Cris de Lozère
La Lozère est un petit pays où les édiles cherchent désespérément à attirer de nouveaux habitants[1]. Pourtant, ceux-là mêmes qui clament que notre population doit augmenter cautionnent par leur silence l’expulsion d’étrangers… Et pas n’importe quels étrangers, s’il vous plaît : des demandeurs d’asile définitivement déboutés ou seulement déboutés par l’OFPRA, des gens qui ont fui leur pays et ne veulent y retourner à aucun prix, des gens en danger chez eux, des gens qui ont eu le courage de s’opposer et ont parfois été torturés pour cela, des gens pleins de qualité… Il y a si peu d’étrangers extra-communautaires en Lozère que le préfet n’a personne à expulser. Alors, au diable les droits humains !
Mardi 18 mars, Michaël, un jeune demandeur d’asile ghanéen, a ainsi été arrêté dans la rue, emmené à la gendarmerie et envoyé en centre de rétention. La semaine précédente, une famille de Tchétchènes avec quatre enfants a subi de violentes menaces verbales, le but étant de l’inciter à quitter le centre d’hébergement d’urgence où elle est logée. Leur fils de 10 ans à qui on a demandé de traduire en est traumatisé ! Un peu plus loin dans le temps, une famille arménienne munie d’une promesse d’embauche se voit proposer le choix de repartir chercher un visa en Arménie… ou d’être expulsée. D’autres situations dramatiques vont suivre, très certainement, et mille fois hélas !
Alors oui, oui, vous qui vivez dans les grandes villes, vous vous dites que cela arrive tous les jours, mais nous en Lozère, nous sommes si peu (on pourrait tenir dans le Stade de France), si peu que cela fait scandale ! Notre nouveau préfet, un proche de Nicolas Sarkozy, montre énormément de zèle, il applique à la lettre les directives de l’Intérieur : la mise en rétention de Michaël et les menaces à la famille A. sont intervenues comme par hasard juste après la diffusion de la dernière note ministérielle. Mais le préfet oublie où il est, il oublie que la Lozère est terre d’accueil…
Alors, on va le lui rappeler, on va rappeler à tous que les Lozériens ont du cœur et ne sont pas des gens dociles. Pour déloger les militants Resf stationnés devant la gendarmerie, il a fallu que les forces de l’ordre les prennent à bras le corps. Le lendemain de l’arrestation, nous étions près de 80 dans la rue, chiffre énorme pour nos petites contrées. Le lundi qui a suivi, près du double ! Michaël, libéré du CRA par le juge des Libertés, est toujours menacé, parce que le préfet ne veut pas annuler l’OQTF, il ne veut rien entendre de nos demandes et de nos appels. Alors on va continuer, on va mettre le feu ! Poliment, gentiment, car nous ne sommes pas des violents, mais on ne se taira jamais !
Cette histoire, qui paraît peut-être banale à certains, devrait donner matière à réfléchir… Car on est sans doute en train de passer une ligne rouge. Si dans un département aussi sous peuplé que le nôtre, où les demandes de titres de séjour ne concernent pas plus de cinq ou six familles par an, un préfet en vient à vouloir expulser à tout prix, s’il refuse à des employeurs locaux manquant de main d’œuvre qualifiée, d’embaucher un étranger, comme c’est déjà arrivé…, cela montre que, dans ce pays, on expulse désormais par idéologie (ou par manœuvre politicienne), sans plus aucune justification rationnelle, que l’on nage en pleine absurdité, sans plus de respect pour rien du tout ! Alors ouvrez les yeux, craignez ce qui se passe… et réveillez-vous, ça sent vraiment mauvais !
Elisabeth Andréani, Marie-Anne Colombain, Jean-Luc Galibert (RESF Lozère)
Dernière minute. Lundi 24 mars, Michaël, le demandeur d’asile ghanéen, a été libéré sur décision sur Juge des Libertés. Le soir même, lors d’un RV en préfecture, le préfet annonçait sa décision de faire appel, refusant absolument d’annuler l’OQTF et de délivrer une APS. La lutte continue donc. Nous étions plus d'une bonne centaine à manifester à nouveau mercredi 26 mars (pour la première fois, lors d’une manif Resf, la police était au rendez-vous, bloquant tous les accès à la préfecture). Nous sommes enchaînés les uns aux autres pour symboliser notre refus de l'enfermement des migrants et rappeler ce que vient de vivre Michaël (et ce qui le menace encore). De nouvelles actions, plus spectaculaires, et on ira crescendo, sont prévues pour ce vendredi et pour mardi prochain.
Voir le reportage de France 3 Languedoc (à la 15e minute environ)
http://languedoc-roussillon.france3.fr/emissions/jt-1920-languedoc-roussillon
[1] Le conseil général de Lozère a lancé en 2013 une campagne d'un coût de 600 000 euros sur Internet pour essayer d'attirer de nouveaux habitants.