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Billet de blog 14 mars 2011

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Comment débattre de l'Islam ?

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Averroes

Si le débat sur l'Islam voulu par Nicolas Sarkozy peut donner la parole aux réformateurs, apporter une vision apaisée de cette religion… pourquoi pas. Mais il y a fort à parier que ce n'est pas le but recherché, et que le moment choisi pour lancer cette réflexion a une visée électorale. L'Islam doit faire peur… pour provoquer un nouveau 21 avril, selon Dominique Albertini, sur Slate.

Pourtant, donner une tribune aux réformateurs de l'Islam, s'intéresser à leurs paroles, est le meilleur moyen de donner une autre image de cette religion. Matraquée par les médias, l'icône du barbu en turban obscurantiste semble gagner dans l'inconscient collectif. Mais la majorité des musulmans pourrait bien être plus proche des penseurs décrits ci dessous, invisible et paisibe, donc absente de la farique d'image qui alimente notre subconscient. Les révoltés d'Afrique du Nord pourraient bien être inspirés des idées des réformateurs, peut être plus que de celles des Frères musulmans. Donnons donc une large audience aux réformateurs.

Les islamistes et autres obscurantistes ont toujours été nos références, et l'occident les a soutenu pour contrer le socialisme. Ils sont les meilleurs alliés de la droite la plus dure.Changeons de référence !

Ce billet est une réédition. Depuis août 2007 je n'en change pas une ligne :

Le changement prend du temps, explique Gamal Al-Banna quand on lui demande s'il est optimiste pour l'avenir de l'Islam. Il dit aussi :" Le Coran est liberté. Les foqahas (docteurs en droit) ont fabriqué des interprétations et des hadiths qui contredisent le Coran. On n'a pas besoin du fiqh (avis juridique), ni des hadiths. Il faut retourner au Coran".

Autant vous le dire tout de suite, tous les musulmans pratiquants que je connais considèrent les hadiths aussi sacrés que le Coran lui-même. Les hadiths sont les paroles et les actions attribuées au prophète Mohammed, ce n'est donc pas la parole divine (en dehors de quelques hadiths « sacrés » qui sont considérés comme les paroles de Dieu adressées directement au prophète Mohammed et rapporté par lui). Ces hadiths forment la sunna d'où le nom d'islam sunnite pour le courant orthodoxe. Les hadiths ont été rapportés dans divers recueils (véridiques ou non) par des musulmans fidèles, mais toujours au minimum deux siècles après la mort du prophète Muhammad. Certains auteurs en ont recensé plus de 700 000, les plus récents étant ceux rapportés par l'ayatollah Khomeiny au cours des années 1980 ! Beaucoup de ces citations étant suspectes, leur crédit est proportionnel au prestige accordé à ceux qui les ont rapportées. Cette chaîne des témoins est appelée isnad. Ces différents recueils alimentent l'opposition entre chiites et sunnites en particulier.

"Ces paroles, même si elles faisaient sens à leur époque, ont mille ans et on ne peut pas les appliquer aujourd'hui" ajoute Gamal Al-Banna. Ce vieux monsieur égyptien de 86 ans prêche pour une révolution de l'islam. Petit frère d'Hassan Al-Banna, le fondateur des frères musulmans, il semble bien placé pour prendre position dans un débat qui agite le monde musulman.

Il n'est qu'un des nombreux intellectuels musulmans qui réagissent à l'obscurantisme islamique responsable des tensions meurtrières qui agitent le monde et opposent des civilisations qui ne devraient que s'enrichir mutuellement. Il y a presque mille ans Averroes (Abu'l-Walid Muhammad ibn Rushd ) eut à subir lui aussi l'opposition des conservateurs qui le traitèrent d'hérétique et brûlèrent ses livres, parce qu'il se référait à Aristote et adoptait une position moderne. L'histoire n'est pas nouvelle. Elle se répète dans toutes les religions qui par essence refusent le changement et la modernité.

Les conservateurs qui inspirent les pires exactions sont nombreux, et leur goût du sang et de la violence leur donne une trop large audience. Tout le monde connaît Al Qaeda, organisation criminelle mal inspirée, mais qui connait Abdou Filali-Ansary le marocain, Nasr Hamid Abu Zayd l'egyptien, Soheib Bencheikh l'algérien, Burhan Ghalioun le syrien, ces hommes qui veulent un islam moderne débarrassé de la violence et de la haine ?

Le temps du changement est venu, le temps de la concorde entre les hommes, le temps de la paix. Ce que défendent ces penseurs modernes, c'est d'abord une réflexion sur la nature et le statut des textes religieux. Il s'agit de relire les textes sacrés pour sortir d'une interprétation littérale : respecter l'esprit du Coran, non la lettre.

"Le croyant est celui qui, avec beaucoup de modestie, avoue qu'il ne peut pas connaître la vérité parce que seul Dieu la possède. Il a donc une conception de la vérité, mais qu'il ne cherche pas à imposer. Le Coran est très net là dessus : pas de contrainte en religion" explique Mohamed Talbi, ancien doyen de l'université de Tunis.

Merci à Nadia Khouri-Dagher, reporter Egyptienne d'origine libanaise, pour l'excellent article paru dans Le Monde 2 n° 173 du 9 juin 2007, dont cette modeste note est largement inspirée.

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