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Billet de blog 9 avril 2022

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Voter et agir démocratiquement contre les renoncements et les impostures

Petits et grands renoncements et impostures ont submergé la vie politique française, dont l'élection présidentielle n'est que le revers de la difficulté de beaucoup à s'engager et à défendre ce qui peut encore fonder un contrat social viable permettant d'améliorer ou de ne pas laisser se dégrader la vie de millions de nos concitoyen⋅nes, en France métropolitaine, mais aussi partout ailleurs

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Que signifie la faiblesse actuelle des gauches ?

Je pose cette question parce que nous sommes dans une situation relativement aberrante d'un point de vue politique. Il ne s'agit pas ici de nier l'importance du travail de sape idéologique mené par une armée de commentateurs, de journalistes, de soi-disant experts, qu'ils soient ou non au service de Bolloré ou d'un autre milliardaire ou qu'ils se contentent de hurler avec les loups sur des chaînes de désinformation en continu ou ailleurs, que ce soit à propos de l'insécurité, des attentats, de l'islamisme, du salafisme, de la radicalisation, du soi-disant grand remplacement, de la "cancel culture", de la "bien-pensance", du soi-disant angélisme, du "droitdelhommisme", du "wokisme", du soi-disant "islamo-gauchisme", ou même de la dangerosité prêtée à un certain nombre d'approches des sciences sociales qu'elles recourent aux notions de genre, d'intersectionnalité, ou plus classiquement de domination, de rapport sociaux inégaux... On disait autrefois qu'il y avait un climat, il est délétère et il pose aussi la question des possibilités de débattre dans des espaces où un minimum de diversité de points de vue et de témoignages soit audible, où les journalistes puissent faire correctement leur travail y compris pour relever les approximations voire les mensonges de certains commentateurs ou politiciens, et ce, au delà des media catalogués comme étant "de gauche", ce qui conduit une partie de l'opinion publique à les fuir, y compris quand il s'agit de chaînes de télévisions ou de radio publiques. Il ne faut pas non plus sous-estimer la professionnalisation déjà bien entamée des entrepreneurs en complotisme et en trollerie tous azimuts sur les réseaux sociaux pour ce qui est de dézinguer, déstabiliser, harceler, avec non seulement une rhétorique bien huilée reposant sur un retournement systématique du stigmate (notamment celui de la haine) et sur des raccourcis affirmés d'autant plus crânement qu'ils sont approximatifs et malhonnêtes, mais aussi avec une certaine maîtrise des formules et interventions qui pourront être le plus aisément démultipliées en "faisant le buzz" comme il est convenu d'appeler nos commérages contemporains dont le pouvoir de propagation va bien au delà de ce que permettait le seul bouche à oreille, avec une efficacité démultipliée pour ce qui est de faire et défaire en peu de temps les réputations des personnages publics quelles que soient leurs qualités. On peut aussi faire l'hypothèse que cette professionnalisation (faudrait-il l'appeler bannonisation ?) repose sur une mise en commun de discours et surtout de méthodes à une échelle internationale, à la faveur de la consolidation d'une internationale brune qui semble bien plus consciente aujourd'hui que la rouge de l'intérêt d'avoir des appuis et de susciter la solidarité à l'étranger en particulier lorsqu'on tient un discours nationaliste, hostile à la plupart des formes communes de solidarité notamment internationale.

