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Billet de blog 22 mars 2012

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Pour une écologie socialiste. A nouveau

Les soi-disant leaders du monde entier préparent leur réunion en mai prochain à Rio afin de discuter, à nouveau, de l’avenir écologique du monde. Je dis «à nouveau», car c’est à Rio, en 1992, que le premier «Sommet de la Terre» avait été organisé (d’où le nom de «Rio+20» pour le sommet à venir). A l’aube de ce qui devait être une ère nouvelle de l’Humanité, réconciliée après la chute du stalinisme, les projets les plus fous d’un «développement durable» alliant protection de l’environnement, fin de la pauvreté et croissance économique circulaient.

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Les soi-disant leaders du monde entier préparent leur réunion en mai prochain à Rio afin de discuter, à nouveau, de l’avenir écologique du monde. Je dis «à nouveau», car c’est à Rio, en 1992, que le premier «Sommet de la Terre» avait été organisé (d’où le nom de «Rio+20» pour le sommet à venir). A l’aube de ce qui devait être une ère nouvelle de l’Humanité, réconciliée après la chute du stalinisme, les projets les plus fous d’un «développement durable» alliant protection de l’environnement, fin de la pauvreté et croissance économique circulaient.

Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui non seulement y ont cru, mais y ont depuis travaillé sans relâche. Malgré ces efforts, malgré les luttes sociales et écologiques qui ont survécu, le bilan doit être considéré comme globalement négatif. Les inégalités sociales se sont accrues, la pauvreté est toujours l’expérience quotidienne d’une majorité de la population de la planète, la précarisation du travail devient la norme, et la dégradation de l’environnement se poursuit.
La politique climatique est malheureusement exemplaire de cette détérioration. Les émissions de gaz à effet de serre se sont accrues, et la possibilité d’obtenir un nouvel accord international afin de les limiter s’éloigne chaque jour davantage. Face à ces crises majeures, la réponse qui a été apportée a consisté à accroître l’emprise du marché sur nos vies. La logique néolibérale qui s’est emparée des politiques de l’environnement a conduit à penser que la pollution et l’exploitation de l’environnement découlaient d’une absence de propriété sur lui. En conséquence, les Etats se sont efforcés de mettre en œuvre une politique environnementale fondée sur les outils de marché (taxes, permis de polluer, etc.). Rio+20, loin de revenir sur cette vision funeste, poursuit le mouvement. Le concept d’«économie verte» qui y sera promu vise à étendre la marchandisation de la nature aux dits «services environnementaux» rendus par elle, à la traiter comme un «capital naturel» auquel une valeur marchande puisse être attachée. Ces dangereuses manœuvres ne visent qu’un seul objectif: ne pas remettre en cause les rapports de propriété qui structurent le monde contemporain. L’économie verte, sans toucher à la croissance, ni à la propriété, c’est la perpétuation de la catastrophe en cours.
Mais l’échec annoncé du sommet de Rio+20 nous donne l’occasion de repenser une écologie qui soit à nouveau «politique», c’est-à-dire une écologie qui conteste radicalement la manière dont nous organisons notre vie en commun et les rapports socio-naturels. Il s’agit d’une écologie politique qui ne cherche pas à conserver une «Nature» mythique, mais lutte pour de nouveaux rapports socio-naturels fondés sur la satisfaction des besoins humains. Une telle écologie politique, comme nous le savons depuis André Gorz, doit impérativement organiser une décroissance de la production économique, et sa réorientation vers les besoins humains qui ne sont pas satisfaits actuellement, comme ceux du milliard d’êtres humains qui sont sans accès à l’eau potable. Mais comme nous le savons également – ce que malheureusement une partie importante des écologistes s’évertuent à nier – une telle réorientation doit s’attaquer à la propriété privée des moyens de production, qui est à la source des inégalités. Pour le dire autrement, une telle écologie ne peut être que socialiste, c’est-à-dire fondée sur une économie enfin démocratisée, dans laquelle tous les êtres humains, indépendamment de leur richesse, aient une voix égale.
Une récente note publiée par le think tank des syndicats européens, l’ETUI, plaide pour une alternative allant dans ce sens. Thomas Coutrot et Jean Gadrey reprennent la proposition de l’économiste Pat Devine en faveur d’une planification économique démocratique, dont j’ai parlé dans plusieurs de mes chroniques. Ils établissent que pour la gauche, l’enjeu majeur est de proposer une politique «post-croissance», fondée sur la réduction du temps de travail. La gauche socialiste et écologiste, alliée au mouvement environnemental et aux syndicats, peut à nouveau proposer une stratégie économique-écologique radicalement alternative. En fait, non seulement elle le peut, mais elle le doit. Serons-nous à la hauteur?

Romain Felli
Chronique publiée dans le quotidien Le Courrier

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