Les élections dans le Land du Brandebourg, bastion historique de la Social-démocratie et fief de l’actuel chancelier Olaf Scholz, confirment la montée en puissance du parti AFD (Alternative pour l’Allemagne), 30,9%, construit par un nostalgique du 3ème Reich et de BSW (Alliance Sahra Wagenknecht), 13,5%. La CDU (Démocratie Chrétienne) essuie une cuisante défaite, 12,1% et les Verts, 5% perdent 50% de leur électorat. Ce sont les éléments d’une recomposition politique qui sont pour le moins inquiétants. A juste titre le journal le Monde parle d’un répit face à cette vague néo-fasciste et national-populiste qui monte. Dans un article précédent nous avions souligné ce que représentait dans l’histoire de la gauche allemande la montée d’un courant qui parti d’une convergence de vue avec la France Insoumise se radicalise aujourd’hui vers un « populisme conservateur », selon les propres termes utilisés par Wagenknecht. Ce que nous soulignons avec les résultats de cette élection, c’est une convergence de fait entre les deux formations sur la politique migratoire, qui la situe sur la même ligne que Marine Le Pen en France. Surtout sur l’International : L’un et l’autre sont contre l’aide militaire à la résistance ukrainienne et soutiennent le régime de Poutine. Cela fait beaucoup n’est-ce pas ? Les pressions sur le gouvernement allemand s’amplifient et vont peser contre une issue positive à la guerre en défaveur de l’Ukraine.
Un journaliste de Médiapart, Fabien Escalona, a publié la veille du scrutin dans le Brandebourg un article intitulé : « Gauche conservatrice » : pourquoi la formule de Wagenknecht ne prend pas en France ? » Il recoupe un certain point de vue d’hommes et de femmes de gauche dans notre pays, pour qui Jean Luc Mélenchon reste « arrimé » au corpus de la gauche. C’est une discussion qu’il faut approfondir. En fait, formellement ce n’est plus tout à fait exact, à Gauche sa candidature pour une élection présidentielle devient pour une partie de l’électorat plus un handicap qu’un atout. Venons-en à la discussion de fond au-delà des questions électorales.
Les populismes procèdent de la décomposition du mouvement ouvrier mondial, dans ses deux formes historiques, la social-démocratie et l’ex-internationale stalinienne, ce n’est pas une sortie par la porte gauche mais par la droite. Cette décomposition va plus ou moins rapidement selon les pays. Leur point d’appui doctrinal ce n’est pas le rapport capital-travail à l’échelle mondiale, la nécessité d’une alternative anticapitaliste, mais le monde multipolaire. Jean Luc Mélenchon, qui vient d’intervenir dans plusieurs pays africains dont le Sénégal, a une stratégie en faveur BRICS, accords économiques entre pays dits émergents, sous la direction aujourd’hui très majoritairement de régimes dictatoriaux ou autoritaires (Russie, Chine, Inde…)
Le populisme est le corps doctrinal dont il a besoin pour justifier son rapport et son respect des institutions gaullistes : sa théorisation des rapports du leader au peuple, par-dessus la tête des « corps intermédiaires » est reprise à Chantal Mouffe et Ernesto Laclau. La question de la démocratie dans son mouvement, qui vient de se produire avec l’expulsion violente de cadres politiques qui étaient des fondateurs du PG et du FDG, est la traduction de son rejet d’accepter la démocratie dans son propre mouvement, donc la liberté de construire un courant ou un parti. Comme De Gaulle il rejette « le régime des partis ». Toute sa politique, comme celle de Chavez hier et Wagenknecht aujourd’hui, est orientée sur ce que permet le capitalisme national. Quant au rassemblement des gauches en 2020 et 2024, elles ne sont pour son petit imperium qu’un marchepied vers la course à l’Elysée, et non d’unir la gauche dans un front démocratique commun.
Certes la France selon FI n’est pas l’Allemagne selon Wagenknecht, comme l’Espagne selon Podemos n’est pas celle des populismes latino-américains qui ont inspiré Mélenchon. Mais globalement les populismes sont pour le prolétariat et sa jeunesse une impasse qui l’enferme dans la crise des capitalismes nationaux. Ainsi Hugo Chavez a construit sa popularité dans une période d’embellie économique au Venezuela, ce qui lui a permis de redistribuer de la richesse. Aujourd’hui Maduro impose une dictature, les institutions bonapartistes du pays le lui permettent.
Si Wagenknecht et l’AFD ont pu bénéficier de scores électoraux élevés, hier en Thüringe et en Saxe, aujourd’hui dans le Brandenbourg, c’est que la raison objective est que le prolétariat de l’ex-RDA dans l’Allemagne réunifiée en est sa fraction la plus appauvrie et déshéritée. La politique des coalitions SPD-Démocratie chrétienne adaptées aux exigences du néo-libéralisme ont abandonné ces couches à la démagogie néo-fasciste et populiste. Que Wagenknecht se radicalise plus à droite que la FI chez nous ne signifie pas que nous soyons à l’abri de telles radicalisations. Que Mélenchon soit obligé de tenir compte du NFP et de l’aspiration à l’unité contre le RN, c’est une certitude. Ceci dit, il ne perd pas une occasion de poignarder le fragile accord sur lequel s’est constitué le NFP : le 7 septembre la FI appelle seule à manifester sans faire appel à l’ensemble des forces qui se sont mobilisées pour créer le NFP. Le 21, en s’appuyant sur les organisations de jeunesse, la FI appelle à rejoindre sur la ligne de la destitution « institutionnelle » de Macron. Dans les deux cas ces manifestations sont un échec.
Sur les questions internationales, la complaisance de Mélenchon et au-delà de la France Insoumise d’une partie de la gauche et de l’extrême gauche française (POI lambertiste) vis-à-vis de la Russie poutinienne est pour le moins aussi inquiétante que les dérives du BSW. Lors du discours fait à la fête de l’Humanité, Mélenchon centre son offensive contre le génocide à Gaza mais continue après 2 ans et demi de guerre de la Russie poutinienne contre les droits nationaux du peuple ukrainien, légitimant la résistance armée, à se taire.
Celui qui se tait exonère Poutine et ses crimes.
Résultat Land de Brandebourg
SPD : 30,9%
Afd : 29,3 %
BSW : 13,5%
CDU : 12,1% cuisante défaite
Verts : 5% soit -50%