Je tiens cette situation pour relativement aberrante parce que les partis et mouvements s'inscrivant dans un projet de transformation sociale progressiste et émancipatrice, au delà de leur diversité, n'ont absolument pas un déficit d'efficacité ni de crédibilité si on les compare à leurs concurrents davantage obsédés par l'impératif de montrer leur fermeté inoxydable y compris sur des sujets qui passionnent la droite de l'opinion comme la sécurité, la lutte contre les attentats, le soutien aux forces de police et jusqu'à la lutte contre l'immigration clandestine (y compris par des moyens violant des textes internationaux contraignants dont la France est signataire) alors qu'ils sont les seuls à se saisir au moins dans leurs programmes et leurs discours de l'urgence climatique et de l'urgence sociale de façon un tant soit peu sérieuse (quoique le sérieux soit à l'évidence variable). Sur le point du climat je ne parle évidemment pas de la croyance selon laquelle des candidat⋅es qui présenteraient la relance de la filière de la fission nucléaire en France comme quasiment seule solution d'importance aux enjeux de réduction d'émission de gaz à effet de serre par exemple auraient par là un discours "crédible" ou "raisonnable" sur cette question : non qu'il ne faille pas mettre la question de la fission nucléaire de son coût et de ses dangers comme de ses avantages sur la table, parmi tous les leviers sur lesquels il conviendrait d'agir. Sur le point des urgences sociales enfin, c'est une question plus délicate, puisque c'est celui sur lequel il y a bien eu malheureusement à ce jour une conversion de fractions importantes voire majoritaires des classes populaires à la croyance selon laquelle le blocage social dans la France contemporaine résulterait non de la sécession des très riches et de l'absence d'investissement dans l'école et les service publics, malgré le caractère criant des manques en la matière, mais d'une sorte de manque de chauvinisme qui verrait nos élites non pas privilégier les plus riches - chose qu'elles font pourtant de la manière la plus ouverte et la plus explicite qui soit désormais - mais les immigrés, notamment musulmans, accusés par la même occasion de racisme anti-blanc par certains allumés de la xénophobie prenant leur propre cas pour une généralité, là où c'est la défection massive des classes moyennes fuyant les quartiers défavorisés et tout particulièrement leurs services publics qui leur permet de feindre de croire (voire de se persuader pour de mauvais) à une homogénéisation ethnique des quartiers en question qui serait planifiée par je ne sais quels traîtres à la patrie.

Sur la question de ce qui résiste à de telles logiques, outre les mobilisations collectives sur lesquelles je reviendrai, il y aurait beaucoup à dire sur la figure des soi-disant "bourgeois-bohème" devenus repoussoirs rêvés d'une bonne partie de la classe politique et de l'opinion qui visent en même temps, par là, des personnes qui manifestent, bien au delà de leurs appartenances sociales réelles et même de leurs orientations politiques en matière de vote, des pratiques tendant plutôt à manifester une conscience politique sur les enjeux écologiques et sociaux, conscience qui semble tout de même largement moins développée à la droite de l'échiquier politique, et conscience qualifiée d'autant plus volontiers de "bien-pensante" que non seulement elle vise à penser ces questions mais en plus avec une certaine volonté d'exemplarité, parfois jusque dans le fait de vivre dans des quartiers populaires. Outrecuidance ultime que ne sauraient pardonner nos entrepreneurs en malpensance. Rien de nouveau en la matière : si historiquement les communistes  ont longtemps qualifiés les partis socio-démocrates de partis bourgeois pour dénoncer leur duplicité et leurs trahisons, l'emprise idéologique actuelle de la droite dure, forte et extrême passe par l'étiquetage de la gauche, de toute la gauche, et particulièrement des électeurs manifestant certains engagements qu'on pourrait qualifier de citoyens, comme bourgeois, tout en occupant le terrain qu'ils ont laissé en partie vacant pour ce qui est des conditions de vie, de l'insécurité et du pouvoir d'achat. Mais alors, s'il s'agit d'un trompe-l'oeil, pourquoi les statistiques électorales leur donnent-elles raison dans la conjoncture actuelle, et ce depuis 2002 voire avant ? Pour toutes les raisons du monde.

