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Billet de blog 27 juin 2022

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Sur la situation internationale

Une synthèse sur l'évolution internationale présentée en débat

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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Alexandrie années 50 © Perso

Première partie : La montée des pays émergents

La Chine bientôt première puissance économique

En 2006 la France reculait de la 5ème à la 6ème position, en terme de PIB, au profit de la Chine. En 2017 c’était au tour de l’Inde qui, doublant son PIB en dix ans, passait devant la France rétrogradée au 7ème rang. Diverses études prévoyaient les évolutions à venir en 2030 ou 2050. Toutes convergeaient sur ce fait : la montée des pays émergents est une tendance de fond.

Selon plusieurs projections de cabinets d’audits et d’institutions économico-financières, en 2050 six pays émergents seraient dans les dix premiers, la France reculant à la 12ème place. Déclin relatif puisque le PIB ne reculerait pas mais croîtrait beaucoup moins vite que celui d’autres pays.

Fait notable, la Chine passerait devant les EU d’ici 2030. A 2050 sept pays émergents représenteraient 50% du PIB mondial contre 20% pour les pays du G7.

La pandémie, survenue depuis ces études, puis la guerre en Ukraine et la guerre économique (sanctions) menée contre la Russie peuvent influer sur les rythmes de ces évolutions, l’accélérant ou le ralentissant, pour tel ou tel pays mais la tendance de fond demeure.

Certes la guerre tarifaire, les boycotts d’entreprises chinoises et le « découplage », illusoire, des économies chinoises et étatsunienne souhaité par Trump puis Biden causent des difficultés à la Chine. Mais l’effet boomerang sur l’économie US et plus généralement occidentale signe déjà leur échec. Nous y reviendrons.

 Ce n’est pas que la Chine

Ce à quoi veulent s’opposer les EU c’est un mouvement de fonds qui s’est affirmé de manière généralisée après la seconde guerre mondiale. Si à la sortie de la seconde guerre mondiale, les EU voulaient le démantèlement des empires coloniaux britannique, français et autres c’était pour qu’il n’y ait pas de chasse gardée ni de marché captif, pour que les matières premières soient à la disposition du plus fort c’est à dire eux. Ce n’était certainement pas pour avoir des pays souverains décolonisés cherchant en premier leur développement.

En 1955 les représentants de pays décolonisés- une trentaine dont Nasser, Nehru, Soekarno, Chou en Lai- se retrouvaient à la Conférence Afro-Asiatique de Bandung, lançant le mouvement des non-alignés, le Tiers Monde, appelant à la décolonisation, contre l’impérialisme, sans volonté de faire adhérer ce mouvement dans un bloc soviétique ou occidental. Cinq principes étaient repris : respect mutuel de l'intégrité territoriale et de la souveraineté ; non-agression ; non-ingérence réciproque dans les affaires intérieures ; égalité et bénéfice mutuel ; coexistence pacifique. Précision : la non-ingérence réciproque des Etats ne signifie pas l’approbation de leur politique intérieure.

Depuis, ce mouvement de libération s’est étendu malgré les interventions impérialistes et leurs appuis locaux, malgré de multiples difficultés parfois colossales, des hauts et des bas, des régressions et des progrès. Mais il a toujours cherché les moyens d’avancer.

La quasi-totalité de ces pays vivent sous des régimes capitalistes ou féodalo-capitaliste. Leur premier adversaire est l’impérialisme. Le capitalisme industriel qui développe un pays n’est pas le capitalisme financier, rentier et parasitaire, propre à l’impérialisme. 

L’invention du droit à l’ingérence

Ces cinq principes adoptés à Bandoung ont été régulièrement niés pour être remplacés par de nouveaux objectifs propagés par des campagnes médiatiques puissantes et durables avec l’appui de pseudos ONG internationales : le droit à l’ingérence, l’exportation de modèle de régime (« démocratique »), le choc de civilisation… Sans oublier les références aux droits de l’homme de la part de pays qui n’arrêtent pas de les violer. Ces objectifs étaient le cheval de Troie permettant aux impérialistes, EU particulièrement, de s’imposer dans les pays du Sud et d’y installer les relais médiatiques et politiques permettant de maintenir leur hégémonie. Et si nécessaire avec un coup d’Etat ou une intervention militaire contre le gouvernement en place, contre des Etats faibles « en construction », toujours au nom du bien contre le mal.

Ces Etats n’admettent pas que tous les pays puissent choisir de manière souveraine leur voie de développement tenant compte de leurs conditions nationales, en considérant que les questions des droits de l'homme soient traitées de manière égale - notamment les droits économiques, sociaux, culturels et particulièrement le droit fondamental au développement.

