Pour tous mes amis qui se battent à la campagne pour maintenir l’école dans leur village ou dans leur bourg, voici une information incroyable : à la rentrée scolaire 2023, à Paris, 7 lycées seront fermés ainsi que 187 classes du primaire dans 181 écoles (56 sont classées en éducation prioritaire). Pour l’enseignement notamment, la baisse du niveau des dépenses publiques par leur contention depuis des années conduit progressivement à l’asphyxie du service public. C’est un processus qui se poursuivra si on ne l’interrompt pas.
Paris devient déjà, peu à peu, un désert médical : la nuit, plus de visites à domiciles, mais le 15 envoie les pompiers et un infirmier (dévoué au demeurant) qui communique par téléphone avec une tour de contrôle située, nous l'espérons, en France et l'on décide de l'hospitalisation. Aux urgences, le tarif de patience, c'est 12 heures entre l'arrivée et la sortie etc etc etc.
Ce n’est pas un seul rouleau compresseur qui réduit à peau de chagrin tous les services publics, « en même temps », une trentaine de rouleaux compresseurs sont à l’ œuvre : l'école, l’hôpital, la justice, les réseaux, tous les métiers du lien, les PME,…
Au bout du bout, quelle est la stratégie financière du gouvernement ? Certainement pas remettre à niveau le service public, ni valoriser les métiers du lien, ni booster le développement des PME, ni même leur créer un environnement juste tranquille, sans tracasseries.
Pour en savoir plus, il faut analyser les budgets de l'État.
Deux graphiques ci-dessous racontent, à leur manière, pourquoi les services publics sont asphyxiés. Ils illustrent en partie la stratégie financière des gouvernements de 2008 à 2021 (sources : Cour des Comptes et INSEE - Rien d’autre . Mon apport : grafs pluriannuels)
En les regardant, pensez à cela :
- de 2008 à 2021 selon l’Insee, les prix ont augmenté de 17%
- les recettes nettes du budget de l’État ont baissé de 7 mds, soit -3% des dépenses de 2008.
Ceci suggère qu’en euros constants, l’Etat a perdu (17+3, calcul sommaire mais acceptable) plus de 20% de ses moyens.
COMMENT ÇA ?
- Alors que l’impôt sur le revenu a augmenté de 27 mds (+60%),
- l’impôt sur les sociétés à baissé de 3 mds, soit -6%
- et surprise, la Tva arrivant au budget de l'État à baissé de 34 mds … À cet égard, je reporte en commentaire ce qu'en dit la cour des comptes. C'est éloquent.
Graphique 1 en Mds€

Agrandissement : Illustration 1

Notez que l’actuel gouvernement est arrivé au pouvoir en 2017 et que son premier budget est celui de 2018. Phénomène exceptionnel : la chute des recettes de TVA
Graphique 2 - Évolution du budget de l’État 2008 - 2021 base 100 en 2008

Agrandissement : Illustration 2

Qu'en dit la Cour des Comptes ?
La Cour des Comptes n'est pas là pour décrypter la stratégie financière à long terme du gouvernement, mais pour opérer certains contrôles comme est censé le faire le Commissaire aux Comptes dans une entreprise : attester de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'État, contrôler le bon emploi et la bonne gestion des fonds publics.
Cependant, parfois, la Cour des Comptes est prise d'une sorte de bouffée de chaleur en élaborant son rapport annuel. Ainsi, son commentaire est-il éloquent, page 11 de la note d’exécution budgétaire 2021 - recettes fiscales de l’État (Cour des Comptes) : « Le produit de la quasi-totalité des lignes de recettes augmente à l’exception de la TVA qui fait l’objet de transferts d’ampleur inédite : à partir de 2021, près de la moitié de la TVA nette est transférée à d’autres administrations publiques que l’État (54 Md€ à la sécurité sociale et 37 Md€ aux collectivités locales) et cette taxe ne représente en 2021 plus qu’un tiers des recettes de l’État »
Autrement dit, la TVA collectée s’élève à 190 mds en 2021 (source Insee), mais, phénomène concomitant de l'arrivée de l'actuel gouvernement, elle est distribuée avant d’arriver dans le budget de l’État au bénéfice des :
- organismes sociaux pour compenser les baisses de charges sociales votées au parlement dont le CICE qui n’a pas disparu du budget de l’État ; certes, il ne figure plus en dépenses, mais en recettes de TVA en moins.
- collectivités territoriales : baisse des impôts locaux
Cet énorme "détournement" de la TVA réduit les ressources du budget. Forcément les services publics trinquent. Ce n'est pas leur coût qui est en cause, mais seulement la stratégie du gouvernement à LONG TERME qui estime sans doute, à l'instar de son champion que "ça coûte un pognon fou". De moins en moins de financement pour les services publics, c'est le choix de les asphyxier.
On sait que les allègements de charges sociales ne sont pas ciblés sur les PME françaises, et qu'ils alimentent les bénéfices des groupes mondiaux qui versent des dividendes colossaux à leurs actionnaires. On voit que le gouvernement baisse les recettes du budget de l'État pour financer les groupes mondiaux.
Les gouvernants de droite successifs, y compris celui de Hollande, ont pris leur temps pour organiser la défaisance du service public ! Or ils n’ont pas fini.
Dans un prochain billet, on se demandera qui sont les gagnants de cette stratégie.