Tout d'abord, la mue écologique de la gauche est un phénomène long et laborieux qui nous pose un problème de crédibilité, que traduit assez bien le discours assez incohérent en la matière d'une Nathalie Arthaud, que traduit mieux encore l'opposition (aussi factice et caricaturale soit-elle) entre fin du monde et fin de mois, mais aussi la question de la durée des mandats électoraux : il est plus rentable politiquement de traiter les rapports du GIEC, co-construits laborieusement par des milliers d'experts scientifiques internationaux, comme s'ils étaient la simple expression d'opinions mal fondées, que de les prendre au sérieux. D'autant que les mêmes experts eux prennent au sérieux l'existence d'un espace de débat démocratique qui serait celui de la prise de décision politique, supposée prendre en compte l'intérêt des générations présentes et futures dans un horizon allant au delà des trois ou cinq prochaines années. Or si l'on parle de la décision politique, à quoi pourrait ressembler cette prise de décision, dans une optique qui aurait pour horizon de faire porter les efforts de reconversion écologique non sur sur un sacrifice des classes populaires qui craignent une remise en question à la fois de leur mode de vie, de leurs emplois, de leurs modes de transport mais sur un effort des plus riches, dont il est assez bien établi qu'ils sont les plus grands voire les principaux pollueurs, directement ou indirectement ? Au programme de Jadot ? De Mélenchon ? De Roussel ? De Poutou ? À une hausse massive des impôts articulée à une baisse quasiment volontaire du produit intérieur brut ? À une élévation générale du niveau d'étude pour former les citoyen⋅nes à une maîtrise des questions climatiques et écologique et de faire face à la reconversion de l'économie et des pratiques sociales ? Quasiment tous les partis de gauche ont avancé sur ces questions qui reposent aussi la vieille question du système capitaliste et de son caractère intenable que ce soit d'un point de vue social, économique ou écologique. Mais qu'on soit marxiste ou pas, qu'on croie ou non au grand remplacement du capitalisme par une société sans classes, démocratique, fraternelle, écologique, surmontant victorieusement la crise climatique et la crise sociale ou tentant seulement d'en limiter les catastrophes, les limites de ce qu'on continue encore d'appeler le libéralisme économique n'ont jamais été aussi tangibles : les arguments en ayant été ressassés ad nauseam, qui ose encore croire au "ruissellement", au marché des droits à polluer, à l'efficacité des fonds de pension pour viabiliser les retraites, à la pertinence pour tous les pays du monde d'une politique inaltérable de monnaie forte et de rigueur du crédit ? Même pas les personnes chargées d'appliquer de telles politiques.

Les discours raisonnables, en dépit des macronneries, ne manquent pas à gauche, où tout le monde ou presque a tendance à avoir raison, y compris contre le reste de la gauche. Ce qui est vrai en matière de programme politique n'est pas faux en matière de stratégie politique : la primaire populaire a eu raison de marteler que la désunion d'une gauche affaiblie nous conduisait droit vers une participation active et enthousiaste aux catastrophes écologiques, sociales et politiques annoncées ; la France insoumise a eu raison de travailler sur le fonds de son programme sur du temps long en se défiant des entreprises hasardeuses de la dite primaire populaire, au vu des résultats concrets obtenus, qui ont peut-être finalement eu comme résultat principal de crédibiliser la candidature de Jean-Luc Mélenchon ; Yannick Jadot a (sans doute) eu raison de ne pas prendre une seconde fois le risque de diluer la candidature écologiste dans un ralliement quel qu'il soit, qui n'aurait forcément pas eu les résultats escomptés quand bien même il aurait été pensable ; Anne Hidalgo a sans doute raison de vouloir démontrer que le parti socialiste (malgré sa mort clinique pour ce qui est de l'adhésion populaire sur des enjeux nationaux) a encore sa place, ne serait-ce que pour donner un horizon à un certain nombre d'électeurs orphelins face au reste de l'offre politique ; Fabien Roussel et les communistes ont sans doute raison d'avoir mis fin à ce qui ressemblait presque à une inféodation aux mouvements successifs initiés par Mélenchon pour apporter la preuve irréfutable que Mélenchon ne peut que perdre sans eux et qu'il est grand temps de reconstruire les conditions d'une adhésion des classes populaires à un véritable programme de gauche qu'ils sont assez bien placés pour incarner...

