« Pour être libres dans ce monde, il faut être craint »
« Pour être libres dans ce monde, il faut être craint ». Macron, c’est à dire l’oligarchie occidentale, ont produit avec cette remarquable saillie, une claire stupidité. Il est, en effet, aisé de démontrer qu’ un homme craint ne serait être un homme libre. Le théorème qui établit cette vérité négative, cette impossibilité, est même très connu et on le considérait, du moins jusqu’à présent, comme une des pierres fondatrices de la culture occidentale.
On le trouve à l’état chimiquement pur dans le magnifique « Contre_un » d’Étienne de la Boétie, écrit en 1548 et plus connu sous le nom de « Discours de la servitude volontaire ». Le Un dont il est question dans ce libelle est évidement le tyran, c’est à dire celui qui est craint et donc celui dont Macron et ses semblables postulent qu’il est libre.
On peut conclure sans hésiter de cette audacieuse et provocante sortie qu’un tyran ne se sent libre et puissant que lorsqu’il est craint et c’est sans doute le ressenti de tous les profiteurs qui accablent notre monde. Pour autant, la théorie défendue par la Boétie incarne le démenti ineffaçable de ce ressenti.
La Boétie décortique la fragilité de la domination qui n’est solide que quand elle passe inaperçue et donc, périodiquement, se fracture et s’écroule. Pour lui, Le tyran vit dans la crainte permanente : n’ayant pas d’égaux, tous le craignent, et par conséquent, il risque à chaque instant l’assassinat.
A son opposé, ceux qui travaillent sont dans un certain sens « libres » : ils exécutent les ordres de leurs supérieurs et font du reste de leur temps libre ce qui leur plaît. Ils sont sont à la fois protégés puisqu’ils sont utiles et donc bien plus heureux et bien plus « libres » que ceux qui les traitent comme des « forçats ou des esclaves ».
C’est la thématique célèbre de la dialectique de la reconnaissance des consciences de soi indépendantes exposée par Hegel et reprise, entre autres par Canetti. Cette idée a été développée dans notre culture avec son complément indispensable de la sortie de la servitude (Kant et son idée d’autonomie et de paix perpétuelle) et elle est incontestablement, le fondement, la basse continue de notre histoire depuis deux siècles.
Il faut donc penser à sa juste mesure la portée du discours macronien, sachant qu’il est, en cette affaire, le porte-parole de tout un monde, le monde de la domination oligarchique achevée, monde dont l’instrument premier est l’argent mais l’argent ayant enrôlé à son service l’ensemble des moyens de domination connus ( sans oublier ceux qui sont en préparation comme l’IA).
Ces gens nous disent qu’ils veulent la guerre, qu’ils la veulent pour leur compte et qu’ils désigneront les cibles et les modalités du combat et que nous serons leurs esclaves combattants et sacrifiés à l’instar du peuple ukrainien. Mais en vérité, les esclaves combattants de cette guerre sont aussi les cibles puisqu’une telle guerre n’a pas d’adversaire réel sérieux, les prétendus adversaires désignés, Russie, Chine, Islamistes n’étant en fait que diverses résistances isolées et disposées au compromis..
Il nous faut bien, en pareil moment, encore suivre la Boétie, « soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres » ou bien Canetti et sa notion de « masse de refus ». Une guerre a été déclarée et doit trouver son répondant chez des hommes prêts à se battre pour ne plus se battre et s’efforcer de vivre « selon la partie la plus noble qui est en eux » (Aristote).
Mais le clan oligarchique, lui, n’est pas disposé au compromis. Face à lui, il faut donc imaginer une stratégie globale, telle qu’elle fut expérimentée depuis deux siècles par les mouvements d’émancipation sociale, bourgeois puis prolétaires. Le nombre, ce qui implique aussi la diversité et son premier et, à vrai dire, seul atout. Puisse-t-il être rejoint par l’imagination, le courage, la solidarité et l’endurance. Je relaie, dans un billet distinct, un appel espagnol qui, malgré son aspect didactique, va dans le sens ici évoqué.