Richard Caisse (avatar)

Richard Caisse

Roi d'Angleterre, même si la situation ne restera probablement pas longtemps en l'état, car ce fourbe de Richmond est déjà à l'oeuvre et je perçois très clairement ses manoeuvres...

Abonné·e de Mediapart

9 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 juillet 2014

Richard Caisse (avatar)

Richard Caisse

Roi d'Angleterre, même si la situation ne restera probablement pas longtemps en l'état, car ce fourbe de Richmond est déjà à l'oeuvre et je perçois très clairement ses manoeuvres...

Abonné·e de Mediapart

OPERA Notre amie, c'est la licence !

Mis en scène par le Britannique Simon McBurney, l’opéra de Mozart La Flûte enchantée a donné à entendre, hier soir à Aix-en-Provence, un message de liberté et de tolérance, particulièrement bienvenu en des temps un peu rudes.

Richard Caisse (avatar)

Richard Caisse

Roi d'Angleterre, même si la situation ne restera probablement pas longtemps en l'état, car ce fourbe de Richmond est déjà à l'oeuvre et je perçois très clairement ses manoeuvres...

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Une société plus acceptable où travail et art auraient leur juste part.

Un brin provocateur, le ministre et l’Economie et des Finances Michel Sapin assurait hier matin, au dernier jour des 14e rencontres économiques d’Aix-en-Provence : "Notre amie, c’est la finance : la bonne finance !" Un écho au discours du Bourget, prononcé il y a deux ans par François Hollande dans lequel celui qui était alors le candidat socialiste à la présidence de la République assurait : "Mon adversaire, c’est la finance."

Quelques heures plus tard, à deux pas de là, dans le cadre du Grand théâtre de Provence, le metteur en scène britannique Simon McBurney répondait indirectement et en substance à Michel Sapin : "Notre amie, c’est la… licence !" Celle voulue lors de la composition de La Flûte enchantée par Wolfgang Amadeus Mozart et son ultime librettiste Emanuel Schikaneder. Moins la licence des sens (même si…) que celle liée à la liberté de penser, au pouvoir de la création et au respect de l’autre.

Car, dans son dernier opéra, le maître de Salzbourg a souhaité mélanger, comme à plaisir, les styles et les genres. Eléments venus de l’opéra-bouffe, de l’opera seria et bien sûr du singspeil, mais aussi farce, récit fantastique ou encore conte philosophique. Du coup, les personnages y apparaissent dotés de multiples facettes et porteurs de significations multiples, parfois même contradictoires.

Une incohérence revendiquée

Ainsi la Reine de la Nuit, pleine d’amour pour sa fille Pamina en vient-elle pourtant à exercer sur elle un curieux chantage pour la contraindre à tuer Sarastro. Quant à celui-ci, il étonne au moins autant, en étant capable de ravir des jeunes filles et de faire bastonner cruellement son serviteur Monostatos, tout en plaidant en faveur de l’égalité des hommes au nom d’un idéal humanitaire. Le tout sans oublier de se faire servir par des esclaves. Enfin, l’union du couple Tamino et Pamina est tissée d’aller-retour continuels, de rendez-vous ratés et de malentendus frustrants.

Il y a dans cette démarche, ce jeu avec le spectateur, cette volonté d’aller là où l’on sait ne pas être attendu, comme une incohérence revendiquée. Elle est joliment exploitée par Simon McBurney dans sa mise en scène au moyen d’une débauche de trouvailles techniques, mais aussi scéniques. Notamment dans sa volonté d’impliquer très étroitement l’orchestre dont certains musiciens se retrouvent même sur le plateau, véritables parties prenantes de l’action qui s’y déroule.

Pour autant, ce dérèglement mozartien et ces contre-pieds incessants ne sont pas une spécificité propre à La Flûte enchantée. Ainsi, un an plus tôt, le compositeur et son librettiste Lorenzo Da Ponte avaient-ils imaginé, à l’occasion de Cosi fan tutte, une trame amoureuse sinueuse et complexe, faite de révélations déplaisantes et douces tout à la fois, mais aussi d’une série d’étonnants dédoublements

S’agissant de la Flûte enchantée, on notera que si la critique fait parfois allusion à La Tempête de Shakespeare, elle oublie souvent de regarder du côté de La Comédie des Erreurs, farce de jeunesse du même dramaturge. Pourtant, là déjà, le jeu sur le dédoublement est à l’œuvre.

Sans doute, les frères Antipholus de Syracuse et Antipholus d’Ephèse, servis par deux frères, Dromio de Syracuse et Dromio d’Ephèse, chez Shakespeare font-ils songer à Papageno cherchant et trouvant finalement sa Papagena. Mais, surtout, ils donnent vie à une pluralité de sentiments et de situations souvent opposés, très semblables à ceux qui sont au cœur de Cosi et de La Flûte.

Sous cet angle, on se souviendra également que La Comédie des Erreurs et ses personnages doubles et ambivalents avaient été adaptés pour l’opéra, cinq ans avant La Flûte, sous le titre de Gli Equivoci. L’auteur ? Stephen Storace, un élève de Mozart. Quant au librettiste de Storace, il s’agissait de Lorenzo Da Ponte. Enfin, la chanteuse principale de Gli Equivoci était la propre sœur de Storace, Nancy Storace, créatrice la même année (1786) du rôle de Suzanne, dans Les Noces de Figaro, opéra de Mozart et Da Ponte.

Bref, on le voit, La Flûte enchantée et son carrousel souvent déconcertant de styles, de genres et de situations résultent de croisements multiples et anciens, mais aussi du sentiment que la liberté de créer ne se soucie guère d’orthodoxie. Vu ainsi, le grand air de Sarastro, In diesen heil’gen Hallen (curieusement peu applaudi hier soir), prend tout son sens. Tolérance et philanthropie y sont décrits comme la voie pour accéder à une société plus acceptable où travail et art auraient leur juste part. Un discours que les intermittents du spectacle, publiquement associés hier par la direction du festival, ne renieraient sans doute pas…

--------

- La Flûte enchantée, opéra de Mozart, mise en scune Simon McBurney, Direction  Pablo Heras Casado, Freiburger Barockorchester, Festival lyrique d’Aix-en-Provence, jusqu’au 23 juillet.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.