Mais alors pourquoi donc faisons-nous comme si nous avions perdu la bataille des idées avant de l'avoir menée et surtout pourquoi acceptons-nous que les jeux soient faits? Comment est-il seulement dicible ou pensable, au vu de l'inanité en la matière de ce qui est au cœur de son programme, que Marine Le Pen apparaisse comme la candidate des ouvrier⋅es, des classes populaires et du pouvoir d'achat ? Le problème est que la présence des personnes issues de l'immigration, bien qu'au cœur des classes populaires, dont une grande part d'entre elles font partie intégrante et subissent plutôt de manière accentuée les pénalités frappant les dites classes, ce qui rend totalement aberrant un discours leur prêtant tous ces maux, sont considérées par la majorité des politiques et des commentateurs comme ne devant jamais être évoqués d'une manière positive. Il a pourtant été souligné qu'elles occupent massivement des emplois dont les personnes issues de vagues migratoires plus anciennes (car oui, quelle que soit notre couleur de peau, nous sommes tou⋅tes issu⋅es de vagues migratoire venues d'Afrique, qu'elles soient passées par l'Asie ou la Méditerranée et bien sûr d'autres régions d'Europe ou pas)  ne veulent généralement pas ou plus, loin de leur prendre ces emplois elles subissent à qualification égale des discriminations qui ont maintes fois été étayées, elles participent fort peu à la fraude aux aides sociales et massivement renoncent à exercer leurs droits sociaux pourtant essentiels et légitimes, sachant que les fraudes aux aides sociales ne représentent quasiment rien comparées à la fraude fiscale. Le repli communautaire qu'on leur attribue bien souvent, enfin, aurait-il la force qu'on peut reconnaître aux solidarités communautaires (absolument nécessaires par ailleurs aux personnes qui en bénéficient) si nous n'avions pas laissé se développer, en France, non seulement la dégradation des services publics de proximité dont nous avons tant besoin et que les programmes des divers candidat⋅es de gauche sont les seuls à envisager un tant soit peu sérieusement le rattrapage mais aussi un système de discrimination dont l'humeur politique xénophobe du moment ne peut qu'aggraver les effets néfastes ? L'absurdité de notre xénophobie est qu'elle retourne contre des primo-arrivants une agressivité délibérément entretenue et faisant intervenir (d'une manière qui est objectivement un scandale) des agents de l'État envers des personnes qui sont très souvent nées en France et présentes de longue date et qui ayant subi toutes les pénalités qui s'accumulent contre elles ont pu avoir le temps pour certaines d'entre elles de construire un certain ressentiment qui finit souvent par s'exprimer de nombreuses manières et souvent de la manière la plus légitime qui soit : par une pensée politique réflexive et argumentée et une volonté de participer aux luttes politiques, c'est à dire par la chose qui est la plus insupportable à nos droites et une partie de ce qui reste de nos gauches, qui semblent n'avoir comme boussole que le principe de réduire au silence toute voix ouvertement critique dès lors qu'elle émane d'une personne racisée. Quant aux primo-arrivants, ils endurent ainsi de plus en plus tôt ce qu'il faut bien appeler un déni de tous les droits élémentaires : qu'on parle de droits de l'homme ou des droits en général, nous vivons dans un pays dont une partie semble ignorer que tous ses résidents ont des droits (y compris lorsque nos administrations ont choisi de frapper leur présence sur ce sol d'illégalité et ce en réponse à une injonction politique qui leur impose ce tri entre les migrants acceptés et les migrants rejetés), et dont l'autre partie a entrepris de nier ce droits de plus en plus activement. Il se trouve qu'en face, il y a certes des personnes touchées par la précarité et la pauvreté qui peuvent avoir des conduites délictueuses, en premier lieu parce qu'effectivement il n'y avait personne pour leur donner la permission de venir, en second lieu parce que la criminalité touche tous les milieux sociaux mais particulièrement ceux qui sont vulnérables, mais très massivement qui subissent tout ceci avec une dignité qui devrait forcer le respect, et qui ne sont qu'une toute petite frange des migrations qui se produisent partout dans le monde, n'en déplaise à ceux qui ont décidé que les chiffres étaient faux et qu'on leur mentait parce que ça ne correspondait pas à leur vision locale ou déformée. Mais le pire en la matière est que personne ne semble voir que la recherche de boucs émissaires et de traîtres imaginaires est un Moloch insatiable : malgré les vies qu'il dévore et démolit déjà, il ne saurait se satisfaire d'aucune restriction, d'aucune remise en cause de la présence de telle ou telle population jugée insupportable car ne résolvant aucun problème, les aggravant tous et ne connaissant d'autre solution que de trouver de nouveaux traîtres et de nouveaux boucs émissaires, il ne saurait s'arrêter que lorsque nous aurons enfin décidé de l'empêcher de nuire.