En fait ils n’admettent pas que les pays du Sud puissent se gouverner par eux-mêmes, il faut les gouverner, leur faire la leçon. Le vieil esprit de suprématie coloniale n’est pas près de mourir.[1]

L’impérialisme hégémonique : les Etats-Unis

Après la chute du mur de Berlin et l’implosion de l’URSS, sortis gagnants de la confrontation, les EU imaginaient construire un monde unipolaire sous domination absolue du représentant du Bien, eux bien sûr, contre toute velléité d’axe du Mal, c’est-à-dire tout pays qui s’oppose à leur autorité. Convaincus que c’était la fin de l’Histoire et que leur hégémonie mondiale durerait jusqu’à la fin des temps avec un camp occidental dominant le monde depuis quelques siècles, ils avaient renforcé leur rôle de gendarme international et les moyens ou relais de leur domination. Par exemple : premier budget militaire dans le monde avec plus de 800 Mds$, plus de 750 bases militaires et l’OTAN, leader d’un bloc occidental qu’il « protège », premier marché dans le monde, contrôle d’instances financières internationales (FMI, Banque Mondiale, SWIFT …) … Par exemple le statut du dollar, monnaie nationale et internationale, n’est pas sans conséquence. La dette publique totale des Etats-Unis était au début des années 2000 de 5 trillions de dollars (milliers de milliards). Elle est aujourd’hui d’environ 30 trillions sans avoir eu de problème. Rien de magique. Comme le disait Alan Greenspan, tant que la dette est libellée en dollars il ne peut y avoir de défaut de paiement puisque les EU peuvent en imprimer autant que nécessaire. Ce qui permet de vivre aux crochets du monde entier. Rentiers et parasitaires. Par exemple encore une réglementation extraterritoriale imposant leurs décisions – boycott de Cuba, Venezuela, Iran … - hors de leur territoire à des entités non-américaines en contradiction avec le droit international[2]. Toutes les entreprises qui ont des liens avec eux, sous quelque forme que ce soit, sont passibles de sanctions[3]. Par exemple de manière extravagante si une entreprise a des courriels qui transitent par des serveurs informatiques aux EU elle est considérée comme liée aux EU. C’est aussi le cas si l’entreprise utilise le dollar dans des transactions « interdites » alors que le dollar est la monnaie internationale aujourd’hui prédominante. C’est une nouvelle forme de prédation. Les entreprises pourraient contester ces mesures mais alors l’accès au marché des EU leur serait fermé, les actionnaires américains devraient retirer leurs capitaux, le système financier EU leur serait interdit etc. L’économie des EU étant la première au monde on mesure les énormes difficultés auxquelles les « contestataires » devraient faire face. Mais réciproquement les EU seraient bien en difficulté de voir se détricoter tous les liens financiers, commerciaux, industriels.

Mais depuis plus d’une décennie ils se trouvent face à une situation nouvelle. S’ils sont encore la première puissance mondiale dans tous les domaines ou presque, leur domination sur le plan économique, socle de leur pouvoir, est fortement bousculée. 

La « concurrence libre et non faussée » : à condition…

Il fallait imposer la libre circulation des capitaux : dorénavant on ne ferait plus appel à la venue de travailleurs dans les métropoles impérialistes , ce sont les capitaux de ces métropoles qui circuleraient dans les « périphéries », de l’une à l’autre, pour mettre en concurrence le monde entier, tous contre tous. La création de l’OMC en 1995 en a été un moment important. Au nom de la concurrence libre et non faussée.

Dans les années 90 émergeait la théorie des entreprises sans usine, la fabrication étant un simple centre de coût est à sous-traiter, la valeur ajoutée gisant dans le marketing et la conception … L’histoire a montré l’inanité de cette théorie.

La désindustrialisation fût la règle pour la plupart des pays développés. C’est ainsi que Trump, entre autres, pour se présenter en défenseur des travailleurs étatsuniens, dénonçait la concurrence déloyale des pays émergents puisque leurs travailleurs ne disposaient pas des mêmes droits sociaux que les pays « avancés ». Pure hypocrisie puisque c’est justement cela qui justifiait le départ de l’industrie.

Pour les EU la « concurrence libre et non faussée » est acceptable si elle leur profite. Ce n’est pas la théorie économique néo-libérale ou autre qui les guide mais leur visée hégémonique. Evidemment, comment pourrait-il en être autrement ? Quand ces pays étaient sous domination coloniale s’étaient-on soucié des droits sociaux des populations ? Les combats pour la « réindustrialisation » s’ils sont menés au nom de la concurrence déloyale des pays du Sud risquent fort de déraper dans le sens de l’affrontement plutôt que de la coopération. 

