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Billet de blog 2 mars 2022

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L'Europe face à la guerre

La constitution de l'Europe par ses ressortissants même.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A Olivier Tonneau

J’ai apprécié votre analyse et votre écriture comme d’habitude élégante et synthétique. Cependant, sur le fond, j’y trouve à redire. Veuillez accepter ce contre-dit amical que je place sur mon blog « le blog de Rocafortis » ici même, car il prendrait trop de place en post sur le votre.

Existe-il, comme vous semblez le croire « une analyse de gauche sur les relations entre la Russie et l’Occident ». Je ne crois pas possible une chose pareille car le concept d’Occident ne me semble pas recevable en vocabulaire de gauche. Cette confusion sémantique induit à mes yeux la faiblesse de votre analyse qui me semble toute entière inscrite dans de fausses prémisses, desquelles découlent, in fine, les conclusions ubuesques auxquelles vous parvenez en fin d’analyse. Voyons celles-ci d’entrée :

On ne peut, semblez vous penser, ni offrir l’Ukraine en pâture à la Russie, ni la lui refuser et, de cet insoluble dilemme cornélien, vous déplacez le problème en un espoir  « ailleurs qu'en Europe ou aux États-Unis » .

Espoir en la résistance des peuples russe et ukrainien aux fins, si ce n’est de stopper, du moins de ralentir les ambitions que vous prêtez à Poutine.

Et dans la foulée, vous préconisez une conférence de sécurité en Europe,« conférence visant à assurer la paix » dans le but de « favoriser l'isolement de Poutine y compris dans son propre pays »

Cette conclusion assez ubuesque fait d’abord l’impasse sur ce qui prédétermine tout cela : Poutine le refuserait-il ? Les américains l’accepteraient-ils ? Il y a dans vos analyses une défaillance de la prise en compte de l’environnement large.

Plus grave, il y a dans votre présupposé de départ : « une analyse de gauche sur les relations entre l’Europe et l’Occident », un trend pro-occidental non-questionné, qui se répercute tout le long de votre texte.

Je n’en reprendrais pas tous les éléments, préférant brosser en quelques lignes un tableau plus véridique des faits.

Mais, juste ceci : « l'impérialisme russe est une réalité, qu'il s'exerce déjà au Kazakhstan et en Biélorussie » montre la faiblesse de vos arguments, puisque ces deux pays sont indépendants depuis 1991 du fait, précisément de la Russie post-soviétique..

En réalité Poutine est un dirigeant nationaliste autoritaire qui a repris un pays en ruines des mains d’un criminel pro-occidental nommé Elstine. La population traumatisée a repris confiance en elle au bout de vingt années de restructuration efficace. Aujourd’hui la Russie est à flot, ses réserves valent 600 milliards de dollars et son endettement est de 20 %. Pays extractiviste, la Russie voit sa richesse augmenter automatiquement depuis 20 ans. Ses richesses sont un intrant indispensable dans les demandes de la planète entière. Des sondages (les mêmes qu’ici) et des élections permettent de penser qu’il est soutenu par au moins 60 % de la population.

Disant cela, je précise que je suis politiquement un farouche adversaire du Président Poutine et que j’espère que les événements en cours vont favoriser sa prochaine destitution.

Tout cela pour vous faire remarquer que votre postulat qui prétend qu’ « Il semble aujourd’hui impossible de nier l’impérialisme poutinien » est loin d’être démontré. L’impérialisme Russe a cessé avec l’Union Soviétique dont la dernière tentative en ce sens, l’Afghanistan, s’est soldée par la dissolution de l’agresseur lui même.

Aujourd’hui la Russie est une grande puissance militaire et nucléaire agressée qui réclame depuis vingt années une solution diplomatique à sa frontière occidentale. C’est dans ce contexte qu’il faut interpréter les événements d’Ukraine depuis Maïdan (2014) jusqu’à la présente invasion.

Il faut comprendre que Poutine se fiche totalement de l’Ukraine et a acté son indépendance depuis fort longtemps (ce sont même les soviétiques qui ont crée l’Ukraine comme d’autres satellites).

Le sort des russophones mis à part (agression de Maïdan et d’Odessa), le régime assure la différence avec son extérieur proche comme il l’a fait pendant 70 ans avec la Finlande. Et ce n’est pas le spectacle piteux d’une Ukraine vidée de ses habitants et dévalisée par les oligarques qui peut le contredire.

« Poutine ne s’est pas fixé pour but de guerre la neutralité de l’Ukraine mais sa démilitarisation et sa dénazification »

Ce que vous décrivez là, démilitarisation et dénazification, est évidement un souhait de la Russie, of course ,mais est-ce pour autant son but de guerre.

Je ne crois pas. Le but de guerre de Poutine est l’obtention d’un accord et une reconnaissance de l’existence et du besoin de sécurité de son pays après 30 années d’humiliation.

En somme, le traité de paix qui n’a pas été signé en 1945 et qui signerait accessoirement la fin de sa volonté d’expansion.

Ce traité s’avère impossible avec les USA, comme l’ont prouvé de nombreuses tentatives ainsi que la dénonciation par les américains de tous les traités de limitation nucléaire.

Il faut ,là, prendre en considération , ce que vous ne faites pas, le déclin de Empire américain. «puissance aussi stupide qu’agressive » dites-vous, mais surtout puissance sur le déclin.

Voici la clef de compréhension de la situation : l’activisme américain en Europe : Face à la Chine, les USA voudraient obtenir rapidement une sécurisation du front oriental de leur empire. Pour cette raison impérative, oubliant toute prudence, ils n’hésitent pas à pousser le vieil ennemi russe dans ces derniers retranchements.

La stratégie du fou ne fonctionne pas que d’un seul coté. D’un coté Poutine prend certes l’Ukraine en otage pour parvenir à ses fins mais de l’autre les USA utilisent de la même façon toute l’Europe comme mercenaire dans sa guerre.

Ayant établi ces quelques faits clairement, il devient alors possible de reformuler vos conclusions (en ce qu’ elles ont d’hasardeuses) en quelque chose d’un peu plus solide.

Une conférence pour la sécurité et la paix n’est pour l’instant pas possible en Europe sans la présence des États -unis, étant donné le degré d’inféodation de son personnel politique au Consensus de Washington.

Et avec la présence des USA, elle devient inutile car vouée à l’échec.

Par contre, une initiative européenne, portée par des forces politiques indépendantes de toutes les pays qui la composent ,qui pourrait prendre la forme de grandes pétitions et manifestations, partout et aussi longtemps que nécessaire, voila ce qui pourrait imposer l’idée d’une Conférence dédiée.

Celle-ci pourrait, ou non, se tenir en présence des grandes puissances avec comme idées-force, le retour au statu-quo ante, des négociations tout azimuts sur les aspects militaires, diplomatiques, économiques, écologique et de coopération avec la mise en place d’une structure permanente de dialogue type OFCE renforcé.

Pour ce faire, le verrou le plus puissant à faire sauter est certainement, sur cette question, les institutions actuelles de l’Europe qui, ne l’oublions jamais, viennent juste d’instaurer un régime de censure médiatique sur toute l’Europe ?

Ce que n’a pas pu réussir l’espoir (passion joyeuse) dans la construction de l’Europe sera t-il obtenu par la peur (passion triste) ?

Nous verrons !

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