Le 2 juillet 2024, s’ouvrira le 17ème congrès de l’Association française de science politique dans les murs de l'Institut d'Études Politiques de Grenoble (Sciences Po Grenoble - UGA). Ce congrès, qui constitue un moment important de la recherche francophone en sciences sociales, sera aussi une vitrine pour Sciences Po Grenoble. Nous souhaitons de ce fait exprimer notre vive inquiétude quant à la situation actuelle de cet établissement, dans lequel une plainte a été déposée contre trois élu·e·s au Comité social d'administration (CSA). Au moment même où se tiendra le congrès, ils·elles sont convoqué·es au commissariat pour répondre de leur action en tant que représentant·es du personnel, sans bénéficier de la protection fonctionnelle, qui leur a été refusée par leur établissement.
Ces collègues avaient déjà été visé·e·s par une procédure d'enquête interne particulièrement opaque, puisqu'ils·elles n'ont jamais été informé·e·s ni auditionné·e·s. Le manque de transparence et l'absence de respect du contradictoire avaient suscité une forte réprobation au sein du personnel de l'établissement, choqué par ce qui constitue une atteinte manifeste à l'exercice de la fonction de représentant·es du personnel. Ces procédures, qui font suite à d'autres ayant visé des enseignant·e·s et des étudiant·e·s de manière arbitraire depuis 2021, mais aussi à une gestion répressive des mouvements sociaux étudiants récents, et à un projet d'externalisation des personnels de ménage mené de manière expéditive et contre l'avis exprimé par la communauté académique de l'établissement, posent question.
L’externalisation du service d’entretien apparaît comme une première étape dans l’exclusion des agents au plus bas de l’échelle (catégorie C). Cette logique laisse craindre que d'autres services puissent être concernés par la suite. Alors que Sciences Po Grenoble claironne son slogan « d’ouverture aux mondes », la pratique de sa direction témoigne surtout d'une exclusion des classes populaires. La souffrance au travail atteint en outre des proportions tout à fait préoccupantes. En l'espace de six mois, en 2022, 19 agent·e·s (tous services et toutes catégories) ont quitté l’établissement, souvent à la suite d’arrêts de travail et en témoignant de fortes pressions hiérarchiques. Selon un sondage mené par les élu·e·s au CSA fin 2023, 25% des membres du personnel ont été placés en arrêt maladie pour raisons professionnelles ces deux dernières années, 73% indiquent avoir été témoins de situations de tension liées au travail, et plus de la moitié estiment que la parole n’est pas libre dans l’établissement.
Loin d’être une situation isolée, Sciences Po Grenoble offre une représentation paroxystique des dérives d’une logique gestionnaire et autoritaire appliquée à l’enseignement supérieur. L’université est aujourd’hui malade de laisser prospérer une brutalité managériale qui brise et conduit au burn out les personnels administratifs comme les enseignant·e·s-chercheurs·ses, tout en excluant certaines professions considérées comme "périphériques" (nettoyage, manutention…). Les poursuites engagées contre nos trois collègues constituent finalement des procédures-bâillons, contre des élu·e·s qui ont assuré leur travail de représentant·e·s du personnel, en alertant sur des situations de souffrance au sein de l'établissement et en s'opposant à la précarisation du personnel. Nous exprimons donc notre crainte que le congrès de l'AFSP puisse apparaître comme un soutien à la politique menée par la direction de l'IEP de Grenoble et demandons à celle-ci de prendre position sur les poursuites engagées contre nos collègues.