La création de richesses : de plus en plus dans les pays du Sud

Cependant ce n’est pas l’accumulation de capitaux ni le casino boursier qui créent les richesses mais le labeur des centaines de millions de travailleurs d’ex pays sous-développés, exploités dans l’échange inégal subit au profit des pays impérialistes et qui se mettent en mouvement pour sortir de la misère. Marx avait raison !

Ainsi les pays du Sud, « la périphérie », sont devenus le lieu où se créaient de plus en plus les richesses, leur poids dans l’économie mondiale croissant sans cesse.

Cette surexploitation au profit des grandes multinationales à la recherche des taux de profits les plus élevés a conduit à son contraire : l’accroissement du poids des pays émergents, leur dynamisme propre et le recul relatif des pays du « centre ».

Aujourd’hui les entreprises cherchent à s’implanter dans les pays émergents également pour leurs taux de croissance supérieurs, ils sont devenus des marchés importants, dynamiques, impossibles à ignorer.

Le vieux monde se meurt …

La montée de la Chine comme deuxième puissance économique mondiale, et bientôt première a fait contrepoids à la puissance des EU. D’autres pays ont pu émerger et amorcer le cycle du développement. La place de la Chine et d’autres pays en voie de développement donne des marges de manœuvre supplémentaires.

Ce que les EU mettent en cause c’est le monde qui est en train de s’organiser avec difficulté, malgré des affrontements régionaux, malgré de nombreux problèmes de gouvernance ou de respect des droits humains. Un monde qui ne peut, qui ne pourra, que s’affronter aux volontés d’hégémonie mondiale, économico-financière et militaire, qui confère aux EU un « droit » de pillage et le maintien de la rente impérialiste qu’offre notamment le dollar.

C’est donc un bouleversement considérable des rapports mondiaux qui s’affirme. Bouleversement qui, comme toujours, s’effectue d’une manière plus ou moins chaotique des puissances régionales venant parfois jouer leur jeu, combler un vide de pouvoir ou essayer de renforcer leur situation dans cet espace troublé, incertain. C’est inévitable puisque le bloc occidental sous l'hégémonie US, n'abandonnera pas sa domination gentiment, de son plein gré.

En versant dans l’angélisme on penserait que les pays du G7 pourraient se réjouir et décider de prendre le chemin de la coopération avec les économies émergentes, sur un pied d’égalité, en endossant le multilatéralisme. D’autant que les dirigeants de ces pays adoptent une telle rhétorique. Mais la pratique est autre, on ne change pas l’essence de l’impérialisme même si on peut parfois en infléchir le cours. Il y va de leur capacité à peser dans le monde, chacun dans sa zone d’influence, pour l’accès aux ressources nécessaires et à « sa part du gâteau ». La part du lion revenant aux EU l’impérialisme hégémonique dont le statut est très particulier du fait d’une formidable concentration de pouvoirs dans tous les domaines.

Rappelons Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent des monstres ». Les monstres ne seront pas évités mais peuvent avoir des effets plus ou moins dévastateurs, la guerre étant le pire.

C’est dans le cadre de ce bouleversement qu’il faut considérer la crise ukrainienne, ses suites et ses conséquences. Comment le sous-estimer ou pire l’ignorer si on veut comprendre l’évolution du monde ? 

Deuxième partie : la fracture du monde 

Les antécédents de la guerre et l’expansion de l’OTAN

Depuis le mois de novembre 2021 des troupes russes étaient positionnées à la frontière de l’Ukraine. Le conflit politique portait sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et l’application des accords de Minsk II portant sur l’autonomie du Donbass, région pro-russe. Malgré de nombreuses rencontres politiques aucun compromis ne se profile alors. L’extension de l’OTAN est voulue par les Etats-Unis qui craignaient que, en l’absence de danger soviétique, l’Europe et la Russie forment un ensemble qui échappe à leur tutelle[4].

Le 24 février la Russie envahissait l’Ukraine. Une invasion condamnable :violations de l’intégrité territoriale d’un pays souverain, bombardements de civils... Plus de 2,5 millions de réfugiés et autant de déplacés au sein de l’Ukraine… Et la nécessité urgente d’un cessez le feu.

Mais la paix ne viendra pas si les problèmes politiques essentiels ne sont pas abordés et en premier lieu celui de l’extension constante de l’OTAN malgré la dissolution de l’URSS et du Pacte de Varsovie. Refusant l’intégration de l’Ukraine dans l’orbite occidentale, elle réclamait l’application des accords de Minsk II concernant le Donbass.

