La maladie est considérée comme anormale, pourtant il n'y a rien de plus naturel que d'être malade de temps à autre, en particulier chez nos petits enfants qui doivent affronter régulièrement des poussées de fièvre, au grand désarroi de leurs parents.
Aussi étonnant que cela puisse paraitre, il faut laisser les enfants avoir de la fièvre et tousser. La fièvre (température supérieure ou égale à 38,5°C) est une réaction de défense de l’organisme face à une infection. Selon l’AFSSAPS, la recherche de l’apyrexie (absence de fièvre) n’est pas recommandée, sauf cas très particuliers, car elle est susceptible de prolonger la durée de la pathologie. Prescrire un antipyrétique est donc plus un geste de confort, mais n'est pas un acte thérapeutique à proprement parler.
Laisser l'organisme d'un enfant jouer son rôle en produisant des anticorps (la fièvre a cette utilité) est donc un service à lui rendre. De plus, de nombreuses pathologies infantiles sont dues à des virus (l'antibiothérapie est donc totalement inutile). La sagesse serait d'attendre 2 ou 3 jours avant de consulter. Souvent, aucun traitement n’est nécessaire, l’enfant guérissant seul grâce à la mise en place en moins d’une semaine de ses défenses immunitaires.
Bien entendu, un médecin qui ne fournirait pas une ordonnance chargée (et remboursée) perdrait sa clientèle (il faut relire Knock, ou le revoir dans la magnifique interprétation de Louis Jouvet, ci-dessus). Les patients sont les premiers demandeurs de médicaments, réels ou non, et les médecins ont tout intérêt à leur fournir. Les laboratoires ne font que répondre à cette demande.
Ainsi, il est reconnu qu'il y a une surconsommation effrénée de médicaments en France, souvent prescrits sans raison valable (par personne, les Français consomment 6 fois plus de médicaments que les Pays-Bas : aux Pays-Bas, sur 10 sortant d'une consultation, 6 personnes n'ont pas d'ordonnance avec prescription de médicaments, alors que le taux est de 0,25 sur 10 en France).
Si ceux-ci n'étaient pas systématiquement remboursés, leur consommation baisserait certainement, sans que la santé publique n'en souffre particulièrement. Il serait intéressant de chiffrer le coût de ces abus. Réduire le nombre des remboursements de médicaments en les réservant aux cas vraiment nécessaires serait une mesure salutaire pour tous (ceux qui payent l'Urssaf savent-ils qu'ils financent 2,5 milliards de boîtes de médicaments par an ?).
Bien entendu, ce point de vue peut sembler cynique, mais quand on sait que les Français ont dépensé chaque jour 59,1 millions d'euros en 2010 (!) dans les jeux d'argent (loto, PMU, etc.) on est en droit de penser que la solidarité nécessaire à notre société pourrait s'exercer de façon plus judicieuse, et que pour leur confort, nos compatriotes pourraient mettre de temps à autre la main à la poche, comme ils le font pour jouer.
De plus, en ingérant moins de médicaments ils ne s'en porteraient pas plus mal (128 000 hospitalisations et 8 000 décès annuels du seul fait de mauvaises interactions médicamenteuses), et notre société toute entière en retirerait des avantages. Faut-il revenir sur l'épisode du Médiator, un exemple parmi tant d'autres ?
Si certains veulent recourir à l'homéopathie, grand bien leur fasse, mais exiger son remboursement… n'est-ce pas une revendication abusive ?
L'effet placebo est reconnu scientifiquement comme efficace, mais les études démontrent que plus le placebo est cher, plus il est efficace (on pourrait mettre en parallèle la psychanalyse et le coût de sa consultation, payable en liquide si possible, comme un élément de la thérapie). Les croyants sont convaincus de l'efficacité de l'eau bénite de Lourdes, et cette conviction est le vecteur de son efficacité. Faut-il aussi rembourser les voyages à Lourdes ?
Au final, dans cette gabegie, ce ne sont pas les citoyens qui sont gagnants, ni la médecine, mais seulement l'industrie pharmaceutique.