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Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron

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Billet de blog 23 octobre 2013

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Récit des exploits honteux commis à l'encontre des familles sans papiers par la volonté de Nicolas Sarkozy, de Hollande et maintenant de Macron

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Léonarda. Entrez et voyez, c'est gratuit et croustillant

Léonarda…. bien malgré elle star d’un moment et tout étonnée de l’être. Léonarda dont on parle et tant d’autres dont les médias ne parlent pas, et pourtant l’horreur est la même. 18 126 personnes expulsées pendant les huit premiers mois de 2013, toute une litanie de noms, de situations, de parcours…

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Léonarda…. bien malgré elle star d’un moment et tout étonnée de l’être. Léonarda dont on parle et tant d’autres dont les médias ne parlent pas, et pourtant l’horreur est la même. 18 126 personnes expulsées pendant les huit premiers mois de 2013, toute une litanie de noms, de situations, de parcours…

 Et tous ceux qui sollicitent des papiers depuis des années, qui vivent ici, travaillent ici,  sont scolarisés ici, qui se recroquevillent en souhaitant qu’on les oublie puisque les lois sarkozystes sont aujourd’hui défendues par la gauche, puisque la loi les décrète sans papiers même s’ils sont nés ici, même s’ils sont venus tout petit en France, même s’ils ont des enfants français, même si leur compagne ou compagnon et leurs enfants sont en situation régulière.

Et tous ceux que la droite « pain au chocolat », prétend, pour des visées électoralistes, exclure de la nationalité française parce qu’ils ont été un jour en situation administrative irrégulière, ou qu’ils ont été des enfants de parents en situation administrative irrégulière. Faire porter aux enfants la situation de leurs parents et jusqu’à combien de générations ?

                                                                                               C.T.

 La télé, samedi 19 octobre au soir. Hollande a parlé. On se téléporte à Mitrovica, dans un de ces pays dont on n'explique rien, même pas où c'est, pas le temps, mais dont certains se souviennent avoir entendu le nom il y a longtemps. Dans l'intimité douillette des Dibrani. C'est reparti. "l'Ile de l'Expulsion", en quelque sorte. Entrez et voyez, c'est gratuit et croustillant.

 Tout l'après-midi on les a vues ces images, faites pour qu'on comprenne encore mieux pourquoi des gens pareils ne peuvent pas rester chez nous. On "sait" déjà que le père est menteur, voleur, cogneur, feignant, un vrai Rom quoi. Eh bien les images confirment, en boucle sur toutes les chaînes "d'information": même pas rasé, les yeux globuleux, l'air tantôt obséquieux, tantôt vociférant comme un démon, le tout dans un sabir désolant. Il pourrait jouer dans le Juif Süss. La meute de caméras, micros, stylos, l'affole, il brandit des papiers, sûrement pas des vrais, en faisant des volteface devant les micros comme un sanglier aux abois. On vient de lui dire qu'on a le rapport d'inspection et que c'est mal barré. Le voilà qui s'énerve, il dit des insolences surla France. Aucunrespect ! Il dit même qu'il reviendra quand même en douce ! On a pas vu ses doigts mais ils pourraient bien être crochus. On élargit le cadre. C'est un de ces bordel ! Des gosses partout, pas coiffés, sapés chez ma tante, couchés n'importe où, les uns sur les autres. La mère qui s'y met. Et que je te vocifère. C'est qu'ils nous menacent, en plus. Aucune tenue médiatique. Affaire classée. Affreux, sales, méchants.

 Passez à autre chose, ça commence à bien faire.

  Journal de France 3 à 19 H 30. Surprise. Des plans serrés. Une famille rassemblée, recueillie dans la pénombre autour d'un blackberry qui retransmet le discours tant attendu. On voit l'anxiété sur les visages. Puis le père lève vers la caméra un regard d'être humain en train de réaliser que son sort est scellé. Que l'errance dont il ne se rappelle même pas le début va reprendre. Des papiers, une nationalité, il n'en aura peut-être jamais. Un blanc. Leonarda fronce les sourcils, se demande visiblement si elle a bien compris ce qu'Hollande a dit avec son air tellement gentil. Avec son père elle a distribué des tracts pour lui pendantla campagne. Mêmepas payé, mais ça leur faisait plaisir. Qu'est-ce qu'il a dit ? Léonarda, "mais seule", il a dit avec une pointe d'insistance dansla voix. Unblanc, ils encaissent le choc. Les yeux de Leonarda, une main sur l'épaule de son père, ceux de sa grande sœur, s'embuent. Le père est sonné, silencieux. Il ne trouve pas quoi dire. Qu'est-ce qu'elle en pense ? On voit bien qu'elle avait pensé à tout, sauf à ça. Mais la réponse fuse, d'une traite, un éclair de dignité dans le regard : elle ne partira pas sans sa famille. Comme une évidence qu'on a pas besoin de dire.

Tout ça pour rien. Après la honte du bus et l'expulsion, après la nuit sur un banc dans un parc, l'espoir était revenu. Un logement, des centaines d'appels sur son portable. Une invasion de dizaines et des dizaines de journalistes, bienveillants, débordants d'empathie, rechargeant son crédit pour qu'elle reste en contact, hochant la tête pour approuver ses arguments, l'encourager à expliquer. Les sms des copines de Pontarlier. "Léo, on t'a encore vue à la télé, trop la classe !". Son nom sur les pancartes de milliers de lycéens à Paris ! Dans la bouche de tas de gens célèbres et puissant ! Son expulsion ? Inadmissible, scandaleux, honteux, ils ont bien dit. Et elle qui a tellement bien expliqué, encore et encore, avec application, comme un travail, au nom de toute la famille, fière d'elle. Elle croyait que ça suffirait. Mais non.

  Dernier plan : des bagages, pour huit.

                                                                      Fabrice RICEPUTI RESF 25

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