Comme le dit Andreï Makine : « À force de répéter des évidences, on ne propose absolument rien et on en reste à une vision manichéenne qui empêche tout débat et toute compréhension de cette tragédie. On peut dénoncer la décision de Vladimir Poutine, cracher sur la Russie, mais cela ne résoudra rien, n'aidera pas les Ukrainiens. Pour pouvoir arrêter cette guerre, il faut comprendre les antécédents qui l'ont rendue possible. »[5][6]

Très clairement la Russie a fait connaître son refus catégorique de voir les forces de l’alliance atlantique, l’OTAN, à sa frontière et des missiles installés à quelques minutes de vol de Moscou. Il n’est pas difficile de comprendre ce refus russe qui concerne particulièrement l’Ukraine et la Géorgie, il suffit de se rappeler les menaces nucléaires brandies par Kennedy contre l’installation de missiles soviétiques en 1962 à Cuba. Ce qui serait compréhensible pour l’un serait inacceptable pour l’autre ?

Le journal allemand Der Spiegel et d’autres ont confirmé l’existence d’un engagement de Washington et des puissances occidentales, lors de la réunification allemande, à ne pas étendre l’OTAN vers l’Est. Certes ce n’était ni un traité ni un accord en bonne et due forme.

De très nombreuses personnalités aux EU ont depuis longtemps alerté sur le risque de se heurter à la Russie si l’on s’obstinait en ce sens[7]. Citons un ancien ambassadeur des États-Unis en Russie, Jack Matlock qui écrivait peu avant l’invasion : « puisque la principale exigence de Poutine est l’assurance que l’OTAN ne prendra pas de nouveaux membres, et en particulier pas l’Ukraine ni la Géorgie, il est évident que la crise actuelle n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu d’expansion de l’Alliance après la fin de la guerre froide, ou si l’expansion s’était faite en harmonie avec la construction d’une structure de sécurité en Europe qui incluait la Russie ». Et il poursuivait, concluant que la crise « peut être facilement résolue par l’application du bon sens… Selon toute norme de bon sens, il est dans l’intérêt des États-Unis de promouvoir la paix et non le conflit. Essayer de détacher l’Ukraine de l’influence russe — le but avoué de ceux qui ont agité les révolutions de couleur — était une course folle et dangereuse. Avons-nous si vite oublié la leçon de la crise des missiles de Cuba ? ».

John Mearsheimer également : « Les États-Unis et leurs alliés européens sont les principaux responsables de la crise. La racine du mal est l'expansion de l'OTAN, élément central d'une stratégie plus vaste visant à sortir toute l'Europe de l'Est, y compris l'Ukraine, de l'orbite de la Russie et à l'intégrer à l'Occident. »[8]

Dans un entretien au magazine Time, Lula a critiqué sévèrement le président ukrainien Zelensky et les Occidentaux. Il les juge en partie responsables de la guerre. Lula dénonce la responsabilité des États-Unis et de l’Union Européenne. « Vous auriez dû dire tout de suite : l’Ukraine n’entrera pas dans l’Otan. Il n’y aurait pas eu la guerre ».  

L’instrumentalisation des « valeurs »

La bataille se mène aussi sur le terrain des « valeurs », au nom de la démocratie et des droits de l’homme contre la dictature, et pour le droit international contre l’agression.

Les grandes puissances invoquent ces valeurs uniquement lorsque ça les arrange pour avoir le soutien et la mobilisation de l’opinion publique. Puis les « oublient » quand ça les arrange, quand la violation du droit ne doit pas être combattue. Utilisés à « géométrie variable » ils servent d’instruments de pression. Faut-il se laisser instrumentaliser ?

Dans ce combat doit-on « oublier » les violations du droit commises ailleurs ? Ou est-ce que ces pays ne sont pas considérés comme ayant droit à la souveraineté ?[9]

En une semaine la Cour pénale internationale a ouvert le dossier des crimes de guerre en Ukraine par Poutine. Mais dans la salle d’attente ne devrait-il pas y avoir déjà Georges W. Bush, Tony Blair, Sarkozy Netanyahou et bien d’autres ?. Quel respect peut-on accorder à une institution judiciaire sachant qu’elle est complètement instrumentalisée par les états les plus puissants ? N’est-ce pas le droit de la force ?

La France a interdit tous médias supposés liés à l’Etat russe dont RT-France, le plus connu. L’UE a étendu cette censure sur tout son territoire. RFI et France 24 ne sont-ils pas des médias d’Etat ? En tout cas on est abreuvé par les positions politiques du Ministère des affaires étrangères, présentées comme des informations. Y a-t-il des journalistes dans « l’avion » pour réagir ? Certains se sont rapidement manifestés. Bravo pour leur courage d’autant qu’ils ne sont pas nombreux dans cette période de maccarthysme triomphant. Et les autres ? Maintenant nous sommes avertis, l’avenir sera à la censure, associations comme médias.

Et que dire de la vague xénophobe anti-russe, délirante, qui a déferlé sur le monde sportif et culturel ? 