Comment au delà des slogans devenus creux Emmanuel Macron peut-il encore être conçu comme un réformateur centriste et équilibré, auteur d'une synthèse entre droite et gauche ? Emmanuel Macron et son mouvement partageant les mêmes initiales n'ont fait que rassembler toutes les personnes ayant accepté de systématiser ce qu'a fait François Hollande et ce qu'ont fait avant lui un certain nombre de personnes classées à gauche une fois au pouvoir : dans un premier temps et en même temps que l'on fait le contraire, tenir des discours se référant aux valeurs qui rassemblent la gauche et bien au delà d'elle, volonté de ne pas livrer la population aux forces aveugles du marché ou des purs rapports de force, (re)faire dans les mots (ainsi hélas progressivement vidés de leur sens) de l'État et de notre système juridique un garant des règles qui fondent la vie en société, qui contribuent à définir comment s'applique le principe d'égalité et quelle est la part de liberté dont bénéficie chacun⋅e ce qui devrait inclure les modalités d'accès aux décisions nous concernant,  c'est à dire de tout ce qui fonde une démocratie (j'y reviendrai). Dans un second temps, toujours les renier en continuant à saper toutes les instances qui contribuent à cette action protectrice et en poursuivant sciemment ou non l'objectif de libérer les plus riches et les plus puissants de toute forme de frein à leur avidité et à leurs exemptions, nombreuses et exorbitantes, à commencer par celles qui concernent la participation à l'action de l'État par le biais de l'impôt, mais aussi leur exemption à participer d'une manière transparente à la vie démocratique au profit d'une approche discrète, plus efficace, qui n'interdit jamais par ailleurs certaines prises de position publique pour ceux qui ont accès en même temps aux canaux officieux et officiels permettant de dialoguer avec les décideurs politiques.  La polémique sur le "ruissellement" n'est qu'un avatar de ce qu'a été la politique de l'offre de François Hollande, largement inspirée par Emmanuel Macron. Les "marcheurs" ont beau jeu de prétendre qu'ils n'ont pas inventé cette politique : c'est absolument exact mais c'est un stratagème à courte vue pour ce qui est de s'exonérer de toute responsabilité quant aux effets puissamment aggravants de cette politique qu'il s'agisse de la crise sociale ou de la crise écologique, comme l'est cette stratégie politique qui mise avant tout sur l'amnésie des électrice⋅eurs et l'idée qu'il n'y a pas d'alternative raisonnable à cette politique. Il n'est pourtant pas du tout raisonnable de la poursuivre comme il n'est pas raisonnable d'adopter une approche autoritaire et verticale de la politique et tout particulièrement à l'égard de la crise écologique et de la crise sociale et du poids notamment financier qu'il s'agit de partager pour y faire face, accompagner les difficultés prévisibles de certains secteurs économiques, que ces difficultés résultent directement des dites crises ou des politiques qui viserait à davantage les anticiper que maintenant.Les habitant⋅es de ce pays qu'iels aient ou non accès au vote ne sont ni des idiots ni des amnésiques même si c'est un sport national de le prendre pour des imbéciles. Comment enfin peut-on ne pas voir que ces politiques, en particulier dans cet aspect qui vise à décrédibiliser toute forme de contestation politique organisée visant à défendre les populations qu'elles fragilisent, conduisent précisément Macron en tant que candidat à être le contraire d'un rempart contre l'extrême-droite, la xénophobie, une conception autoritaire et violemment antisociale et antiécologique du pouvoir et de l'action publique mais bien au contraire ce qui leur permet de prospérer et de prendre le pouvoir la prochaine fois ?

