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Billet de blog 29 avril 2009

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Les géographes

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Les géographes... Associés des explorateurs et des conquérants, colonisateurs ou évangélistes...

Celui de Vermeer est grave et sérieux, c'est un protestant, un marchand et un explorateur qui cherche peut-être la route des épices d'extrême orient. Sa carte est une lumière de connaissance partielle qui éclaire son visage et le tissu froissé qui en masque une partie est un inconnu qui suggère les dangers de l'exploration. Bien au dessus de lui, le monde le domine, sur une armoire.

Celui de Velásquez est jovial et fier, c'est un catholique, un conquistador qui exploite déjà l'Eldorado, et dont la main domine un monde qu'il est en train d'asservir, qui va se plier à sa volonté.

Ces deux images représentent deux conceptions de l'espace géographique, deux pulsions humaines. Le colon représenté par Velásquez s'est allié aux militaires et aux politiques et a dominé le monde. Il le domine encore.
Avec ses cartes l'européen a découpé l'espace de façon arbitraire. Au début du vingtième siècle il a redessiné l'Europe et l'Orient, faisant naître des pays (Liban, Palestine, Irak, etc.) et oubliant d'en faire d'autres (Kurdistan par exemple), séparant des cultures et des peuples par des frontières dictées par la diplomatie et le business dans cette grande frénésie coloniale chère à Jules Ferry et qu'a combattue Clemenceaux.

Elisée Reclus le plus moderne des méconnus

Elisée Reclus, anarchiste de génie, est le père d'une nouvelle école géographique. Cet homme avait le mérite du géographe de Vermeer qui défie l'inconnu, et ses nouveaux terrains d'exploration étaient sociaux et économiques, alors que les contours du monde avaient été maitrisés, en cette fin de XIXe siècle conquérant et dominateur.
La pertinence de son approche et de ses analyses apparait sur des sujets brûlants d’actualité : justice sociale, conflits, migrations, métissage... A la différence de nombre de ses collègues de l’époque, qui pratiquent une géographie « énumérative » fort ennuyeuse, Reclus développe dans son œuvre monumentale, une analyse globale décryptant les dynamiques et les interactions.

Précurseur du mouvement anarchiste, végétarien, adepte du naturisme et de l'union libre, à la fois sensuel et intellectuel des plus brillants, Reclus est un génial visionnaire, un autre Jules Verne, dont les préoccupations qui n'étaient pas de son temps se révèlent centrales aujourd'hui.

Si les diplomates qui découpèrent le monde une quinzaine d'année après sa mort s'étaient inspirés de sa pensée, nos guerres modernes seraient-elles si sanglantes ?

Si la vision de Vermeer avait remplacé la vision de Velásquez ?

Du Congo au Rwanda, de l'Irak au Pakistan, dans le Caucase, toutes ces guerres qui sont les conséquences des traits de règles des géographes qui ne voyaient qu'un monde en 2 dimensions, sont-elles inévitables ?

L'exemple pakistanais

Le cas du Pakistan est exemplaire : pays totalement artificiel né en 1947, étrangeté d'une décolonisation difficile. Le Pakistan avait un jumeau qui est devenu Bengladesh et misérable dans les marais du delta du Gange. Le Pakistan a certes adopté les manières britaniques pour contrôler un territoire hétéroclite, ethniquement divisé mais qui ne doit sa raison d'être que dans la religion musulmane.

• Les Pachtounes se divisent entre l'Afghanistan et l'ouest pakistanais, et sont un peuple de nomade guerriers depuis la nuit de temps. C'est en majorité parmi eux que se recrutent les insurgés appelés par convention Taliban. La religion, qui est fondatrice du pays, semble être son point le plus instable. Présents aussi dans la province du baloutchistan, ils se concentrent dans les zones tribales autonomes autour de la Khyber Pass, porte de l'Afghanistan et la zone du nord-ouest.

• Les Baloutches occupent le sud du Pays, sont les éleveurs nomades eux aussi, et sont aussi disséminés de l'Iran à l'afghanistan. Ce peuple vivait au XVIIIe siècle dans un Royaume uni et autonome, le Royaume de Kalat. Peu nombreux, ils vivent sur un grand territoire désertique mais riche en hydrocarbures. La pauvreté entretenue par le pouvoir central (voir la carte illustrant les différences de prix d'achat du gaz par province) a fait aussi apparaître une guerilla rebelle indépendantiste.

• Les Penjabi représentent la moitié de la population et sont massés à l'est. Ils sont proches des indiens, et leur langue, l'ourdou, s'est imposée à tout le pays (l'ourdou est semblable à l'hindi, mais écrit en caractère arabes).

• Au sud-est la deuxieme ethnie du pays est Sindhi dont la famille Bhutto est originaire.

• Au nord, le territoire du Cachemire, montagneux et peu peuplé, est en proie à une guerilla indépendantiste soutenue par l'Inde depuis plus de cinquante ans.

• Entre Cachemire et Afghanistan c'est le pays des Kalash (eux mêmes assimilés aux Nouristani Afghans) un peuple minoritaire que certains (dont J. Kessel) disent descendre des armées hellènes d'Alexandre le Grand (fondateur du Kandahar afghan) et un des derniers (plus ou moins) convertis à l'Islam à la fin du XIXe siècle. Les kalashs ont souvent les yeux verts et les cheveux clairs.

Belle mosaïque de peuples particulièrement instable, qui possède l'arme atomique et dont la moitié du territoire est en guerre, avec pour seul facteur d'unité l'Islam, dont se réclament les extrémistes qui représentent en même temps un des plus dangereux mouvement terroriste.

Qu'en aurait pensé Elisée Reclus ?

Un article du Rimbusblog

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