"Emmanuel Macron a été réélu président de la République avec 58,54% des voix" : sûr ?
C'est sans tenir compte des électeurs inscrits qui ont voté blanc ou nul (3,0 millions), des électeurs inscrits qui se sont abstenus (13,7 millions), et des Français majeurs qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales (2,2 millions). Or ces trois dernières catégories de Français – qui sont donc 18,9 millions – sont tout autant Français que les 18,8 millions qui ont voté É. Macron ou les 13,3 millions qui ont voté M. Le Pen le 24 avril dernier.
Si É. Macron a bien été élu par 58,5 % des votes exprimés au second tour des élections présidentielles, ses électeurs ne représentent que 38,5 % des inscrits et 36,8 % des citoyens potentiellement électeurs (Français majeurs résidant en France et inscrits à l'étranger). En 2017, ces pourcentages étaient respectivement de 66,1, 43,6 et 39,2 % : É. Macron est donc moins bien élu que cinq ans plus tôt, perdant près de 12 % des votes exprimés ou des inscrits, et près de 6 % des citoyens potentiellement électeurs.
É. Macron peut-il compter sur tous les électeurs qui ont voté pour lui au second tour ? Le soutiendront-ils ? Rien n'est moins sûr, car nombre d'entre eux n'ont pas mis un bulletin de soutien ou d'accord avec le nouveau président, mais un bulletin de rejet de la candidate du Rassemblement national. C'est le premier tour qui permet de savoir de quel soutien dispose le président, combien de Français sont d'accord avec son projet. Or au premier tour, si É. Macron a obtenu 27,8 % des votes exprimés, seuls 20,1 % des inscrits ont voté pour lui, et 19,2 % des citoyens potentiellement électeurs : un citoyen français sur cinq seulement a soutenu le projet d'É. Macron. C'est un peu mieux qu'en 2017, où ces chiffres se montaient respectivement à 24,0, 18,2 et 16,4 %.
Mais cela reste très faible et pourrait se traduire par de très fortes oppositions à l'avenir à tel ou tel projet (ou absence de projet) du président, d'abord dans les urnes en juin prochain, et surtout dans la rue pendant les cinq longues années au cours desquelles la souveraineté du peuple – au fondement de notre système politique – est suspendue, mise entre parenthèses par le système électoral. Cette souveraineté ne pourra alors que s'exprimer ailleurs, et notamment dans la rue, avec la légitimité que lui auront donnée les chiffres des présidentielles que nous venons de voir.