Mise à jour, 18 : 17 : c'est avec une certaine inélégance que j'ai souligné hier les coquilles du texte de Monsieur Bertrand dans sa première version. Un blog reste un blog… et je ne suis moi-même pas un modèle de perfection orthographique, ce blog sur Médiapart en témoigne. Sans doute aura-t-il lu mon billet ce matin : il a corrigé son article et mentionné le lien manquant vers le site de Jean-Paul Bouisse. J'ai donc corrigé aussi mon texte. Je me rend compte que son ommission n'était pas volontaire, et je lui présente mes excuses d'avoir douté de son sens de la déontologie. D'autre part son billet d'aujourd'hui qui rend compte de la semaine écoulée au tribunal est d'une objectivité à laquelle je n'ai rien à redire. Du bon boulot de professionnel. Qu'il en soit remercié.
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Olivier Bertrand, correspondant à Marseille pour Libération, suit en ce moment un procès de détournement de fonds publics, qui n'aurait sans doute pas la même audience si la députée des quartiers nord de Marseille, Sylvie Andrieux, n'était pas sur le banc des accusés.
Il publie aujourd'hui une note sur son blog qui soulève de nombreuses questions, toutes intéressantes et on ne peut plus actuelles.
Le premier point qu'il évoque, c'est le site ouvert par Jean-Paul Bouisse, le mari de Sylvie Andrieux, dans le but de "défendre l'honneur de son épouse". Et cela ne semble pas du goût du journaliste, je cite :
il "propose en parallèle une autre lecture de l'instruction, quelques portraits des acteurs d'une objectivité très relative des acteurs, et une rubrique pour suivre "le procès au jour le jour". Comment le mari fait-il pour raconter la journée - en retenant exclusivement ce qui semble exonérer sa femme ? En reprenant de façon très partielle quelques tweets de journalistes présents à l'audience". (…) "Mais sur le site de l'époux, les twitts figeaient dans le marbre des déclarations qui semblaient soudain construire une vérité. Une évolution linéaire, favorable à sa femme."
Ainsi, dans l'esprit de monsieur Bertrand, le fait qu'un accusé soit secondé par un "avocat médiatique" n'est pas très heureux. Dans son esprit, peut-être, seuls les journalistes acrédités peuvent informer le public, avec toute la déontologie et l'impartialité qu'exige leur profession. En d'autres termes, l'accusé n'a pas le droit d'avoir d'avocats de la défense en dehors des tribunaux.
Pourtant, si on se réfère au traitement médiatique "officiel", celui des journalistes, on se dit que le compte n'y est pas… L'accusée semble "présumée coupable" selon certains articles de journaux à fort tirage. Bien sûr, ce n'est pas exprimé tel quel… mais l'art du titre permet de donner un ton au papier, le choix de certaines citations de témoins à charge (et seulement de témoins à charge), produit une image presque subliminale de culpabilité. J'avais abordé ce sujet ici même il y a quelques jours.
C'est devant cette opération de préparation du terrain médiatique manifestement orienté (il y a des témoins à décharge qui ne sont jamais évoqués), que Jean-Paul Bouisse a décidé, avec l'aide de "communicants" d'organiser une riposte médiatique.
Visiblement, les témoins à charge cités dans cette presse, trop partiale, et leurs déclarations ont été fournis par la partie adverse. Pas besoin d'être un professeur à Science Po pour reconnaitre les mêmes témoins et les même citations qui sont au cœur du réquisitoire de l'avocat de la partie civile. Pire encore : le communicant attitré de l'accusée, sérieux et renommé, se voit refuser des entretiens, ne peut pas exprimer ses arguments auprès de certains journalistes, lorsqu'il les croise dans les couloirs du tribunal. Pour finir, certains compte-rendus d'audience font silence sur des déclarations favorables à madame Andrieux.
N'est-il pas normal que Sylvie Andrieux organise alors une riposte, sur le même terrain, celui de la communication ?
C'est le premier point important. Tout accusé a-t-il le droit d'avoir un avocat, même en dehors du tribunal ? Je laisse ouverte la réflexion…
Le deuxième point soulevé par monsieur Bertrand est tout aussi intéressant : l'utilisation de Twitter.
Twitter est un réseau social public. Les utilisateurs de ce réseau s'attendent donc à être lus, sinon pourquoi délivreraient-ils une information ? Dans ces conditions, pourquoi monsieur Bouisse ne pourrait pas utiliser cette source d'information, puisqu'elle est émise par des journalistes accrédités, donc "forcément" objectifs et crédibles ?
En effet, les journalistes n'hésitent pas eux-même à utiliser les tweets pour illustrer leur propos. Allez lire l'article de Louise Fessard sur le procès Andrieux, vous y trouverez un de mes tweets. Elle ne m'a pas demandé l'autorisation, et elle n'avait pas à le faire : j'ai tweeté publiquement. Elle sort aussi le tweet de son contexte de discussion, sans publier les tweets suivants qui justifient le premier, comme ce qu'on reproche à Jean-Paul Bouisse.
Monsieur Bertrand fera-t-il un billet pour critiquer sa consœur ? J'en doute. J'imagine qu'il y a là un certain corporatisme, qui permet à un journaliste d'utiliser des procédés qu'on réprouve chez le citoyen lambda.
Les détenteurs de la carte de presse se parent facilement des vertus qu'elle est censée représenter : déontologie, éthique, tout ce qui fait l'honneur d'une profession nécessaire à une démocratie.
Mais ce serait aller un peu loin que de croire que ceux qui ne possèdent pas cette jolie carte sont forcément exempts de ces qualités morales.
Je conseille à ceux qui seraient curieux de lire la défense d'une "présumée coupable" de consulter ce lien :
http://www.comprendrelaffairesylvieandrieux.fr/
Ils y trouveront des arguments et des points de vue qui n'existent dans aucuns journaux, basés sur des faits incontestables : les dépositions faites dans le cadre de l'instruction, qu'utilisent les avocats pour construire leur défense. Bien entendu, le ton est subjectif : c'est un outil de défense. Mais le réquisitoire d'un procureur n'a-t-il pas lui aussi une certaine subjectivité, celle d'une enquête "à charge" ?