La guerre économique : viser à l’effondrement de l’économie russe ?

Le camp occidental a décidé de ne pas se lancer dans l’affrontement militaire direct contre l’invasion russe. Restait l’arme des sanctions économiques. C’est la voie qui a été prise avec une volonté dangereuse de destruction de l’économie russe. Bruno Le Maire a parlé de guerre économique puis s’est rétracté après une remarque de Medvedev. C’est pourtant cela qu’il a en tête lorsqu’il déclare ; « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe » ou encore, «d’arme nucléaire financière» en parlant de l’exclusion de banques russes de la plateforme SWIFT. Si la Russie a souffert et souffre des sanctions, elles n’ont pas permis d’obtenir le cessez le feu et le retrait des troupes russes.

La plupart des pays en développement et émergents ne participent pas au boycott bien qu’ayant voté majoritairement la condamnation de l’invasion russe[10]. Pour beaucoup c’est un problème occidental. Beaucoup savent bien que si la Russie « tombe » leur marge de manœuvre de résistance aux pressions occidentales se réduira sensiblement. Alors qu’aujourd’hui ils peuvent davantage faire prévaloir leurs intérêts en mettant en concurrence des puissances rivales.

Le monde islamique a été tellement maltraité, humilié qu’on voit mal ces pays se mobiliser pour le camp occidental[11]. Que dire de la déclaration du président de l’Ukraine après le bombardement israélien de la bande de Gaza en mai 2021, affirmant que la seule tragédie à Gaza était celle subie par les Israéliens.[12]

Interdépendance économique et effet boomerang

L’importance considérable des sanctions économiques conduiront de toutes façons à un profond remodelage de l’économie russe, de celle de l’Europe et du monde. Un découplage énorme qui mettra du temps, de part et d’autre, à trouver son nouveau point d’équilibre. Avec une dédollarisation et développement important des systèmes de paiement concurrents de Swift existants en Chine, Russie.[13]

La guerre économique fait assurément souffrir la Russie, surtout dans un premier temps avant qu’elle ait trouvé une parade stoppant la chute vertigineuse du rouble. Sa revalorisation spectaculaire a été obtenue avec l’obligation faite aux « pays inamicaux » de payer en roubles, euros et dollars étant rendus inutilisables. La Commission de l’UE s’y est opposé sans succès. Aujourd’hui le rouble a atteint un plus haut depuis quatre ans face au dollar.

L’embargo annoncé, réalisé partiellement, a tiré les prix vers le haut. Ce n’était pas prévu. N’étaient pas prévues non plus les énormes difficultés à remplacer rapidement et totalement les ressources russes. Puis la production russe a progressé par des ventes avec rabais à l’Inde, et à la Chine qui finissaient parfois en Europe. Le flux principal par voie maritime de "l'or noir" russe est dirigé vers ces deux pays[14]. Selon les analystes de Citibank, les recettes du seul gaz s’élèveraient à 100 Mds de dollars en 2022 soit le double de l’année précédente.[15]

Par delà ces questions, la décision du bloc occidental de couper tous liens avec la Russie était une erreur redoutable. En effet si la Russie a un PIB qui la classe douzième dans le monde, son rang n’a rien à voir avec son importance : il s’agit d’un fournisseur incontournable de matières premières pour l’industrie et particulièrement pour l’Europe. Bref des produits incontournables. Le boycott de la part du bloc occidental a entraîné automatiquement la rupture des chaînes d’approvisionnement, la nécessité d’une réorganisation complète du commerce international, une impossibilité d’autres pays à combler la part de la Russie et donc une inflation galopante. Y compris pour les engrais, premier exportateur dans le monde, et les céréales[16]. Autrement dit, l’échec de la « guerre économique » contre la Russie est dans un certain sens l’expression de la sous-estimation de l’importance de l’industrie. 

Inflation et faible croissance

L’inflation au plus haut depuis 40 ans –8,5%  aux EU et 9% en moyenne en Europe- est forte et sera durable dans une économie mondiale en réorganisation profonde sous contrainte.

Pour la contenir la FED (banque centrale des EU) relève son taux directeur ce qui réduira la consommation, l’activité donc la croissance mais ne créera aucune offre supplémentaire. Est prévue également la réduction des taxes douanières sur 350 milliards de dollars d’importations de Chine, taxes qui avaient précédemment été augmentées par Trump pour réduire le déficit de la balance commerciale des EU … Les sanctions contre le Venezuela sont allégées pour augmenter l’offre de pétrole et les EU demandent aux pays du Golfe d’augmenter leur production sans qu’ils soient entendus pour l’heure. Les contradictions internes de la politique étatsunienne sont de plus en plus difficiles à concilier.

