Note de Rocafortis
Reprendre le contrôle de nos vies est une urgence absolue alors que le vieux monde sombre et nous entraîne avec lui dans la destruction de tout ce qui a de la valeur. Ce sera une tâche collective et une tâche de longue haleine. Une occasion s’offre à nous dès lors que l’ennemi a franchi la ligne rouge de l’insupportable. Bloquer puis reconstruire. Je recommande, avec le soutien des maires, une réappropriation de certains bâtiments publics (puisqu’il en reste encore et qu’ils sont à nous) et la tenue de nouveaux cahiers de doléances en hommage à 1789 et aux Gilets Jaunes qui ont rallumé la flamme. Pour commencer. Pour se reconnaître mutuellement. Car il faut tout reconstruire, y compris le sens de nos vies, qui n’en a plus aucun. Un face à face avec le pouvoir pour le faire céder signerait notre défaite puisqu’il n’aurait de cesse de tout reprendre. Il faut le désagréger dans ce qui le rend nuisible. Une phase transitoire est à prévoir pour reconquérir le leadership moral et politique qui gît dans le caniveau. Ce sera une phase de délégitimation et c’est à notre portée étant donné la pourriture ambiante. Puis nous pourrons tenter de rebâtir en puisant dans notre riche histoire politique tout ce qui a émancipé le peuple. Une nouvelle fois, le monde peut changer de base. Ne laissons pas passer cette chance !
L'administration d'Emmanuel Macron doit prendre fin
09/09/2025
jacobin-com.
Tous les deux ou trois mois, le président français Emmanuel Macron nomme un nouveau gouvernement, sans que ses premiers ministres ne parviennent jamais à rallier un véritable soutien. Le problème fondamental réside dans le président lui-même et dans un programme d'austérité dogmatique, que la plupart des Français rejettent.
Le refus du président Emmanuel Macron de respecter les résultats des élections législatives de juillet 2024 et son entêtement à nommer des Premiers ministres issus de la droite et du centre droit ont conduit à une crise politique et institutionnelle. (Nicolas Economou / NurPhoto via Getty Images)
En France, un nouveau mouvement social né au milieu de l'été a menacé de « tout bloquer » dès ce mercredi 10 septembre pour protester contre les mesures d'austérité imposées par le gouvernement. À la surprise générale, le Premier ministre François Bayrou a ensuite appelé à un vote de confiance à son propre gouvernement le lundi 8 septembre, malgré un échec quasi certain.
Finalement, Bayrou a perdu le vote de confiance, avec 364 députés votant contre et 194 pour. Cela signifie qu'un nouveau Premier ministre a été contraint de démissionner, ce qui pourrait freiner la mobilisation qui se prépare. C'est du moins ce qu'espère le président Emmanuel Macron.
Alors que la France est plongée depuis plus d'un an dans une crise de régime majeure, les événements des prochains jours et des prochaines semaines s'annoncent décisifs. Marqueront-ils définitivement l'effondrement du macronisme et de ses politiques néolibérales ? Seront-ils une opportunité pour la gauche radicale, ou risquent-ils d'entraîner la montée en puissance tant redoutée de l'extrême droite ? Tout dépendra de la force et de l'évolution de ce mouvement et de son alliance avec les syndicats et les partis de gauche.
L'offensive néolibérale obstinée des Macronistes
Le 15 juillet, espérant sans doute profiter de l'apathie politique estivale, Bayrou a présenté son plan budgétaire pour les années à venir lors d'une conférence de presse aux accents apocalyptiques. Selon lui, la France se trouve « dans une situation de danger extrême » en raison de son endettement excessif (114 % du PIB) et de son déficit (5,4 % du PIB).
Bayrou, membre de la coalition macroniste, a ainsi réclamé 43,8 milliards d'euros d'économies supplémentaires d'ici 2026. Ces économies se feraient, bien sûr, aux dépens des classes populaires : énième réforme de l'assurance chômage ; non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois ; gel des retraites, des prestations sociales et des budgets des collectivités locales ; suppression de certains médicaments de la liste des médicaments remboursables ; nouvelles privatisations, etc.
