Je rends public le fait que j'ai participé à la consultation appelée "la primaire populaire", après avoir participé à la primaire d'EELV et en étant par ailleurs adhérent à ce mouvement politique (étant certainement ce que certains appellent "une pastèque"). Toutes les réserves formulées sur ce processus me paraissent justifiées même si elles sont parfois exagérées mais elles sont à mon avis amplement contre-balancées par le bras d'honneur permanent des candidat⋅es officiel⋅les des partis de gauche envoyé jusqu'ici à tou⋅tes celles⋅ux qui les ont supplié⋅es de se parler pour faire émerger une candidature commune et pourquoi pas un programme de compromis et des accords pour les législatives. C'est un processus bizarre en tout cas mais que ça nous plaise ou non il fait partie des développements en cours avec lesquels il faudra compter notamment parce qu'il peut amener dans d'autres mobilisations y compris celui des campagnes présidentielles et législatives des personnes qui n'en avaient pas l'expérience. Ce processus sera positif ou nocif, ça, l'avenir nous le dira mais que de nouvelles personnes se mobilisent pour notre démocratie, pour les urgences écologiques et sociales, ça c'est une bonne nouvelle, ne serait-ce que parce que les ancien⋅nes, les légitimes, les habitué⋅es, n'y ont pas réussi voire se sont dégouté⋅es. Je vois quotidiennement des personnes qui ont des convictions et une action respectables se tirer dans les pattes, se reprocher leurs trahisons, leurs positionnements, avoir des comptes à régler sur des choses qui sont parfois de vraies trahison, c'est mon sentiment sur le PS et notamment Hollande, c'est dur pour tout le monde de garder le cap mais je ne suis pas le seul à dire aux nouvelles personnes qui vont se mobiliser : juste BIENVENUE. Bienvenue dans la grande arène, même si vous perdez des illusions et même si il faudra vous bagarrer, souvent, avec des personnes qui partagent avec vous pas mal de convictions sur l'essentiel, au lieu de garder toute votre énergie pour ramener des voisin⋅es dans les bureaux de vote, des camarades dans les luttes, des votes pour sortir de ce m...er, ça vaut le coup. On n'a pas le choix. Qu'on soit coco, écolo, socialo, dégoûté⋅es ou pas, il va falloir se parler. Personne ne peut gagner seule.
Depuis que j'ai publié ce manifeste personnel sur le réseau Facebook, les résultats de la consultation sont tombés et ils pourraient aboutir à une démobilisation forte des électrice⋅eurs de gauche et même dans certains cas des militant⋅es : en effet, elle a échoué à départager les candidat⋅es des principaux partis de gauche puisqu'elle a écarté sans doute prématurément les candidat⋅es trotskyistes et communistes, sans doute pour des raisons de timing et d'arithmétique (10 au départ avec une élimination a posteriori des personnes s'étant ralliées à un⋅e autre candidat⋅e et l'émergence de personnalités plus proches des milieux associatifs ou d'une construction de mouvements alternatifs qui n'ont pas encore percé, ça faisait finalement un peu juste !) et elle a plébiscité une candidature Taubira qui apparaît sans doute comme une bonne synthèse des différents courants ayant participé à la consultation, mais ne règle en rien le problème de la surabondance des candidatures à gauche et ne permet pas non plus de se déterminer en tant qu'électeur ou électrice. Comme l'ont rappelé juristes et organisatrice⋅eurs de la "primaire populaire", celle-ci n'a rien d'un sondage et ne peut prétendre à une représentativité des fractions de l'électorat qui pourraient se reconnaître dans le socle commun qui avait été discuté en amont de ce processus ou dans telle ou telle convergence de certaines propositions à gauche. Outre ce problème de légitimité, d'aucun⋅es ont souligné le potentiel découragement de certain⋅es participant⋅es suite à un processus de validation nécessitant la possession d'une carte bancaire. Plus profondément, une campagne électorale est un processus dynamique et incertain où une consultation d'étape peut voir sa pertinence sapée en quelques jours par de nouveaux développements que mesurent aussi, avec toutes leurs imperfections, les sondages d'intentions de votes. Il y a donc de fortes chances qu'en lui-même le processus contribue à aggraver ce qu'il s'agissait d'éviter : l'éparpillement des voix à gauche et l'élimination de tou⋅tes ses candidat⋅es au second tour.