La situation est encore plus difficile en Europe qu’aux EU car aux mêmes problèmes s’ajoutent la baisse de l’euro et de la livre face au dollar ce qui augmente le coût des importations payées en dollars. L’Europe fait les frais de la hausse des taux aux EU qui rend le dollar plus « attractif ».

La stagflation, inflation et stagnation, est un risque très présent[17].

Bref on voit mal où est la cohérence de ces politiques, on a plutôt le sentiment d’une succession de décisions se contredisant les unes après les autres. Avec au bout une probabilité croissante de récession au niveau mondial. 

Un monde fracturé

La fracture du monde n’est pas passagère.

En faisant de la Russie un paria, le bloc occidental dirigé par les EU, impérialisme hégémonique, détruit la mondialisation et crée un double marché dans le monde, met l’économie au service de la politique des EU pour le maintien de leur hégémonie et pour soumettre tout pouvoir susceptible de leur tenir tête.

D’une part les EU, entraînant le bloc occidental, visent à couper tous les ponts avec la Russie – plus d’autres pays sanctionnés - et exercent une pression considérable pour entraîner le monde entier dans cette direction et d’autre part les pays essentiellement du Sud, ne constituent pas un bloc, n'ont pas de leader, aucun ne pouvant dominer les autres "gros", refusent de suivre le bloc occidental dans sa guerre économique. Ce "reste du monde" développera par la force des choses, par nécessité et dans cette nouvelle réalité, des éléments de la multipolarité.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré : « Nous devons arrêter d’être dépendants d’une quelconque manière des livraisons de quoi que ce soit en provenance de l’Occident »[18] ou de pays dépendants du bloc occidental donc non fiables. « Maintenant que l'Occident a adopté une position 'dictatoriale', nos liens économiques avec la Chine vont croître encore plus rapidement" ajoutant que la Chine disposait de technologies d'information et de communication "en rien inférieures" à celles de l'Occident[19]. Poutine dans son discours au Forum économique de Saint Petersbourg, le 17 juin 2022, déclarait : la rupture avec l'Occident est irréversible et définitive…le vieux monde s'effondre et l'ère de la domination américaine est terminée…  un nouveau monde est en train de se former … la Russie ne se fermera pas - l'accent sera mis sur le développement économique intérieur et la réorientation du commerce vers des pays indépendants des États-Unis.

La Russie se tourne dorénavant résolument, de manière stratégique, vers l’Asie et particulièrement vers la Chine dont l’industrie manufacturière est développée alors que la Russie est très orientée vers la production et l’exportation de matières premières. Un modèle économique qu’elle remet dorénavant en cause, la réindustrialisation privilégiant une production industrielle technologiquement avancée est reconnue nécessaire pour assurer son indépendance. L’Afrique, où la Russie est de plus en plus présente, n’est pas oubliée ni l’Amérique Latine ni le Moyen-Orient. La guerre économique a des conséquences considérables et durables, la fracture du monde et l’apparition de nouvelles puissances économiques n’étant pas des moindres. 

Et l’Union européenne ? Le suicide industriel.

Tout en participant aux sanctions activement, tous les pays n’ont pas les mêmes possibilités. L’Allemagne, parmi les grands pays, est particulièrement fragilisée étant fortement dépendante du gaz russe y compris pour son industrie qui s’effondrerait sans cela. Mais il n’y a pas que les énergies fossiles et l’uranium enrichi russe. Les métaux (aluminium, nickel) sont précieux pour l’industrie automobile particulièrement pour les voitures électriques.

Le plan finalisé par la Commission européenne pour renoncer au gaz, pétrole et charbon russes d'ici 2027 coûterait 210 milliards d'euros… Une pure et simple destruction de valeur sans contrepartie aucune de création de richesse.

La résistance à l’embargo total n’est pas négligeable car il serait comme un suicide économique de l’UE. Les EU y trouveraient un intérêt, celui de mettre l’économie européenne sous son contrôle politique, économique, militaire : l’UE affaiblie, comme vassale, pour que les EU puissent rester riches en dominant sans partage le bloc occidental. Comme l’a indiqué Biden « il va y avoir un nouvel ordre mondial, et nous devons le diriger ». 

Les pays du Sud, les BRICS+

A l’ONU les pays ont très majoritairement condamné l’agression russe. D’autres, nombreux, se sont abstenus et une poignée a soutenu. Pour autant les pays du Sud refusent de suivre les occidentaux dans leur-guerre économique, ils savent qu’ils en seront les premières victimes. Ils connaissent suffisamment l’impérialisme étatsunien et ses soutiens pour ne pas avoir envie de le renforcer davantage. Ils connaissent aussi leur égoïsme et leur non-fiabilité avec ce qui s’est passé pour les vaccins anti Covid-19.