Pour couronner le tout, Bayrou a promis la suppression de deux jours fériés sans compensation, ce qui équivaudrait à faire travailler gratuitement chaque travailleur un trimestre supplémentaire par an au cours de sa vie. À cela s'ajoute le fait que le budget de l'armée devrait encore augmenter d'ici 2030 (64 milliards d'euros contre 32 milliards en 2017), tandis que les budgets de la transition écologique, des hôpitaux et de l'éducation stagnent bien en deçà des niveaux nécessaires.
Bayrou a poursuivi obstinément la politique de ses prédécesseurs tout au long de l'ère Macron : une « politique de l'offre » qui consiste à déposséder les pauvres pour enrichir les riches.
Bayrou a ainsi poursuivi avec obstination la politique de ses prédécesseurs tout au long de l'ère Macron : une « politique de l'offre » qui consiste à déposséder les plus pauvres pour enrichir les plus riches. Il n'est donc pas question de rétablir l'ISF (4,5 milliards d'euros de manque à gagner par an), de supprimer la flat tax sur les revenus du capital ( 9 milliards d'euros par an), ni de remettre en cause les aides publiques versées aux entreprises sans contrepartie sociale ou écologique (211 milliards d'euros). Or, ce sont les politiques de baisse de l'impôt sur les sociétés et sur les ménages les plus aisés qui ont creusé le déficit public et conduit à la situation d'endettement actuelle. Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, Macron a créé environ 1 000 milliards d'euros de dette. Dans le même temps, le patrimoine des cinq cents plus grandes fortunes de France a doublé.
Le Premier ministre sortant, qui a soutenu tous les gouvernements successifs de l'ère Macron, est ainsi l'un des responsables de cette inflation de la dette publique, qu'il a cherché à faire payer aux plus démunis. Il n'est donc pas étonnant que le plan de Bayrou ait suscité la controverse. Le refus de Macron de respecter les résultats des élections législatives de juillet 2024, remportées par la coalition de gauche du Nouveau Front Populaire (NFP), et son entêtement à nommer des Premiers ministres de droite et de centre droit avaient déjà provoqué une crise politique et institutionnelle sans précédent. La crise économique et sociale qui s'annonce risque d'être explosive.
« Bloquons tout »
Cet été déjà, une pétition contre la loi Duplomb sur l'agriculture, qui visait notamment à autoriser l'utilisation de l'acétamipride (un pesticide toxique), a recueilli plus de deux millions de signatures. Un record pour ce type d'instrument démocratique, signe déjà d'un climat social tendu.
Tout au long de l'été, les médias grand public ont décrit la mobilisation populaire prévue pour le 10 septembre comme un mouvement tantôt « nébuleux » et « confus », tantôt « complotiste » ou « d'extrême droite », voire « orchestré par la Russie ». Il est vrai que le slogan « Bloquons tout » apparaît comme un appel multiforme, repris de tous côtés sur les réseaux sociaux.
Les initiateurs de l'appel sont énigmatiques : il a été initialement lancé par « Les essentiels », un groupe souverainiste apparu mi-mai sur les réseaux sociaux, notamment TikTok. D'abord marginal, son audience a explosé en juillet suite aux annonces de Bayrou. Sur leur site web , les essentiels affirment ne pas avoir de porte-parole et détaillent leurs propositions dans un plan intitulé « France souveraine » : sortie de l'Union européenne, réduction des « charges patronales », création d'un emprunt national pour racheter la dette publique et relocalisation des emplois en taxant les importations. Ils dénoncent les médias, les accusant de s'aligner sur les intérêts des puissants, et affirment que la France est aux mains de réseaux secrets (notamment la franc-maçonnerie) – ce qui leur donne un ton complotiste. Outre l'interdiction des « affiliations occultes » pour toute personne ayant une influence et un pouvoir de décision, ils appellent à la dissolution des partis politiques, qu'ils accusent d'étouffer la démocratie.