Signataires
Gwenola Le Naour, Sciences Po Lyon
Jean Rivière, Nantes Université
Chloé Gaboriaux, Sciences Po Lyon
Fanny Gallot, UPEC
Isabelle Garcin-Marrou, Sciences Po Lyon
Vincent Gay, Université Paris Cité
Sophie Béroud, Université Lyon 2
Julien Louis, Université Lyon 2
Sylvie Tissot, Université Paris 8
Pierre Gilbert, Université Paris 8
Élie Guéraut, Université Clermont Auvergne
Camille Al Dabaghy, Université Paris 8
Médéric Martin-Mazé, Université Paris 8
Stéphane Cadiou, Université Lyon 2
Max Rousseau, CIRAD
Pierre Rouxel, Université Rennes 2
Julien O’Miel, Université de Lille
Clémentine Gozlan, Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines
Doris Buu-Sao, Université de Lille
Virginie Dutoya, CNRS, EHESS
Anne Verjus, CNRS
Grégory Salle, CNRS
Jean-Baptiste Comby, Nantes Université
Christophe Bonneuil, CNRS
Jérôme Lamy, CNRS
Alizée Delpierre, CNRS
Emmanuel Martinais, ENTPE
Paula Cossart, Université de Lille
Eric Soriano, Université Paul Valéry-Montpellier
Clément Barbier, Université Polytechnique des Hauts-de-France à Valenciennes
Thomas Alam, Université de Lille
Christophe Le Digol, Université Paris Nanterre
Julien Talpin, CNRS, Université de Lille
Arnaud Saint-Martin, CNRS
Guillaume Mouralis, CNRS
Isabelle Bruno, Université de Lille
Adèle Momméja, CNRS
Frédérique Matonti, Université Paris 1
François Buton, CNRS
Gaëlle Ronsin, Université Franche-Comté
Fabien Desage, Université de Lille
Claire Lemercier, CNRS
Cédric Passard, Sciences Po Lille
Julie Gervais, Université Paris 1
Olivier Grojean, Université Paris 1
Eric Fassin, Université Paris 8
Loïc Le Pape, Université Paris 1
Jérôme Tournadre, CNRS
Flora Bajard, CNRS
Delphine Pouchain, IEP de Lille
Cecile Leconte, IEP de Lille
Karel Yon, CNRS, Université Paris Nanterre
Boris Gobille, ENS de Lyon
Emilien Julliard, CNRS, Université Paris Nanterre
Anne Marchand, Université Sorbonne Paris Nord
Maud Simonet, CNRS, Université Paris Nanterre
Guillaume Gourgues, Université Lyon 2
Samuel Hayat, CNRS, Sciences Po Paris
Valentin Behr, CNRS
Christèle Lagier, Avignon université
Magali Dreyfus, CNRS
Pascal Bonnard, Université Jean Monnet de St-Étienne
Jessica Sainty, Avignon université
Fanny Vincent, Université Jean Monnet Saint-Etienne
Elise Julien, Sciences Po Lille
Jeanne Toutous, Université Paris Nanterre
Pierre-Yves Baudot, Université Paris-Dauphine
Catherine Achin, Université Paris Dauphine
Ouassim Hamzaoui, Avignon Université
Fanny Bugnon, Université Rennes 2
Leny Patinaux, Université de Limoges
Céline Pessis, AgroParisTech
Sara Aguiton, CNRS
Valérie Rolle, Nantes Université
Cécile Jouhanneau, Université Paul Valéry Montpellier
Pierre-André Juven, CNRS
Renaud Epstein, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Laurent Jeanpierre, Université Paris 1
Béatrice Maurines, Université Lyon 2
Sidonie Verhaeghe, Université de Lille
Christelle Gramaglia, INRAE Montpellier
Christelle Morel Journel, Université de Saint-Etienne
Emilie Lanciano, Université Lumière Lyon 2
Thomas Boccon-Gibod, Université Grenoble Alpes
Florian Charvolin, CNRS Centre Max Weber
Pauline Delage, CNRS
Julien Barroche, Sciences Po Lyon
Emmanuel Taïeb, Sciences Po Lyon
Vincent-Arnaud Chappe, CNRS
Frédéric Nicolas, Université Paul Valéry Montpellier
Vianney Schlegel, Université de Lille
Anaik Purenne, Université de Lyon
Christian Le Bart, Sciences Po Rennes
Sarah Mazouz, CNRS
Laurence Proteau. Université d'Amiens
Renaud Hourcade, CNRS
Della Sudda Magali, CNRS CED
Tonya Tartour, Sciences Po Bordeaux
Emmanuelle Reungoat, Université de Montpellier
Eve Meuret-Campfort, CNRS