Les menaces des EU à ceux qui ne se soumettent pas n’y font rien, le cas de l’Inde est éloquent. Les présidents du Mexique, de la Bolivie, du Honduras et du Guatemala ont refusé d’assister au sommet des Etats américains à Los Angeles, protestant contre l’exclusion de Cuba, du Venezuela et du Nicaragua par les EU.

Reste que le monde va être profondément changé par les conséquences de cette guerre.

Il y a d’une part un bloc occidental emmené par les EU qui veut maintenir/revenir à son statut hégémonique à la faveur de la situation actuelle et de la fracture avec la Russie.

Il y a d’autre part le reste du monde qui ne constitue pas un bloc et qui ne conditionne pas ses échanges économiques à des menaces/convergences politiques ou idéologiques. Les échanges, le commerce,  la coopération internationale doivent répondre aux intérêts propres de chaque pays.

Au mois de mai 2022 s’est tenue une réunion importante des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Prenant acte des profonds changements intervenus. C’est là que le monde bouge[20] avec des objectifs communs :

  • Réduction de la dépendance vis à vis du système de paiement dominé par les États-Unis et développer un système de paiement indépendant et les règlements en monnaie nationale[21]
  • Elargissement de la représentation des BRICS, accueil de nouveau membres[22], développement de la coopération

Le 24 juin 2022 se réuniront en Chine les cinq membres des BRICS avec des représentants de pays émergents tels que l'Indonésie et l'Argentine avec au total plus de 1000 participants au forum des affaires. Selon le média chinois Global Times ce sommet apporterait ; « notamment un système de gouvernance mondiale égalitaire au lieu de celui dominé par l'hégémonie des États-Unis, une nouvelle approche de la réforme financière visant à mettre la finance au service de l'entité économique au lieu de l'utiliser comme une arme, et la réparation de la chaîne d'approvisionnement mondiale mise à mal par les États-Unis qui ont vanté le découplage [23] … une plateforme pour les pays en développement afin d'explorer un ordre mondial inclusif au lieu de l'ordre de confrontation dirigé par les États-Unis. ».

Désormais ce sont les "pays du Sud" qui revendiquent la coopération et la liberté d’échanges gagnant-gagnant. Perdant de plus en plus l'industrie et la création de richesses qui l’accompagne, l'Occident subit désormais et ne décide plus comme autrefois. Il ne gagne plus au libre-échange ce qui est un seuil décisif. Il ne gagne pas non plus, ou de moins en moins, à vouloir conditionner les échanges par la soumission à sa domination politique.

De plus la confiance dans le dollar est ébranlée. Détenir des actifs dans le système financier international dominé par les EU est risqué, le vol est possible : 7 milliards de dollars volés dernièrement pour l’Afghanistan, Idem pour le Venezuela dont le stock d’or est volé par le Royaume-Uni et dans les mesures prises contre l’état russe figure le gel d’actifs d’une valeur de 300 milliards de dollars. Le dollar conçu comme outil de domination et non de développement. 

Risques de guerre : « Un nouvel ordre mondial, et nous devons le diriger »

Pour donner un vernis idéologique libéral aux positions des EU, Biden parle du combat des démocraties contre les dictatures ou régimes autoritaires. L’éternel conte pour enfants du bien contre le mal.

La réalité est toute autre.

Les EU visent un changement de régime, la défaite de la Russie doit être complète, Poutine doit être remplacé etc. Exigences formulées par Biden puis, trop brutales, « enrobées » par ses diplomates. La France et d’autres n’ont pas la même position mais n’osent guère se faire entendre d’autant que la présidente de la Commission européenne, la bourgeoise aristocrate Ursula von der Leyen, est entièrement alignée derrière les EU. Lesquels se moquent éperdument de l’Ukraine, prêts à mener la guerre jusqu’au dernier ukrainien.

Rappelons des déclarations de Biden trop peu connues :

En mars 2020, alors qu’il était candidat démocrate à la présidence, Joe Biden publiait une tribune titrée « Pourquoi l’Amérique doit diriger à nouveau », il fallait remédier au déclin relatif des Etats-Unis.[24] Pas de différence fondamentale avec l’objectif exprimé par Trump, mais plutôt sur les moyens d’y arriver. Biden souhaite entraîner l’Europe dans sa conquête de la suprématie mondiale incontestée.

En mars 2022, Joe Biden s’exprimait dans un discours, cette fois en tant que président, devant un parterre de grands oligarques étatsuniens :

« Je pense que cela [la situation en Ukraine] nous offre des opportunités significatives pour apporter de vrais changements.  Vous savez, nous sommes à un point d'inflexion, je crois, dans l'économie mondiale - pas seulement l'économie mondiale, dans le monde.  Cela se produit toutes les trois ou quatre générations.