Mais le 10 septembre est devenu le point de mire de toutes sortes de manifestations ; l'effet boule de neige des réseaux sociaux a dilué la rhétorique fasciste et complotiste, et les revendications sociales ont pris le pas sur tout le reste. Sur le site « Indignons-nous, bloquons tout » , qui regroupe la plupart des initiatives, on ne parle que de s'opposer au plan Bayrou et de faire tomber le gouvernement. On voit émerger un mouvement sans bannière, qui se construit en dehors des organisations habituelles et qui s'amplifie de semaine en semaine, à travers des assemblées générales locales, des chaînes Telegram locales « indignons-nous », des expressions diverses sur les réseaux sociaux, des groupes de travail et des tracts artisanaux.
Chaque groupe local est le théâtre de débats houleux entre anciens gilets jaunes , électeurs de droite et de gauche, militants de gauche, syndicalistes et simples citoyens sans appartenance politique. Étudiants, salariés de différents secteurs, chômeurs et retraités débattent d'une fiscalité plus juste et des moyens de tout bloquer (refuser d'acheter, vider son compte en banque, bloquer des routes ou des grandes entreprises, organiser des opérations de péage gratuit sur les autoroutes, manifester, faire grève, occuper des places ou des ronds-points, etc.).
Si les origines du mouvement – né sur les réseaux sociaux autour de questions de justice fiscale et non partisan – peuvent rappeler celles des Gilets jaunes , il existe une différence majeure : cette fois, la plupart des organisations de gauche ont décidé de rejoindre ses rangs d’emblée. Parmi les partis politiques, la France insoumise, suivie du Nouveau Parti anticapitaliste, de Révolution permanente, des Verts, des communistes et même du Parti socialiste, ont annoncé qu’ils soutiendraient ou serviraient le mouvement, tout en insistant sur l’importance de son indépendance et de son autonomie.
Certains syndicats, poussés par leurs adhérents, ont alors décidé de rejoindre le mouvement : la Confédération générale du travail (CGT) a appelé à la grève le 10 septembre, tout en mettant en garde contre les tentatives d'infiltration de l'extrême droite dans le mouvement, tout comme Solidaires et plusieurs syndicats locaux. Les fédérations de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et de Force ouvrière, plus à droite, se tiennent à distance de la grève du 10 septembre, mais l'intersyndicale a appelé à la mobilisation le 18 septembre. De nombreux syndicats et organisations de jeunesse ont également appelé à la mobilisation le 10 septembre, tout comme des associations de la société civile comme ATTAC, des organisations féministes comme le mouvement #NousToutes, et des groupes climatiques et environnementaux comme Earth Uprisings.
Le Rassemblement national de Marine Le Pen a, pour sa part, décidé de ne pas se joindre à la mobilisation et a déclaré n'avoir « aucune intention d'organiser des manifestations ». Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de militants ni d'électeurs d'extrême droite dans le mouvement, comme ce fut le cas au début du mouvement des Gilets jaunes. Les partisans de Macron et la droite resteront, bien sûr, à l'écart du mouvement.
Adieu Bayrou — et Macron ?
Face à la perspective de cette mobilisation explosive et conscient de la probabilité d'une censure parlementaire lors de l'examen de son projet de loi de finances en septembre, Bayrou décide de demander la confiance du gouvernement. Tous les partis de gauche (dont le Parti socialiste), ainsi que le Rassemblement national (après avoir refusé de censurer le gouvernement à huit reprises en deux ans), annoncent aussitôt leur opposition.
