Ce sont 36 élèves qui sont restés le bec dans l'eau à la fin juin suite à l'annonce brutale du refus de leurs candidatures au lycée Brassens à Paris XIXe. Des élèves dispersés à Paris et dans l'Est Parisien, un certain nombre scolarisés en CHAM à Romainville au collège Courbet d'une part et au collège Rognoni (Paris Ve) d'autre part mais aussi à Bobigny, Bondy, Montreuil, Dugny, Aubervilliers, en études musicales, en danse, patinage artistique, certains de très haut niveau mais en tout cas avec une variété de profils qui était acceptée jusqu'à la rentrée 2020.
36, cela paraît peu mais c'est grosso modo l'effectif d'une classe et surtout, c'était un débouché pour les élèves de Cursus à Horaires aménagés qui souhaitaient approfondir leur pratique artistique en y consacrant davantage de temps, certains pour se professionnaliser. C'est ce débouché qui est remis en cause d'une façon totalement discrétionnaire par les autorités académiques parisiennes.
Cependant, interpellées par les Fédérations de Parent d'élèves (FCPE 93 et FCPE de Romainville, Rognoni, Brassens notamment), par les élus de Seine Saint-Denis, de la communauté Est-Ensemble, par plusieurs lettres et deux pétitions atteignant respectivement 3800 et 1200 signatures, ces mêmes autorités académiques n'assument pas leur décision de fermeture et ont décidé de s'abriter derrière les décisions de la commission ayant examiné ces candidatures, décisions dont les débats ne sont absolument pas publics ni contradictoires.
Pire encore, comme si il ne suffisait pas de rendre à peu près impraticables tous les projets des jeunes refusés à Brassens et sans doute malheureusement ceux des prochaines générations, et contre toute évidence, ces mêmes autorités académiques ont décidé que le plus confortable pour elles était de faire à ces jeunes un procès en illégitimité : ce serait donc, selon l'histoire assez peu crédible et complètement impossible à confronter à la moindre preuve tangible qui nous a été servie dans les lettres types envoyées en réponse aux recours gracieux puis dans le courrier qui a été adressé à la FCPE Romainville, un nombre insuffisant de candidatures "légitimes" qui aurait motivé la fermeture. Nos interlocuteurs évoquent ensuite des dispositifs qui pourraient selon eux permettre à des projets qu'ils assimilent à des loisirs d'être menés dans un futur hypothétique.
Passe encore que les autorités académiques ne se sentent pas spécialement concernées par les vocations artistiques des jeunes, dès lors qu'elles ne viennent pas des institutions prioritaires à Brassens : Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris, Maîtrise de Radio-France, etc.
Passe encore qu'elles aient décidé d'utiliser une méthode brutale qui consiste à mettre devant le fait accompli les familles et les institutions concernées. Encore que : en fait non, ça ne passe pas.
Passe encore que ces autorités n'aient à aucun moment fait mystère de ce qu'était et de ce que serait leur réponse à presque toute demande en révision, à l'exception de quelques acceptations de dernières minutes, limitées et cosmétiques. On peut au moins comprendre qu'en ce début du mois de septembre, la réouverture de la classe ait un coût puisque les moyens correspondants ont désormais été affectés ailleurs.
Passe encore qu'elles fassent mine d'ignorer qu'une commission d'examen de candidatures bien gérée dans un établissement ouvert à un recrutement interacadémique classe tous les candidats et n'est absolument pas décisionnaire en matière d'ouverture de classe, ne serait-ce que pour des raisons déontologiques, mais aussi parce que la fixation d'un seuil d'admission plus ou moins sévère est une décision d'opportunité et non une décision technique et encore moins artistique. Et que même si des "points" sont attribués à chaque dossier, il n'existe à peu près aucune transparence sur les critères de comptage des points en question ni sur le fait que ces critères auront été les mêmes d'une année sur l'autre.
Nos interlocuteurs écrivent donc en même temps que les critères n'ont pas changé, qu'ils n'ont pris aucune décision, qu'une fermeture de classe se décide faute de candidatures "légitimes" en nombre suffisant, sans pourtant avoir la légitimité pour porter un tel jugement sur les candidatures individuelles. Sur ce point, nous allons revenir. Face à tant d'indifférence au sort de jeunes et de familles qui ont prouvé ne serait-ce que par leur détermination si ce n'est par leurs résultats plus qu'honorables en tant de pandémie et d'enseignements perturbés, face au travail de fourmi effectué par la FCPE Brassens et nos élus pour réexaminer ces dossiers et montrer que des candidatures légitimes, il y en avait bien assez pour rouvrir cette classe, nous avons droit à une rhétorique du mépris pour ces jeunes qui porte un jugement présenté comme incontestable : espérons que ces derniers ne prendront jamais au pied de la lettre ce verdict sur "l'illégitimité" de leurs candidatures pour aller de l'avant dans leurs projets.
