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Billet de blog 28 novembre 2024

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L'agglomération du Havre contre les chemins de randonnée ! Qu'en dit Édouard Philippe ?

Monsieur Édouard Philippe, maire du Havre, ignore t-il que l’administration de sa  ville a interdit  brusquement, et de manière unilatérale, aux  randonneurs et habitants d’un village normand l’accès à un bois situé sur le territoire de cette petite commune.

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Monsieur Édouard Philippe, maire du Havre, ignore t-il que l’administration de sa  ville a interdit  brusquement, et de manière unilatérale, aux  randonneurs et habitants d’un village normand l’accès à un bois situé sur le territoire de cette petite commune.

Illustration 1

Yport est un village de Seine-Maritime, d’environ 800 habitants. Situé à une cinquantaine de kilomètres au nord du Havre, au bord de la Manche, dans l’agglomération de Fécamp,  le village de pêcheurs triple ses effectifs en été, sans être, fort heureusement, victime du surtourisme. Dans les années 1960 est découvert sur le territoire de la commune, dans le bois de la Vierge, un « gisement karstique »[1], permettant d’alimenter en eau potable des dizaines de milliers d’habitants. Dans les années 1970, le Havre achète le terrain et l’aménage pour alimenter son agglomération. Il arrive même que Le Havre exporte (moyennant rétribution) de l’eau d’Yport…. à Yport via l’agglomération fécampoise !

La source est aménagée, protégée à juste titre par une clôture, mais le reste du bois et notamment un chemin de randonnée qui le traverse et donne accès aux village et hameau voisins de Froberville et Les Hogues, sont restés ouverts au public. Un arrêté préfectoral du 11 mars 1985 rappelle l’existence de ce périmètre de protection restreint et d’un autre élargi, zone dans laquelle la promenade demeure autorisée dans des conditions précises. Ceci est rappelé sur des panneaux aux entrées du bois : « En pénétrant sur ce site vous vous engagez à garder vos déchets, rester sur les chemins, tenir votre chien en laisse, ne pas chasser sans autorisation, ne pas circuler avec des véhicules à moteur, ne pas introduire de substances dangereuses interdites ».

Durant plusieurs décennies, nul souci. En 2022 le PLUI (Plan local d’urbanisme intercommunal) indique le chemin de randonnée comme une voie à « créer ou entretenir », dans ce périmètre de protection des espaces naturels, s’agissant d’un  « emplacement réservé »  dont le bénéficiaire est la commune d'Yport. Le PLU est opposable aux propriétaires privés, tenus de s’y conformer[2].

Or, en juillet de cette année, grande fut la surprise des habitants et usagers de cette promenade, de découvrir l’accès interdit  à toute cette zone par des barrières en bois doublées de fil de fer, sans même que les panneaux n’aient été changés, et surtout sans concertation, ni même information préalable, ne serait-ce que du conseil municipal, sans même parler des habitants.

C’est dans ces conditions qu’un collectif s’est formé et a entrepris des démarches pour obtenir d’abord des informations, demander la réouverture des accès, étant prêt à la discussion en cas de besoin d’un itinéraire alternatif, ce qui est d’ailleurs préconisé par les règles en vigueur.

La réponse apportée par l’administration de l’agglomération du Havre, un simple courriel, a laissé pantois les usagers habituels. Au cours « des dernières années » auraient été constatées l’existence de « cabanons en plastique » ; (nous n’avons jamais vu qu’une « cabane » , en réalité quelques branches de bois mises ensemble), des passages de deux-roues motorisés, des « résidus à même le sol avec résidus de combustions », des « tags sur des panneaux » (il y a trois panneaux, aux trois entrées du bois). Malgré les demandes, aucune précision sur les dates de constat, ni communication de rapports. Les promeneuses et promeneurs avaient au contraire constaté qu’en général il n’y a pas de déchets, et que les motos ont cessé de circuler depuis de nombreuses années, des obstacles naturels désormais les en empêchant. Aucune conséquence en tous cas sur la qualité de l’eau, contrairement aux dégâts que peuvent causer les pesticides et autres produits polluants, heureusement interdits aussi dans les cultures avoisinantes et, en principe, surveillées.

Il est à noter que cette réponse s’appuie sur l’arrêté préfectoral de 1984, ignorant le PLU de 2022 et les obligations mises à la charge du propriétaire[3].

La transparence n’est guère de mise du côté de l’administration, qui indique que les communes concernées seraient en train de déclasser les chemins de randonnée ! Première nouvelle. Rien de tel n’est indiqué dans les comptes-rendus et ordres du jour des conseils municipaux concernés[4]. S’agit-il de pressions exercées par la grande agglomération havraise auprès de petites municipalités dont elle pompe l’eau ? Ou bien des tractations seraient-elles en cours sans que la population soit informée et invitée à donner son avis ?  Pour l’instant la demande de documents, en principe accessibles de droit, se heurte à des non-réponses.  Les maires concernés céderont-ils aux diktats de l’administration d’Edouard Philippe, ou bien rempliront-elles leur mission de défense de leurs habitants et des intérêts de leurs communes ?

Une procédure devant la CADA est discutée par le collectif, qui a désormais décidé de rendre publique l’affaire.

Après une première lettre signée par plusieurs dizaines d’habitants et usagers en septembre, viennent d’être publiés deux articles, l’un dans l’hebdomadaire Le Courrier cauchois, l’autre dans le quotidien Paris-Normandie.

Difficile maintenant pour Édouard Philippe, maire du Havre, d’ignorer la situation, il lui appartient de rétablir l’autorité du politique – au sens noble du terme, la vie de la cité  – sur l’administratif.

Illustration 2
En rouge, la zone désormais interdite, avec le chemin qui traverse le bois.

[1] https://www.persee.fr/doc/karst_0751-7688_1983_num_2_1_2050

[2] Voir le Plan de zonage avec légendes https://ville-yport.fr/wp-content/uploads/2022/05/18_Plan-de-zonage-Yport-Saint-Leonard-ouest.pdf

[3] La fermeture n’est en tout cas pas fondée la scandaleuse loi de 2023 qui, au nom de la protection de l’environnement,  autorise les propriétaires privés à décider unilatéralement, sans démarche préalable auprès des autorités compétentes,  l’interdiction aux promeneurs  l’usage des chemins de randonnée.

https://www.tf1info.fr/societe/video-reportage-lamentable-dans-le-haut-rhin-les-proprietaires-qui-privatisent-leurs-sentiers-accuses-de-detourner-la-loi-par-les-randonneurs-2336210.html

https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/mulhouse/privatisation-de-chemins-de-randonnees-dans-le-massif-vosgien-on-craint-que-la-fermeture-de-sentiers-se-multiplie-si-on-n-agit-pas-3048307.html

[4]Pour mémoire,  la loi du 22 juillet 1983, complétant celle du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, le législateur a transféré aux départements, la compétence en matière d’itinéraires de promenade et de randonnée. Ainsi il est désormais établi dans chaque département un Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) ayant pour objectif général « de favoriser la découverte des sites naturels et des paysages ruraux, en développant la pratique de la randonnée pédestre et éventuellement équestre ».

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