Partout, l'appauvrissement grandit dans notre monde occidental.
Bien sûr chacun pense à son compte en banque. Enfin quand je dis chacun, cela ne concerne pas la nouvelle élite. C'est le propre de notre société moderne, plus de pauvres, moins de riches, mais des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres.
Ceci est relatif. Les pauvres d'aujourd'hui sont certainement moins pauvres que ceux du passé, mais le sentiment de pauvreté est sûrement plus grand. La société de consommation fait que l'absence de bien se fait plus cruel, plus oppressant.
Chaque jour, le message est répété, matraqué, imposé : il faut posséder, toujours plus de biens inutiles, habits, gadgets, voitures toujours nouvelles, télévisions toujours plus plates, téléphones toujours plus petits et puissants... Posséder, pour égaler le voisin, le dépasser, c'est le but ultime. Une plus belle maison, une automobile plus chère, un costume plus beau.
Cette folie de la consommation effrénée est le moteur de l'économie, à laquelle on consacre toute son énergie. Cette course insensée génère d'innombrables frustrations : on se suicide à son travail parce qu'il est la clé de ce culte absurde du paraître.
Les femmes sont lobotomisées, contraintes à un rôle de potiche soumises à la dictature de l'apparence tout en ayant l'illusion de gagner une place de choix en pouvant participer à cette course à la réussite.
Ceux qui réussissent à assurer ce fameux train de vie, le font au détriment de leur intellect. Appauvrissement toujours, appauvrissement des idées, de l'humanisme, du cœur. Semblables à la plèbe antique, on leur impose des jeux du cirque dans lesquels ils plongent comme on leur recommande de le faire. Leur nouveaux héros sont des multimillionnaires auxquels les plus pauvres vouent des cultes qui absorbent tout leur esprit, rejetant dans les ténèbres les autres considérations, les idées de démocratie et de politique, l'altruisme ou la fraternité. Les stars du ballon rond ou de la chansonnette, du spectacle, sont les idoles modernes d'un peuple décérébré.
Appauvrissement du tissu économique aussi : les sociétés se rachètent les unes les autres pour se concentrer dans quelques mains, toujours plus puissantes.
Appauvrissement enfin de l'égalité des chances républicaine, quand le nom prime sur la compétence, avec ces nouvelles dynasties semblables à une nouvelle noblesse. Les fils des capitaines d'industries succèdent à leur père, les enfants des rares artistes privilégiés reprennent la place de leur géniteur, une nouvelle caste se met en place.
Dans cette compétition sans merci, les laissés pour compte n'ont qu'à mourir, une mort sociale cruelle qui précède la vraie mort. Celui qui a encore conscience de l'absurdité de ce monde est rejeté comme un fou, et sa lucidité est assimilée à une pathologie qu'il faut soigner à coup de pilules calmantes.
la quête de la richesse matérielle comme but ultime est ainsi l'appauvrissement suprême, et comme le disait si justement Alexis de Tocqueville :
“ Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes (…) ”