture considère qu'à partir du moment où elle a engagé une procédure de demande de laissez-passer, elle est en mesure de se soustraire à son devoir d'hébergement prononcé à l'occasion d'un référé liberté hébergement.

Au regard de cette position, retenons deux points primordiaux :

 1) Le seul événement nouveau depuis ledit référé liberté est la présentation consulaire des époux Mamoï (à la quelle ils se sont soumis avec un courage exemplaire), présentation à l'issue de laquelle aucune réponse immédiate n'a été donnée par le Consul.

 2) En tout état de cause, même si d'autres éléments étaient venus modifier le dossier dela famille Mamoï, on s'interroge quant à l'intention d'en tirer des conclusions pour le dossier logement, puisque le droit à l'hébergement reconnu à la famille est inconditionnel et donc indépendant de tout argument administratif.

 En avril, la mise en rétention de la famille suite au référé liberté hébergement faisait craindre de telles interférences entre le dossier séjour et le dossier hébergement. Depuis, on pensait que la Préfecture y avait renoncé. Comme l'a fait remarqué Maître Zouine lors de l'audience du 21 août 2012, « quand on fait sortir une problématique par la porte, la Préfecture la refait rentrer par la fenêtre ».

Le jugement attendu d'ici une semaine fait peser sur le juge une responsabilité énorme quant à la position de la France sur l'application du droit à l'hébergement. De nombreux autres dossiers attendent.

 Pour témoigner de son combat, Nane Mamoï sera présente samedi 25 août à l'Université d'été du Parti socialiste à La Rochelle.

Martin Galmiche

RESF Lyon

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.