Comme l'un des - comme l'un des (sic) plus grands militaires me l'a dit l'autre jour lors d'une réunion sécurisée, 60 - 60 millions de personnes sont mortes entre 1900 et 1946.  Et depuis lors, nous avons établi un ordre mondial libéral, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps.  Beaucoup de gens sont morts, mais ce n'est pas le chaos.

Et maintenant, c'est un moment où les choses changent.  Nous allons - il va y avoir un nouvel ordre mondial, et nous devons le diriger.  Et nous devons unir le reste du monde libre pour le faire. »[25]

Tout est dit. Mais entre la volonté de diriger le monde et le diriger vraiment il y a … un monde d’illusions étatsuniennes. Le nouvel ordre mondial ne sera pas ce que Biden ou Trump ou autres imaginent.

Le risque d’affrontements est là et la dérive vers la guerre entre grandes puissances est là aussi.

Wesley Clark, l'ancien commandant des forces armées de l'OTAN en Europe a appelé à intervenir officiellement dans le conflit en Ukraine. « Ordonnons aux Russes de cesser le feu ».

Le 17 juin 2022

Robert Kissous, adhérent PCF Montpellier

[1] Lire l’excellent « L'Orientalisme : L'Orient créé par l'Occident » de Edward Saïd

[2] Voir le rapport du Sénat pour plus de détails http://www.senat.fr/rap/r18-017/r18-0176.html
ou http://www.leclubdesjuristes.com/sanctions-secondaires-extraterritoriales-pour-la-fin-de-linnocence/

[3] Au total les entreprises ont payé aux EU plusieurs dizaine de milliards de dollars à ce jour. Certains observateurs craignent de voir ce chiffre multiplié par dix à l’avenir.

[4] Paul-Marie de la Gorce https://www.monde-diplomatique.fr/1999/04/LA_GORCE/2894

[5] Andreï Makine   https://www.lefigaro.fr/vox/monde/andrei-makine-pour-arreter-cette-guerre-il-faut-comprendre-les-antecedents-qui-l-ont-rendue-possible-20220310

[6] Documentaire de Paul Moreira 2016  https://www.youtube.com/watch?v=VLXtWfTcLC4

[7] Noam Chomsky https://www.revue-ballast.fr/ukraine-le-regard-de-noam-chomsky/

[8] https://www.counterpunch.org/2022/05/05/taking-aim-at-ukraine-how-john-mearsheimer-and-stephen-cohen-challenged-the-dominant-narrative/

[9] Hubert Vedrine  https://www.lopinion.fr/politique/hubert-vedrine-dominateur-loccident-est-devenu-manicheen

[10] Pierre Conesa  https://www.facebook.com/umuvugakuriTV/videos/685832335892770

[11] Indonésie  https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20220310-en-indon%C3%A9sie-un-surprenant-engouement-musulman-pour-vladimir-poutine

[12] Ilan Pappe  https://acta.zone/ilan-pappe-quatre-lecons-de-la-guerre-en-ukraine/

[13] Le grand découplage  https://www.energyintel.com/0000017f-797c-df49-abff-fffdd6cf0000

[14] https://europe-cities.com/2022/05/08/media-russia-bypasses-oil-certificates-with-the-help-of-greece-business-saint-petersburg-news/

[15] https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/gaz-le-redoutable-piege-tendu-par-poutine-1407750

[16] L'approvisionnement en aliments et engrais des marchés mondiaux implique la levée des sanctions contre les exportations russes, l’accès aux ports, la possibilité de contracter des assurances, le paiement des marchandises sans blocage des recettes

[17] https://www.lopinion.fr/economie/sommet-de-davos-linquietude-pour-leconomie-mondiale-domine

[18] https://www.lopinion.fr/international/russie-le-ministre-des-affaires-etrangeres-nest-pas-sur-quil-soit-necessaire-de-retablir-les-liens-avec-loccident

[19] https://www.latribune.fr/economie/international/la-russie-se-dit-prete-a-remplacer-ses-liens-economiques-avec-l-occident-par-la-chine-919015.html

[20] https://blogs.mediapart.fr/rk34/blog/030122/un-bouleversement-mondial

[21] https://www.globaltimes.cn/page/202205/1266097.shtml

[22] https://www.globaltimes.cn/page/202205/1266202.shtml

[23] https://www.globaltimes.cn/page/202206/1268394.shtml

[24] https://www.monde-diplomatique.fr/2020/11/ZAJEC/62430  
https://www.foreignaffairs.com/articles/united-states/2020-01-23/why-america-must-lead-again

[25] https://www.whitehouse.gov/briefing-room/speeches-remarks/2022/03/21/remarks-by-president-biden-before-business-roundtables-ceo-quarterly-meeting/

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