Plusieurs scénarios sont possibles maintenant que Bayrou est tombé. Le premier est que Macron tente de former un nouveau gouvernement. Après avoir refusé pendant plus d'un an de nommer un Premier ministre issu du NFP, malgré sa victoire électorale, il est peu probable qu'il le fasse maintenant. Il pourrait décider de nommer, pour la troisième fois depuis les élections législatives de juillet 2024, un Premier ministre issu du camp présidentiel de centre-droite (« le socle commun ») afin de poursuivre son programme macroniste – par exemple l'actuel ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau (Les Républicains), ou son prédécesseur Gérald Darmanin (du parti pro-Macron Renaissance). Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, un nouveau gouvernement de ce type aurait beaucoup de mal à voter un budget et à gouverner, et la crise du régime ne ferait que se prolonger.
Une autre variante possible de ce premier scénario serait de tenter de former un gouvernement de coalition allant des Républicains de droite au Parti socialiste – en faisant des concessions, par exemple, sur les deux jours fériés ou sur le non-renouvellement des contrats des fonctionnaires. Le suicide politique apparent de Bayrou pourrait en réalité cacher une tactique politique : provoquer une crise sur les marchés financiers pour faire pression sur le Parti socialiste en l'appelant à agir « de manière responsable ».
Mais le climat actuel de troubles sociaux et les élections locales de mai 2026 pourraient dissuader le Parti socialiste – pour une fois – de trahir la gauche et le programme sur lequel il a été élu. Macron pourrait également nommer un Premier ministre issu du Rassemblement national (qui était le parti arrivé en tête lors des dernières élections), mais ce dernier réclame des élections anticipées.
C'est le deuxième scénario possible : une nouvelle dissolution du Parlement, pour la deuxième fois depuis le début du second mandat de Macron en 2022. Outre le Rassemblement national, la France insoumise appelle également à une dissolution. Macron a annoncé à plusieurs reprises ces dernières semaines qu'il ne dissoudrait pas l'Assemblée nationale en cas de renversement du gouvernement, mais il n'a pas pour habitude de tenir parole. D'autant qu'un retour aux urnes aurait l'avantage d'absorber les forces vives du pays et de saper l'élan du mouvement « bloquez tout ».
Un récent sondage montre que 67 % des Français souhaitent la démission d’Emmanuel Macron.
Le troisième scénario serait la démission de Macron lui-même. Étant donné qu'il est le principal responsable de la crise gouvernementale que traverse la France, ce serait l'issue la plus digne d'un point de vue démocratique. De plus, un récent sondage montre que 67 % des Français souhaitent sa démission. Mais Macron semble trop attaché à son trône pour aller aussi loin. La France Insoumise a déjà annoncé qu'elle déposerait une deuxième motion de destitution, mais cette procédure est soumise à des règles très strictes et a peu de chances d'aboutir. Un tel cas ne s'est jamais produit dans l'histoire de la Ve République, fondée en 1958.
Alors que le premier scénario, avec la nomination d'un nouveau gouvernement, nous obligerait à tourner à nouveau autour du carrousel macroniste, une dissolution ou une destitution signifierait un retour aux urnes. Dans ce cas, une union de la gauche fondée sur une rupture avec le système de production et de consommation actuel sera essentielle. La récente défaite cuisante de Kamala Harris a montré une fois de plus que lorsque la gauche refuse d'adopter son programme économique et social de gauche et continue d'armer un régime génocidaire en Israël, l'extrême droite l'emporte.
Cependant, la gauche française est actuellement divisée, et certains — notamment au sein du Parti socialiste — espèrent construire une nouvelle coalition électorale sans la France insoumise, ce qui garantirait une défaite électorale.
L'issue de la crise politique et les conséquences de la chute de Bayrou dépendront de la force du mouvement social qui sera lancé le 10 septembre. Les deux sont liés. La question est de savoir si la démission de Bayrou apaisera la contestation populaire ou, au contraire, servira de catalyseur. Si le peuple descend dans la rue, si les syndicats rejoignent le mouvement et si une gauche unie et radicale, liée à une forte mobilisation populaire, émerge, il est possible de vaincre à la fois le macronisme et l'extrême droite.
On a l’impression que c’est la fin d’une époque, mais pour l’instant, rien n’est sûr.