Elise* est une petite fille de onze ans. Elle est arrivée en France, depuis l’Algérie où vit sa famille, il y a deux ans et demi. Elle est accueillie sous la tutelle de sa tante paternelle qui vit à Paris, afin d’y poursuivre une scolarité encadrée et de recevoir les soins appropriés à son handicap. Ce dispositif répond à des accords internationaux, en l’occurrence franco-algériens.
La maman d’Elise, quarante et un ans, est atteinte d’un cancer. Les médecins algériens et français annoncent l’arrêt des traitements, son état est désespéré.
À cette annonce, la tante effectue les démarches pour renouveler le passeport d’Elise au Consulat d’Algérie, puis se rend à la Préfecture de Police de Paris pour obtenir un visa autorisant ensuite le retour d’Elise sur le territoire français. La loi française prévoit que tout enfant accueilli dans ces conditions ne pourra pas retourner dans son pays avant trois années de présence en France, sous peine de ne plus pouvoir revenir.
Il y a des exceptions, bien sûr, lui dit-on à la Préfecture. Revenez avec le dossier complet. Il l’est : attestations médicales pour la maman, des psychologues pour Elise, situation régulière d’Elise sur le territoire, renouvellement de reconnaissance du handicap par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), inscription scolaire 2014/2015… Retour à la Préfecture.
L’autorisation de retour est pourtant refusée, sans aucune attention portée à la situation exceptionnelle, ni consultation du dossier. Elise, dont l’état psychologique se dégrade quotidiennement dans ce contexte de détresse, ne pourra pas aller embrasser sa mère une dernière fois, ni être auprès de ses frères et de son père pour traverser cette épreuve.
À l’école, sa tante alerte l’équipe pédagogique de cette situation absurde et inhumaine. Un quiproquo nous fait perdre du temps. Nous avions compris que le refus venait du Consulat algérien et non de la Préfecture. Il nous reste peu de temps pour tenter d’obtenir un Document de Circulation d’Étranger Mineur (DCEM), document attribué par l’administration mais nécessitant un long délai.
Le refus de la Préfecture date de quinze jours, nous sommes jeudi. Un appel du papa d’Elise fait savoir que la fin de sa maman est très proche. De nouvelles discussions nous font comprendre que c’est la France qui lui refuse le droit d’aller rejoindre sa famille, sous peine de retour interdit.
De toute urgence, nous contactons RESF, et des élus responsables de la petite enfance et des Droits de l’Homme. Nous sommes samedi matin. Une très grande réactivité et une attention humaine engagée vont permettre d’obtenir enfin, dès lundi, l’autorisation pour Elise de revenir sur le territoire français après son voyage en Algérie, grâce aux contacts exceptionnels entre une institutrice, un Maire investis et le Cabinet du Préfet de Paris. Un tampon sur son passeport, qui lui permettra d’être auprès des siens.
Samedi, 15h. La maman vient de mourir.
Nous obtenons effectivement le visa le lundi, le certificat de décès joint au dossier, après des difficultés encore à se faire entendre à l’accueil du service des visas de la Préfecture. Au guichet, plus de problème. Elise pourra se rendre aux obsèques de sa maman.
Heureusement, vendredi, Elise aura pu la voir une dernière fois, l’embrasser… à travers Skype.
La France, fidèle à son ouverture, accueille des enfants en difficulté, et c’est heureux. Mais est-il possible de cesser de les soutenir dans les moments les plus durs, de refuser d’entendre le drame qui se déroule, au nom de la loi ? Quel enfant, quelque soit sa situation familiale, sa nationalité, son état de santé, peut se trouver privé du droit de voir ses parents ? France, pays des droits de l’homme et du citoyen, des droits de l’enfant, XXIè siècle…
Il est indispensable d’adapter la loi actuelle pour lui permettre de répondre aux situations exceptionnelles, mais non rares, comme celle-ci, qui suppose une réaction en urgence appropriée.
Sarah Jolivet
* Le prénom a été modifié.