Ce premier dénouement redonne aux partis de gauche une certaine légitimité là où la primaire populaire s'est construite dans une remise en question de leur attitude collective, de leur incapacité à l'échelon national et pour l'essentiel à faire avancer leurs projets de refondation d'une république sociale et de lutte contre le réchauffement climatique et d'autres enjeux de l'écologie, malgré certaines convergences programmatiques. Je crois que c'est ce ressentiment chez des citoyen⋅nes mais aussi des élu⋅es qui a conduit au "serment de Romainville" et aussi à une participation non négligeable. Pour autant, ce processus en lui-même ne peut réellement constituer qu'un élément finalement non contraignant dans les décisions de vote et à moins d'un consensus massif chez les élu⋅es de gauche, on peut douter que le blocage des parrainages à gauche n'ait d'autres effets que de ralentir leur recueil et d'achever d'énerver les soutiens des autres candidat⋅es de gauche. De plus, la "primaire populaire" n'en apparaît que d'avantage (bien qu'elle ait inclus dans son socle la transition vers une sixième république, plus parlementaire et surtout plus ouverte aux initiatives citoyennes), inscrite dans le présidentialisme et le mode de scrutin et même de désignation des candidat⋅es aux présidentielles de cette 5e République. Enfin, et c'est sans doute un péché de jeunesse de toutes les initiatives citoyennes, lorsqu'elles visent à surmonter un sentiment d'impuissance, il y a sans doute eu un peu d'hybris à croire qu'un processus de désignation en ligne, par nature non consensuel puisqu'il prenait acte du dissensus, puisse à lui seul permettre de dépasser la fracturation des gauches, ancrée dans une histoire longue et lourde de sentiments de trahisons et d'espoirs déçus.
Évidemment, tout cela n'a pas grand chose à voir avec le succès ou l'insuccès qu'aura la candidature Taubira, mais beaucoup avec la possibilité que des discussions entre les forces de gauche en présence puissent encore se tenir, quelle qu'en soit l'issue. À ce stade et puisque les échéances se rapprochent, il me paraît en tout cas légitime de considérer que cette candidature ne peut pas être considérée ni comme la seule ni comme à part : la participation à une consultation qualifiée de primaire populaire ne saurait engager les candidat⋅es ni les électrice⋅eurs, même celles⋅ux ayant participé à la dite primaire, en tout cas pas de manière massive, et certainement pas en étant aveugle aux propositions en présence à gauche et à la dynamique des campagnes. Sans même parler des revirement d'Anne Hidalgo à ce sujet, les participant⋅es à la primaire d'EELV et la "primaire populaire" ont ainsi pris deux engagements contradictoires suite à la relégation de Jadot en deuxième position, ce dernier étant dans une position particulière puisqu'il s'était désisté au profit de Hamon en 2017. Or, à ce stade, cette candidature Taubira peut être pénalisée assez fortement par une certaine impréparation face à ce changement de statut et à des concurrent⋅es qui se sont déclaré⋅es beaucoup plus tôt. Pour ce qui est des personnes ayant participé au militantisme de la "primaire populaire", on peut penser qu'il prendra des formes variées dans la campagnes.
Dans cette période d'incertitude et face à leur possible déception, il est sans doute bon de rappeler que tout ceci vient bien au départ de la faiblesse électorale de la gauche, dont la division n'est qu'un des éléments d'explication qui ne peut effacer les autres : montée de l'abstention notamment chez les jeunes et les classes populaires, criminalisation des mouvements sociaux et de défense de l'écologie, monopolisation des media par des courants conservateurs et xénophobes. Les actions à mener pour contrer ces tendances funestes ne manquent pas, qu'on souhaite inscrire ce type d'action dans tel ou telle candidature ou parti ou en s'en démarquant.