Cerise sur le gâteau qui montre assez bien le peu de considération porté à des élèves qui ont le malheur de demander ce à quoi leurs prédécesseurs avaient droit de facto mais malheureusement pas de jure, Mme Claire Mazeron, Directrice Académique des Services de l'Éducation Nationale à Paris, a osé dire et laissé écrire dans un article du Parisien que si ces candidatures n'étaient pas légitimes selon elle c'était notamment à cause de la pandémie et que cela rendrait un mauvais service à ces élèves au niveau insuffisant de les accueillir, au moment même où nous évoquions le mérite de ces élèves qui avaient surmonté la pandémie et travaillé malgré des conditions peu favorables.
Cette façon de retourner nos arguments contre toute évidence et contre les familles que nous essayons d'aider et soutenir à la FCPE est non seulement osée et malhonnête intellectuellement mais elle suffit à mettre le doigt sur le fait que l'Académie de Paris devrait au moins avoir le courage d'assumer comme politique sa décision de fermeture de classe au lieu d'étaler son incompréhension totale de ce qu'est un potentiel artistique et de la nature du service que rendait jusqu'à l'an dernier le lycée Brassens aux élèves de profils variés qu'il accueillait outre les six institutions prioritaires/partenaires.
Ce service ne consistait aucunement à accorder une sorte de label d'excellence aux élèves reçus, label qui aurait en quelque sorte engagé la responsabilité des autorités académiques ou des commissions examinant les candidatures : voilà l'évidence que nient ces autorités académiques. Non, ce service consistait simplement à reconnaître, de facto mais malheureusement pas de jure, les besoins particuliers de ces élèves qui avaient le projet de pratiquer intensément leur instrument de musique, une autre pratique artistique, ou encore un sport nécessitant des aménagements horaires particuliers avec une organisation en demie-journée.
Comment ces besoins particuliers étaient-ils attestés par les candidats ? En motivant leur candidature et en évaluant leur nombre d'heures de pratique hebdomadaires, certes, mais aussi en produisant une attestation de leur conservatoire, club, école, portant sur les heures d'enseignement ou de pratique exigées. Voilà quel était un des éléments-clés demandés dans les dossiers et escamoté par le rectorat. Et le niveau artistique et scolaire direz-vous ? Bien sûr qu'ils étaient pris en compte mais c'est la fermeture de la classe sur laquelle l'académie de Paris n'entend pas revenir qui rend si impérieux de dévaloriser ces candidatures bonnes, très bonnes, voire excellentes.
Face à ce qui nous apparaît comme une maltraitance institutionnelle de plus (il y en a d'autres, certaines hélas plus graves encore de nos jours), le dicton qui me vient à l'esprit et me taraude à peu près depuis le début de cette affaire, avec la même insistance et le même manque d'élégance qui caractérisent l'attitude de nos interlocuteurs envers ces familles et ces jeunes est bien sûr ce dicton fameux :
Qui veut noyer son chien
l'accuse de la rage.
De la rage, il y aurait de quoi en avoir, et j'espère qu'il soit encore possible d'argumenter de façon constructive plutôt que de céder à l'envie d'aboyer et de montrer les dents mais nous continuerons non seulement à porter cette contestation argumentée mais aussi à accompagner ces familles qui s'engagent dans la voie difficile d'un recours contentieux devant le tribunal administratif. Leur combat est juste ; leurs enfants devraient être reconnus comme des élèves à besoin particulier comme ils l'auraient été de facto si ils avaient eu la chance de naître un an plus tôt ; on nous dit qu'une fermeture de classe ne se conteste pas devant un tribunal administratif et que seuls les refus individuels peuvent être contestés.
Le silence des Ministères montre bien l'indifférence totale à cette question des besoins particuliers des élèves à projet artistique, musical et même à certains projets sportifs, mais en ces temps de précampagne présidentielle, qu'il soit au moins possible de dénoncer l'incapacité des autorités académiques placées sous leur juridiction de continuer à reconnaître et accompagner ces besoins comme d'assumer leurs décisions dans la transparence, l'anticipation et le respect des familles et des élèves touchés par les dites décisions. Le soutien des élu⋅es qui nous ont accompagné⋅es et que nous remercions prouve si besoin qu'il reste possible de faire autrement.
Les arguments de ce billets, largement inspirés par les discussions entre parents, ont été complétés et améliorés dans un document consultable via l'Union de coordination locale FCPE de Romainville.
Un nouveau rassemblement est organisé devant le rectorat à Paris XIXe le mercredi 13 octobre 2021 à 12h30.
Une conférence de presse a eu lieu le 25 septembre 2021 au cinéma "Le Méliés" à Montreuil. À cette occasion, plusieurs témoignages d'anciens élèves du lycée Georges Brassens ont été montrés. Rien ne montre mieux l'ouverture des possibles que ces multiples voies⋅x à retracer.
Film sur le rassemblement du 27/8/2021 devant le rectorat (Merci à Loïc Wibaux):
Lettre de recours collectif auprès des autorités académiques parisiennes : Lien
Lettre au recteur de Mme Camille Naget, élue du XIXe arrondissement : Lien
Communiqué de presse de la FCPE 93 : Lien