Ce n'est pas que les journalistes y soit tellement meilleurs que sur les autres radios quoique mais le fait que la publicité y soit plus discrète m'incite dès le matin à allumer mon poste de radio réglé sur France Inter ou France Info ; lorsque le service public est en grève je suis totalement perdu et j'erre de longueur d'onde en longueur d'onde afin de tenter d'échapper au flot publicitaire et bien sûr c'est peine perdue alors j'éteins.
Ce matin Radio France n'est pas en grève mais j'ai ressenti le même désarroi que lorsque j'entends "à la suite d'une grève nous ne sommes pas en mesure de diffuser les programmes habituels", non, là les journalistes parlaient, s'animaient presque plus que d'habitude, il n'y avait pas de musique en continu signe d'une interruption des programmes mais je ne comprenais pas les mots qu'ils employaient.
Ils parlaient de poteaux, de première mi-temps laborieuse, de pelouse et les noms propres qu'ils évoquaient ne me disaient rien ; Olivier Giroud est-il le fils de Françoise Giroud enfin bref, j'étais aussi perdu qu'un jour de grève sur les ondes de Radio France. Je passais de France Inter à France Culture et là un type expliquait que ne pas avoir envie d'une victoire de l'équipe de France, ne pas participer à l'enthousiasme général serait déplacé ; déplacé ! Mais qu'entend-t-il par là ? Ainsi me voici déplacé, d'un seul coup d'un seul, moi, fidèle auditeur de France Culture me voilà déplacé mais déplacé où ? Qu'ai-je fait de mal, de si terrible, ainsi, puisque je ne me joins pas à la liesse populaire me voilà déplacé on ne sait trop ni où ni comment, on va peut-être m'envoyer en exil, me mettre en quarantaine avec d'autres gâcheurs de fête ! ça me fait peur, l'angoisse m'étreint car je suis un être sociable, civilisé, je veux rester parmi mes semblables, je jure que je vais essayer, faire un effort, apprendre, apprendre vite le langage des supporters et plus jamais je ne trahirai mon espèce, je vais regarder le prochain match, les prochaines compétitions, je ne veux pas être écarté et même je veux bien acheter un maillot des bleus pour rester un être humain et ne pas être rejeté comme un corps étranger, comme une mauvaise greffe mal assimilée par l'organisme.
Je me suis réveillé en sueur. Putain de cauchemar, je me suis réveillé juste au moment où onze colosses en maillot bleu, un coq imprimé sur le poitrail allaient m'évacuer avec brutalité de ma maison, ils parlaient avec rugosité de m'envoyer dans un endroit où on saurait m'apprendre la bonne manière de tirer un penalty.