La pire imposture, celle qui fonde toutes les autres, ne tient cependant pas à des adhésions ou à des votes à tel ou tel courant politique, elle consiste à faire comme si le rendez-vous des élections présidentielles en France était la seule décision politique d'importance que nous prenions, et comme si ce qui était écrit sur un bulletin déposé dans une enveloppe résumait  cette participation. Or, ces deux illusions qui nous gagnent à l'approche de ces échéances en occultent la véritable importance. Oui cette élection est importante, elle est celle qui aura le plus d'impact sur nos vies quotidiennes et sur les générations futures, en l'absence d'élections et de referendum mondiaux pour des questions qui depuis longtemps voire toujours ne s'arrêtent ni aux frontières de la France ni à celles de l'Europe. Pour cette raison je suis convaincu qu'il faut voter contre toutes les impostures et en nous pardonnant individuellement et collectivement de ne pas faire un choix parfait, c'est à dire un choix qui n'aurait pas de conséquences funestes. En réalité, cette forme de responsabilité est un coup bien pervers porté à ce qui permettrait de se rapprocher d'une démocratie authentique. Certes, nul ne peut s'exonérer totalement de ce que feront en notre nom les personnes que nous contribuons activement ou passivement à faire élire. Mais cette action ramenée artificiellement à une action individuelle alors qu'elle s'inscrit dans des actions collectives qu'elles soient organisées par les partis politiques ou en marge n'a en elle-même aucun sens si elle nous fait porter le fardeau de son issue plus ou moins fatale, l'élection de telle femme ou de tel homme. Je dirais qu'elle participe à organiser nos impuissances collectives - y compris celles de nos gouvernants - si nous ne prenons pas en considération nos raisons de formuler tel ou tel choix, y compris celles de nous fourvoyer et de ne pas voter sinon pour le meilleur programme qui serait potentiellement mis en oeuvre, du moins pour le moins mauvais, si nous ne prenons pas en compte ce que nous ferons après. Même si l'histoire se joue comme elle nous a été préécrite, avec un second tour se jouant entre deux impostures cruelles et avec la cruauté de choisir en notre âme et conscience le moindre mal, il nous faut aussi bien refuser cette issue que le fait que ce soit une issue. Bien que les institutions et le calendrier actuels aient été conçus pour que ce pays soit "gouvernable" et par conséquent que les autres élection en premier lieu celles des député⋅es n'aient plus aucune importance, pas plus ni moins que les mobilisations futures visant à mettre les gouvernements quels qu'ils soient devant leurs lourdes responsabilités, il nous faut nous rassembler autour de cette possibilité que nous ne déléguons plus rien, raison pour laquelle il est devenu si compliqué de voter, mais que pour cette même raison le simple fait de voter reste un droit inestimable si il n'est qu'une des expressions du fait que nous n'accepterons plus de nous faire enlever une once de souveraineté à commencer par le droit de dire ce qui ne va pas, ce qui n'ira pas et ce qui doit être fait au niveau de l'État et de l'action publique, jusque dans les faits de nous rendre les moyens de peser sur cette action, partout.

Derrière toutes ces grandes impostures, il y en a une qui nous fait trébucher de la manière la plus visible qui soit. Tout en ayant pris la mesure des urgences sociales et écologiques, nos partis de gauche, collectivement atteints au cœur de ce qui devrait faire leur crédibilité, leur volonté d'agir pour de bon pour que nous soyons capables collectivement d'agir contre le changement climatique sans pénaliser celles⋅ux qui sont déjà les plus fragiles dans la société actuelle, semblent plus occupés à tenter de décrédibiliser les autres programmes de gauche et à écraser leurs concurrents qu'à se donner réellement les moyens de gouverner, et avant cela de convaincre les esprits et de gagner les cœurs. Ils parachèvent ce faisant le mal que leur ont fait à tous les reniements du parti socialiste et de ses alliés au pouvoir, tout particulièrement pendant le quinquennat de François Hollande, en ruinant une fois de trop la confiance que pouvaient encore leur concéder beaucoup d'électrice⋅eurs. Ce n'est pas qu'ils n'aient pas fait campagne, mais ils l'ont faite en présentant des programmes qui mettaient l'avenir dans des boîtes dont leurs candidat⋅es étaient les seul⋅es à avoir la clé, chacun⋅e se présentant comme le seul recours. Ainsi non seulement ils ont entretenu sciemment ou non la grande imposture d'un régime politique qui délègue trop à une seule personne dès lors que toutes les élections et la plupart des pouvoirs sont inféodés au seul résultat de la présidentielle, logique contre laquelle il est devenu nécessaire de se mobiliser encore plus que pour la présidentielle, mais ils ont traité avec le plus grand mépris pour l'essentiel la plupart des appels à une unité qui se serait faite d'une manière ouverte vers la société civile et les mouvements sociaux et qui aurait nécessité a minima de ménager les coups que ces candidat⋅es et leurs soutiens échangeaient pour tenter de construire sinon

Le renouveau de la démocratie, préalable à toute action publique contre la crise climatique et la crise sociale

La présidentielle 2022 ayant eu lieu en confirmant la domination de Mélenchon sur les autres candidat⋅es de gauche mais sans lui permettre d'accéder au second tour faute d'avoir au moins fait l'union avec le parti dont je suis adhérent, Europe Écologie Les Verts, nous avons eu exactement ce qui était à craindre et ce sont les électeurs de gauche, les classes populaires et les banlieues qui, loin des clichés, ont permis la victoire de l'imposture capitaliste sur l'imposture lepéniste. Nombre de commentateurs de la gauche, sans regarder les chiffres élevés de l'abstention notamment dans les quartiers, s'en sont pris un peu tard à cette concurrence délétère, les insoumis reprochant aux verts d'avoir empêché leur champion de déjouer les pronostics des instituts de sondage (ce qui aurait supposé ensuite de déjouer un pronostic encore plus défavorable puisqu'il était donné largement perdant au second tour contre à peu près n'importe quel⋅le candidat⋅e dans ce cas précis), les verts reprochant aux électeurs d'avoir empêché Jadot d'atteindre le seuil de remboursement des frais de campagne, sans voir qu'il aurait été possible en même temps de qualifier Mélenchon et de sauver les finances de mon parti en mobilisant une fraction très modeste des abstentionnistes. Dès lors, les esprits mobilisés ont poussé l'égarement à son comble en tirant à boulets rouges sur les personnes mobilisées pour quelqu'un d'autre que leur favori⋅e, prouvant une dernière fois l'absurdité de notre situation et de l'éparpillement des mobilisations et des mouvements sociaux. On ne dira jamais  assez que ce n'est pas facile de les rassembler, surtout face à une réelle action concertée, et que malgré cette grande, cette immense difficulté, malgré les passifs, les trahisons et les sentiments de trahison, nous n'avons pas d'autre choix.

Face à cette situation dont il a sans doute pris la mesure, Mélenchon a capitalisé sur sa demie-victoire en proposant un porte de sortie un peu humiliante aux autres partis de gauche, parvenant malgré cela à constituer une union de la gauche, la Nouvelle Union Populaire, Écologique et Sociale, ce avec une synthèse des programmes de la gauche. Cette synthèse est qualifiée par certain⋅es de social-démocrate et par d'autres d'extrême-gauchiste ou d'inapplicable, mais elle annonce la fin des politiques antisociales, une planification écologique qui pourrait être à la hauteur des défis, une ambition de revaloriser les services publics, de refonder notre démocratie en instaurant une sixième république dont il serait temps de définir un peu précisément les contours. Il faudra clarifier ce que serait la politique de maintien de l'ordre d'une éventuelle majorité élue et le rôle des mouvements sociaux et de ce qu'il est convenu d'appeler la société civile en cas de victoire aux législatives, mais ce programme étant en tout cas ce dont a besoin ce pays, et ce, au delà des seules mesures symboliques comme le SMIC à 1500€ (sans dire ce qui serait fait contre le chômage des moins qualifiés, sans doute créer massivement des emplois publics et des emplois aidés, sans quoi ce chômage exploserait et les promesses aux quartiers populaires ne seraient en rien tenues) ou la retraite à 60 ans pour tou⋅tes (qui n'a guère de sens pour la plupart des cadres, dont les retraites sont pourtant et de loin les plus élevées et les plus coûteuses à financer dans le système actuel et avec par ailleurs un flou malvenu sur la prise en compte de la pénibilité). Ainsi, Mélenchon qui s'y était sans doute préparé, a réussi à réaliser une union qui semblait impensable avant la présidentielle, fallait-il en passer par cette présidentielle-là, telle qu'elle s'est déroulée, pourquoi n'était-il pas possible de définir un programme législatif commun avant la présidentielle ? Qu'importe désormais. Fallait-il tout faire tourner autour de sa personne et de la fiction de l'élire comme premier ministre, qui est une promesse reposant sur une simple coutume institutionnelle qui n'a servi que trois fois en tout et pour tout, au détriment des véritables enjeux de l'élection de députés faisant réellement leur travail législatif sans être inféodés au pouvoir exécutif ? Sans doute pas, et sans doute peu de personnes susceptibles de voter pour la NUPES souscrivent à cette personnalisation des enjeux que Mélenchon a décidé de mettre en scène, mais il faut encore redireque la meilleure façon de montrer que cette vision de la vie politique française devrait avoir vécu est de s'engager par la suite dans un vaste mouvement revendicatif qui placera cette union de partis, la NUPES, devant ses engagements. En attendant, voter à l'élection des 12 et 19 juin pour élire des député⋅es qui feront leur travail législatif, sans être inféodé⋅es à un parti ni à une personne mais en faisant enfin face aux urgences sociales et écologiques, sans laisser d'autres décider pour nous, et donc en refusant l'abstention annoncée comme élevée et la démobilisation annoncée comme inéluctable, devrait être notre priorité à l'approche de cette échéance.

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